Maurice Barrès
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«
A Maurice Barrès (1862-1923)
Maurice Barrès commence par chercher en lui-même un principe d'épanouissement personnel et par cultiver
méthodiquement ses sensations; puis il renonce à cette attitude individualiste, se jette dans les luttes de son
siècle, exalte l'énergie nationale et la discipline de l'Église.
L'ÉGOTISTE (1862-1893)
Maurice Barrès est né à Charmes-sur-Moselle; il voit, à huit ans, l'invasion allemande, qui le frappe vivement.
Il
reçoit sa première éducation au collège religieux de La Malgrange, puis il entre au lycée de Nancy.
A vingt ans, il
quitte sa province natale pour venir faire son droit à Paris.
La littérature le passionne déjà : il fonde, en 1884, une
revue, Les Taches d'encre, dont l'existence fut éphémère; il se voue ensuite à une méditation orgueilleuse, d'où
naîtront ses premiers ouvrages, Sous l'oeil des Barbares (1888), Un Homme libre (1889), Le Jardin de Bérénice
(1891), réunis en une trilogie sous le titre collectif « Le Culte du Moi »; et enfin L'Ennemi des lois (1892).
Comme Stendhal, dont il a subi l'influence, le jeune Barrès rêve d'atteindre au bonheur en pratiquant un égoïsme
méthodique : « Le premier soin de celui qui veut vivre, c'est de s'entourer de hautes murailles.
» Plein de mépris
pour l'immense majorité des autres hommes, ces « barbares » qui ne sauraient comprendre les raffinements de son
expérience intérieure, il s'affranchit à leur égard de toute servitude et cultive par système les sensations rares ou
fortes qui répondent à son idéal de vie ardente : « Courons à la solitude! Soyons des nouveau-nés ! Dépouillés de
nos attitudes, oublieux de nos vanités et de tout ce qui n'est pas notre âme, véritables libérés, nous créerons une
atmosphère neuve où nous embellir par de sagaces expérimentations.
» (Un Homme libre.)
LE TRADITIONALISTE (1893-1923)
Barrès, pourtant, ne trouve pas une pleine satisfaction dans cette superbe solitude.
Les événements politiques le
sollicitent.
En 1889, déjà, il s'est associé au mouvement boulangiste et il a rempli un mandat de député.
Le scandale
de Panama, l'affaire Dreyfus l'entraînent à fixer sa position idéologique : il dénonce la corruption du Parlement et
contribue à organiser la Ligue de la Patrie française, où se groupent les adversaires du dreyfusisme.
Élu député de
Paris en 1906, il siégera jusqu'à sa mort sur les bancs de la droite.
Son oeuvre littéraire reflète cette orientation nouvelle : Barrès s'avise que le Moi n'est pas une plante de serre,
mais un arbre fortement enraciné dans le sol natal.
Il proclame que tout homme est le prolongement de sa race et
cherche des raisons de vivre dans la fidélité aux traditions familiales, provinciales, patriotiques, religieuses.
Malheur
à ceux qui se laissent transplanter : telle est la thèse développée et illustrée dans Les Déracinés (1897), qui
constituent le premier élément d'une nouvelle trilogie intitulée « Le Roman de l'Énergie nationale ».
Ce roman se
poursuit dans L'Appel au soldat (1900) et s'achève en pamphlet dans Leurs Figures (1902), où les « panamistes »
sont campés avec un relief féroce.
Le nationalisme de Barrès s'exprime encore dans Au Service de l'Allemagne
(1905), dans Colette Baudoche (1909), qui montrent la résistance de l'Alsace et de la Lorraine à la conquête
germanique.
En même temps, Barrès se fait le champion du catholicisme et enseigne, dans La Colline inspirée
(1913), que la foi religieuse doit se soumettre à une discipline sévère.
Pendant la guerre, qu'il a appelée de ses
voeux, il s'emploie à soutenir, par sa plume, le moral du pays.
Ce traditionalisme cocardier n'empêche pourtant pas
l'écrivain d'admirer la beauté partout où elle se trouve : grand voyageur, Barrès est plus particulièrement séduit par
le mysticisme espagnol (Gréco ou le Secret de Tolède, 1912) et la poésie de l'Orient (Un Jardin sur l'Oronte, 1922).
Des Cahiers, publiés après sa mort, fixent l'histoire de sa pensée et de son action.
Les Déracinés.
A Nancy, en 1879, un nouveau professeur de philosophie, M.
Bouteiller, s'impose à ses élèves par la distinction
sévère de son esprit et par la chaleur de sa parole; mais il les gagne à un humanisme abstrait et détruit les liens qui
les unissaient instinctivement à leur province.
Conquis par son enseignement spécieux, sept jeunes gens, Sturel,
Saint-Phlin, Roemerspacher, Suret-Lefort, Renaudin, Racadot et Mouchefrin, renient la Lorraine et vont chercher
fortune à Paris.
Ils luttent, mais subissent d'amères déconvenues : Bouteiller, dont ils ont demandé l'appui, se
dérobe; le journal qu'ils ont fondé sombre.
Pour se procure,- de l'argent, Racadot et Mouchefrin ne reculent pas
devant le crime : Racadot, convaincu d'assassinat, est condamné à mort et exécuté; Mouchefrin, son complice,
obtient un non-lieu grâce au silence de Sturel, qui possédait la preuve de sa culpabilité.
Sturel est bouleversé.
Voilà
les dangers auxquels s'exposent les déracinés!
La Colline inspirée
Il est des lieux élus pour être le siège de l'émotion religieuse : Lourdes, Vézelay, Domrémy, la colline de SionVaudémont, en Lorraine.
En 1837, trois prêtres, les frères Baillard, rétablirent sur cette colline le culte abandonné
depuis la Révolution.
L'aïné, Léopold, achète à crédit plusieurs domaines des environs; mais ses folles dépenses et
son esprit d'indépendance le rendent suspect à son évêque : il doit faire une retraite à la Chartreuse de Bosserville.
Sur le conseil d'un chartreux, il va trouver en Normandie un illuminé, le prophète Vintras, qui se rend à Sion, où il
introduit la pratique d'un culte démoniaque.
Un bref pontifical excommunie les Baillard.
Après un exil, Léopold revient
à Sion, où il continue à vivre dans des rêves dangereux.
Lorsqu'il agonise, un jeune oblat obtient qu'il se rétracte.
De tout temps se sont joués de tels drames autour des lieux inspirés.
Ne repoussons pas l'esprit qui souffle sur les
cimes, mais sachons en contrôler les élans..
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