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Marivaux, Le Jeu de l'amour et du hasard, acte II, scène 12.

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Marivaux, Le Jeu de l'amour et du hasard, acte II, scène 12. SILVIA (Fille de M. Orgon, vieux gentilhomme; elle a pris la place de sa soubrette pour pouvoir observer librement le parti qui va lui être offert. Or, le jeune homme lui déplaît mais elle se sent séduite par son valet): Ah! que j'ai le coeur serré! Je ne sais ce qui se mêle à l'embarras où je me trouve; toute cette aventure m'afflige: je me défie de tous les visages; je ne suis contente de personne, je ne le suis pas de moi-même. DORANTE (Fils d'un ami de M. Orgon; il s'est déguisé en valet pour mieux pouvoir observer sa future fiancée; il ne se doute nullement que Silvia a fait de même): Ah! je te cherchais, Lisette. SILVIA (Elle a décidé de fermer son coeur et de ne plus lui laisser dire qu'il l'aime): Ce n'était pas la peine de me trouver, car je te fuis, moi. DORANTE (L'empêchant de sortir): Arrête donc, Lisette; j'ai à te parler pour la dernière fois; il s'agit d'une chose de conséquence qui regarde tes maîtres. SILVIA: Va le dire à eux-mêmes; je ne te vois jamais que tu ne me chagrines; laisse-moi. DORANTE: Je t'en offre autant; mais écoute-moi, te dis-je; tu vas voir les choses bien changer de face par ce que je vais te dire. SILVIA: Eh bien, parle donc; je t'écoute, puisqu'il est arrêté que ma complaisance pour toi sera éternelle. DORANTE: Me promets-tu le secret? SILVIA: Je n'ai jamais trahi personne. DORANTE: Tu ne dois la confidence que je vais te faire qu'à l'estime que j'ai pour toi. SILVIA: Je le crois; mais tâche de "m'estimer" sans me le dire, car cela sent le prétexte. DORANTE: Tu te trompes, Lisette; tu m'as promis le secret; achevons. Tu m'as vu dans de grands mouvements; je n'ai pu me défendre de t'aimer. SILVIA: Nous y voilà; je me défendrai bien de t'entendre, moi; adieu. DORANTE: Reste; ce n'est plus Bourguignon qui te parle. SILVIA: Eh! qui es-tu donc? DORANTE: Ah, Lisette! c'est ici que tu vas juger des peines qu'a dû ressentir mon coeur. SILVIA: Ce n'est pas à ton coeur que je parle, c'est à toi. DORANTE: Personne ne vient-il? SILVIA: Non. DORANTE: L'état où sont les choses me force à te le dire; je suis trop honnête homme pour n'en pas arrêter le cours. SILVIA: Soit. DORANTE: Sache que celui qui est avec ta maîtresse n'est pas ce qu'on pense. SILVIA (vivement): Qui est-il donc? DORANTE: Un valet. SILVIA: Après? DORANTE: C'est moi qui suis Dorante. SILVIA (à part): Ah! je vois clair dans mon coeur.

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