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Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661) - Le poète crotté

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Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661) - Le poète crotté (extraits) ... Lors que ce chardon de Parnasse Ce vain épouvantail de chasse Ce Pot-pourri d'étranges moeurs, Ce moine bourru des rimeurs, Ce chaland de vieille tripière, Ce faquin orné de rapière, Cet esprit chaussé de travers, Ce petit fagoteur de vers, Vit sa pauvre muse chifflée Et son espérance befflée Après avoir été vingt ans Un des plus parfaits sots du temps Et sêtre vu, par son mérite Fou de la reine Marguerite Qui l'estimait, Dieu sait combien ! C'est-à-dire autant comme rien. A la fin, saoul de chiquenaudes, De taloches, de gringuenaudes D'ardentes mouches sur l'orteil, De camouflets dans le sommeil, De pets en coque à la moustache, De papiers qu'au dos on attache ; D'enfler même pour les laquais, De bernements, de sobriquets, De coups d'épingle dans les fesses Et de plusieurs autres caresses Que dans le Louvre on lui faisait Quand son diable l'y conduisait, Il lui prit, quoi que tard, envie D'aller ailleurs passer sa vie Et, laissant Paris en ce lieu, Lui dire pour jamais adieu. ... Son pourpoint, sous qui maint pou gronde, Montrait les dents à tout le monde, Non de fierté mais de douleur De perdre et matière et couleur. Il fut jadis d'un drap minime ; Mais qu'est-ce que le temps ne lime Le pauvre diable a fait son cours : Autant puissent durer mes jours. La moitié d'une peccadille Sur qui sa crinière pendille Affreuse et sentant le sabat, Lui servait au lieu de rabat. Des grègues d'un faux satin jaune, D'un côté trop longues d'une aune Et de l'autre à bouillon troussé, Reliques d'un ballet dansé, Qu'un galant coiffé d'une dame Lui donna pour son anagramme Avec un demi-quart d'écu, Enharnachaient son chien de cul. Un rocquet de bourraccan rouge Qui jamais de son dos ne bouge L'affublait, quoiqu'il fût hiver Et qu'il fût rongé de maint ver. ... Au moins, ô ma chère Sybile N'aye la mémoire labile Remembre-toi de ton côté De ton pauvre rimeur crotté Et du mien j'aurai pour hôtesse Dans le chef ma haute poétesse Dont les écrits, comme mes vers, Sont les torches de l'univers ; Remembre-toi des sérénades Qu'en mes nocturnes promenades, Accompagné d'un vielleur Aveugle, afin que déceleur De nos amours il ne pût être, Discrétion qui reconnaître Se doit bien, je t'ai si souvent Donnée, à la pluie et au vent ; Remémore-toi davantage Que, quoi qu'en douzième étage Tu te gîtes proche du ciel, Et c'est pourquoi, mon tout, mon miel, Ci-devant, haute t'ai nommée, Toutefois d'une âme charmée, N'ai pas laissé grimpant en ours, De te visiter tous les jours.

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