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Marivaux, La Dispute, Scène 3

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Marivaux, La Dispute, Scène 3 Carise - Venez, Eglé, suivez-moi ; voici de nouvelles terres que vous n'avez jamais vues, et que vous pouvez parcourir en sûreté. Eglé - Que vois-je ? quelle quantité de nouveaux mondes ! Carise - C'est toujours le même, mais vous n'en connaissez pas toute l'étendue. Eglé - Que de pays ! que d'habitations ! Il me semble que je ne suis plus rien dans un si grand espace, cela me fait plaisir et peur. (Elle regarde et s'arrête à un ruisseau.) Qu'est-ce que c'est que cette eau que je vois et qui roule à terre ? Je n'ai rien vu de semblable à cela dans le monde d'où je sors. Carise - Vous avez raison, et c'est ce qu'on appelle un ruisseau. Eglé, regardant - Ah ! Carise, approchez, venez voir, il y a quelque chose qui habite dans le ruisseau qui est fait comme une personne, et elle paraît aussi étonnée de moi que je le suis d'elle. Carise, riant - Eh ! non, c'est vous que vous y voyez ; tous les ruisseaux font cet effet-là. Eglé - Quoi ! c'est là moi, c'est mon visage ? Carise - Sans doute. Eglé - Mais savez-vous bien que cela est très beau, que cela fait un objet charmant ? Quel dommage de ne l'avoir pas su plus tôt ! Carise - Il est vrai que vous êtes belle. Eglé - Comment, belle, admirable ! Cette découverte-là m'enchante. (Elle se regarde encore.) Le ruisseau fait toutes mes mines, et toutes me plaisent. Vous devez avoir eu bien du plaisir à me regarder, Mesrou et vous. Je passerais ma vie à me contempler ; que je vais m'aimer à présent ! Carise - Promenez-vous à votre aise, je vous laisse pour rentrer dans votre habitation, où j'ai quelque chose à faire. Eglé - Allez, allez, je ne m'ennuierai pas avec le ruisseau.

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