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Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661) - La nuit

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Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661) - La nuit (extraits) Paisible et solitaire Nuit, Sans Lune et sans Étoiles, Renferme le Jour qui me nuit Dans tes plus sombres voiles ; Hâte tes pas, Déesse exauce-moi, J'aime une Brune comme toi. ... Ha ! voilà le jour achevé, Il faut que je m'apprête ; L'Astre de Vénus est levé Propice à ma requête ; Si bien qu'il semble en se montrant si beau Me vouloir servir de flambeau. L'artisan las de travailler, Délaisse son ouvrage ; Sa femme qui le voit bâiller En rit en son courage, Et l'oeilladant s'apprête à recevoir Les fruits du nuptial devoir. Les Chats presque enragés d'amour, Grondent dans les gouttières ; Les loups-garous fuyant le jour Hurlent aux Cimetières : Et les Enfants transis d'être tout seuls, Couvrent leurs têtes de linceuls. Le Clochetteur des trépassés Sonnant de rue en rue, De frayeur rend leurs coeurs glacés, Bien que leur corps en sue ; Et mille Chiens oyant sa triste voix Lui répondent à longs abois. Ces tons ensemble confondus, Font des accords funèbres, Dont les accents sont épandus En l'horreur des ténèbres Que le Silence abandonne à ce bruit Qui l'épouvante, et le détruit. ... Tous ces vents qui soufflaient si fort Retiennent leurs haleines, Il ne pleut plus, la foudre dort, On n'oit que les fontaines, Et le doux son de quelques luths charmants Qui parlent au lieu des Amants. Je ne puis être découvert, La Nuit m'est trop fidèle ; Entrons, je sens l'huis entrouvert, J'aperçois la chandelle ; Dieux ! qu'est ceci ? je tremble à chaque pas, Comme si j'allais au trépas. Ô toi ! dont l'oeil est mon vainqueur, Sylvie, eh ! que t'en semble ? Un homme qui n'a point de coeur Ne faut-il pas qu'il tremble ? Je n'en ai point, tu possèdes le mien ? Me veux-tu pas donner le tien ?

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