LE REALISME ET LE ROMANTISME DE FLAUBERT
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LE REALISME ET LE ROMANTISME DE FLAUBERT
LE ROMANTISME DE FLAUBERT
La crise romantique exceptionnellement intense que Flaubert traversa pendant ses jeunes années et qui s'accordait
avec son tempérament imaginatif et passionné, fut surmontée à force de sens critique et de volonté.
Dès lors, il fut
l'ennemi impitoyable de la sottise prétentieuse qui se cache parfois au fond des aspirations romantiques, et dont il
avait été dupe lui-même.
Du romantisme il conserve pourtant l'enthousiasme de l'imagination et du coeur, le goût des visions éclatantes, un
penchant au lyrisme, une conception pessimiste du monde, la haine de la médiocrité, le mépris du bourgeois, qu'il
définit « quiconque pense bassement », et auquel il reproche son manque de délicatesse et sa méconnaissance de
l'art.
Bien qu'il professe que l'écrivain ne doit rien livrer de lui-même, son Éducation sentimentale est un roman
autobiographique.
Dans ses autres oeuvres, il a beau se forcer à une sorte de froideur objective, sa personnalité
transparaît toujours.
Lorsqu'il dit : « Madame Bovary, c'est moi », il exprime sous une forme paradoxale une idée
profondément juste.
LE RÉALISME DE FLAUBERT
Préalablement à son travail de création artistique, il observe et se documente.
Son imagination a besoin du support
de la réalité.
Madame Bovary a pour point de départ une histoire vraie : le suicide de la femme d'un médecin
normand,
Delphine Delamare.
Comme cadre de son roman, il a choisi la bourgade de Ry, qu'il décrit sous le nom d'Yonville.
Avant de raconter la mort d'Emma Bovary, il se renseigne sur les effets de l'arsenic.
Pour composer Bouvard et
Pécuchet, il dépouille quinze cents volumes.
Évoquant, dans Hérodias, la décollation de saint Jean-Baptiste, il
regrette de ne pas avoir sous les yeux « une tête fraîchement coupée ».
Il voudrait « faire sentir presque
matériellement les choses qu'il reproduit ».
Ce goût et ce besoin de l'observation attentive lui viennent peut-être de l'exemple des médecins au milieu desquels
il a passé son enfance et sa jeunesse.
Le portrait charge qui le représente en train de disséquer Emma Bovary ne
manque pas de vérité.
Son attitude en face de la vie est celle d'un savant matérialiste, préoccupé de la recherche
des causes, persuadé que le physique conditionne le moral.
Il réagit contre la tendance romantique à mettre en scène des personnages exceptionnels.
Il prétend, quant à lui,
s'intéresser surtout aux êtres moyens ou médiocres, parce qu'ils sont plus caractéristiques.
Il se défend pourtant d'avoir rien de commun avec les théoriciens du réalisme.
« J'exècre, dit-il, ce qu'on est
convenu d'appeler le réalisme, bien qu'on m'en fasse un des pontifes ».
SES EXIGENCES D'ART
S'il existe un réalisme qui consiste à « se faire l'âme de tout le monde pour voir ce que voit tout le monde » (AlainFournier), ce n'est pas celui de Flaubert,
bourgeois artiste, dont le souci primordial est la recherche de la beauté, et qui écrit pour une élite.
Par la magie des
mots, il transfigure le réel.
Il en fait une vision d'art, un monde merveilleux, où il s'enferme.
Il aime les images
éclatantes, les décors somptueux de l'histoire.
Son vrai maître est Théophile Gautier, et Salammbô rappelle à
certains égards Le Roman de la momie.
Pourtant, c'est dans la grisaille de la réalité quotidienne qu'il a puisé les
éléments de Madame Bovary.
La médiocrité de cette vie platement bourgeoise qu'il déteste, suffit à nourrir son rêve
d'artiste.
Il est encore artiste par la façon dont il compose : chacun de ses romans est conçu comme une
succession de tableaux.
Ses scrupules d'écrivain sont extrêmes.
Il passe son temps parmi « les affres du style », attentif à la moindre
nuance, corrigeant tout ce qui ne le satisfait pas pleinement, usant sa force nerveuse à ce labeur ingrat.
Il prétend
écrire « non pour le lecteur d'aujourd'hui, mais pour tous les lecteurs qui pourront se présenter tant que la langue
vivra ».
Son style, malgré sa perfection tendue, est d'une rare plénitude et ne laisse pas voir les efforts qu'il a
coûtés.
Il porte implicitement condamnation contre la dangereuse facilité, où la vogue du roman feuilleton faisait
glisser la prose française..
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