MALRAUX - LA Voix Royale
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MALRAUX - LA Voix Royale
Le roman relate l'expédition de Claude Vannée, qui recherche des
temples khmers enfouis dans la jungle.
À travers la clairière, aucun sentier.
Pourtant un au moins en partait :
celui qu'ils avaient suivi, et qui continuait au-delà.
Malgré son calme,
cette clairière où ils devaient dormir vivait d'une vie de piège ; une moitié
envahie déjà par l'ombre, l'autre éclairée par la lumière très jaune qui
précède le soir.
Pas de palme, l'Asie n'était présente que par la chaleur,
les dimensions colossales de quelques arbres aux troncs rouges et la
densité du silence, à quoi le crissement des myriades d'insectes et,
parfois, le cri solitaire d'un oiseau qui s'abattait sur l'une des plus hautes
branches, donnaient une étendue solennelle.
Il se reformait sur ces cris
perdus comme une eau dormante ; là-haut, la branche se balançait
lentement, presque noyée dans la confusion du soir, tandis qu'au-delà de
toute cette végétation sans pistes ni traces qui dévalait vers des
profondeurs cachées par la brume, des montagnes se détachaient sur le
ciel déjà mort.
[...] Du mur d'arbres aux lointains qui se confondaient
avec la nuit, du ciel où apparaissaient les étoiles plus claires que le feu à
la grande forêt primitive, la force lente et démesurée de la chute du jour
accablait Claude de solitude, rendait à sa vie son caractère traqué.
Elle le
submergeait comme une invincible indifférence, comme la certitude de la mort.
1.
Claude Vannée : héros de ce roman qui raconte les aventures d'un jeune archéologue, chef d'une expédition à
travers la jungle asiatique, à la recherche des trésors de l'art thaïlandais.
[Introduction]
La Voie royale relate l'expédition de pillage archéologique menée par un Européen, Claude Vannée, dans la jungle
d'Asie, au Cambodge précisé-ment.
Le narrateur choisit de décrire du point de vue du personnage principal le lieu de
leur bivouac, à la tombée de la nuit, et le paysage alentour ainsi que les sentiments qu'il éveille en lui.
Nous verrons
d'abord en quoi le texte remplit son rôle descriptif et évoque avec une certaine vérité la jungle asiatique ; puis, nous
examinerons la façon dont le narrateur crée, à partir de la description de la nature, une atmosphère angoissante ;
enfin, nous analyserons ce que ce paysage-état d'âme révèle sur le personnage.
[La description de la jungle asiatique]
La description de la jungle est tout à fait évocatrice de ce monde exotique et foisonnant.
Comme dans toute description, les indications spatiales sont privilégiées et organisent le texte, comme elles sont
révélatrices de la façon dont s'organise l'espace de la forêt.
En effet, la progression, l'intérêt du texte se déplace de
l'espace réduit où se trouve le personnage, la clairière, à l'espace alentour.
Le texte débute par le lieu le plus proche :
« À travers la clairière », divisée par la lumière et l'ombre en deux moitiés.
Cependant, très vite, le regard prisonnier du
« mur d'arbres » est attiré « là-haut » et « au-delà ».
Dans cet univers, cependant, il n'y a presque plus de place pour
une vie humaine ; la forêt est vierge de « pistes » ou de « traces ».
« Aucun sentier » ne part de la clairière en dehors
de celui qu'ils ont suivi et suivront.
Le reste du texte décrit donc un paysage dont l'homme est exclu et qui appartient
au règne animal et végétal.
De plus, ces deux espaces sont de dimension inhumaine, comme la nature environnante :
les arbres ont des « dimensions colossales », « la densité du silence » a « une étendue solennelle ».
Les insectes sont
évoqués comme des « myriades », et le foisonnement de la végétation est souligné par un adjectif intensif : « toute
cette végétation ».
Enfin, l'exotisme du paysage est évoqué à travers les fortes sensations qu'il procure à l'Européen
qu'est le personnage.
La perception visuelle est sollicitée la première par les couleurs vives et extraordinaires de la
lumière, « très jaune », et des « arbres aux troncs rouges ».
En même temps, le sens du toucher est accaparé par
l'impression de « chaleur ».
Enfin, c'est l'ouïe que surprennent les bruits et les silences de la jungle ; entre la mention
de « la densité du silence » et sa comparaison avec « une eau dormante » qui se refermerait sur les bruits, sont
évoqués une fois pour toutes, « le crissement [des] insectes », « le cri solitaire d'un oiseau », ou des « cris perdus ».
Puis de nouveau, la description s'adresse à la vue mais, paradoxalement, c'est pour évoquer les obstacles qu'elle
rencontre à la tombée du jour, et la « confusion du soir ».
Nous avons vu comment la jungle et tout ce qu'elle peut
contenir d'exceptionnel et d'inhabituel sont rendus par la description.
[Une nature angoissante]
Mais la description a une autre fonction ; elle sert à créer une atmosphère angoissante.
Tout d'abord, le champ de la perception visuelle est limité ; c'est pourquoi l'ensemble du paysage décrit est rendu par
des touches isolées ou des notations globales et floues ; ainsi la faune se limite étonnamment aux oiseaux et aux
insectes, qui demeurent invisibles ; la « végétation », les « montagnes » et « le ciel » peuvent être distingués, mais en.
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