L'amour Mouillé de Ronsard
Extrait du document
«
INTRODUCTION :
A.
— Ce texte est un poème narratif, avec cette nuance que Ronsard s'y met directement en scène, ce qui lui confère
aussi l'aspect d'un épanchement.
Il est un des acteurs du drame qu'il raconte, et il finit par en être la victime.
B.
— L'inspiration en est lyrique, épisodiquement dramatique.
En dépit des allusions mythologiques (38, 42), la tonalité
en demeure simple et familière; mais la grâce a, surtout à la fin, fait place à l'émotion.
C.— L'art du poème.
Il y a, comme dans l'Amour piqué, un découpage en scènes, la même recherche de la vie et du
détail familier et même réaliste (notamment les vers 18 à 29) mais Ronsard y révèle aussi une grande habileté dans l'art
d'éveiller et d'entretenir l'intérêt, de peindre des attitudes, des gestes qui campent devant nous deux personnages, et
de garder toute son originalité derrière son imitation des Anciens.
DÉVELOPPEMENT :
A.
— L'art d'éveiller et d'entretenir l'intérêt :
D'abord une indication d'heure et de lieu qui créent une atmosphère un peu mystérieuse mais apaisée.
Puis l'annonce,
quelque peu bruyante, d'un « visiteur du soir » qui nous étonne, autant qu'elle surprend le poète, d'autant plus que
tout se passe dans une demi-obscurité (vers 28).
Une fois les chandelles éclairées, Ronsard découvre l'identité de son
personnage et s'apprête à « le faire banqueter » — nous attendons la suite avec impatience.
Mais voici le drame :
sournoisement le visiteur prend son arc (37-38) et en blesse le poète.
Celui-ci n'a plus qu'à déplorer son aventure et à en tirer le sens symbolique : l'amour peut venir sans qu'on l'attende et
cet amour, fondé sur la beauté (41-42), ne pourra jamais guérir.
On voit comment, dans ce récit, l'intérêt a été suscité par un effet de contraste, puis soutenu par la curiosité.
B.
— La peinture des gestes et des attitudes :
L' « Amour piqué » était une « scène d'extérieur » qui suggérait un paysage de printemps — l' « Amour mouillé » est
une « scène d'intérieur » dans un cadre nocturne et hivernal.
• Tandis que la pluie tombe au dehors, Ronsard est endormi.
Réveillé en sursaut, il s'étonne, mais aimable il ouvre la
porte au gond verrouillé sans s'avoir de qui il s'agit — Puis il veut faire honneur à son visiteur.
On remarquera la
bonhomie de l'accueil.
La progression de la lumière, le mouvement général qui anime le poème.
• De son côté Amour est présenté non plus comme une « petit > enfant, mais comme un enfant déjà grand (14.)
trempé jusqu'aux os, prêt à jouer un mauvais tour à son hôte et même assez sournois (37 et 38).
C.
— Le poète en situation qui s'exprime :
• Au point de vue esthétique, Ronsard, une fois de plus, dans ce poème, part d'un modèle : une pièce d'Anacréon,
dont voici la traduction :
« Naguère, au milieu de la nuit, à l'heure où la Grande Ourse tourne déjà sous la main du Bouvier, où tous les mortels
reposent domptés par la fatigue, Erôs survint et frappa la barre à ma porte : « Qui frappe, dis-je, à ma porte? Tu vas
dissiper mes songes ».
— « Ouvre, dit Erôs, je suis un petit enfant, ne crains rien.
Je suis trempé et j'erre dans la nuit
sans lune.
» J'eus pitié, entendant ces mots; aussitôt, j'allumai une lampe et j'ouvris.
Je vis en effet un petit enfant qui
portait un arc, des ailes et un carquois.
Je le fis asseoir devant le foyer; dans mes mains je réchauffai les siennes, puis
j'exprimai l'eau de ses cheveux humides.
Mais lui, dès qu'il ne sentit plus le froid : « Allons, dit-il, essayons cet arc :
voyons si sa corde mouillée n'est pas endommagée ».
Il le tend alors et me blesse en plein foie, comme un taon.
Puis,
sautant et riant aux éclats : « Félicite-toi, mon hôte, dit-il mon arc se porte bien, mais toi, ton cœur sera bien malade
!»
Ronsard garde l'idée et la mise en scène mais il supprime des détails d'assez mauvais goût : j'exprimai l'eau...
me blessa
en plein foie comme un taon.
Il transforme la personnalité du visiteur, qui, dans son poème, apparaît plus sournois mais
moins méchant, moins triomphant.
— C'est d'ailleurs Ronsard qui tire lui-même la leçon de son aventure, et non
l'Amour.
En revanche, il veille à présenter un décor plus réaliste, plus concret et à se présenter comme plus serviable.
Il ouvre
la porte sans allumer la lampe et c'est seulement quand il a éclairé la pièce qu'il peut observer plus en détail son
visiteur.
La fiction gagne en vraisemblance.
• Au point de vue sentimental, quoique discrète, la part de la confidence apparaît plus grande : Ronsard imagine (47 à
52) que la flèche d'amour est passée de son œil à son cœur.
CONCLUSION :
Bon exemple de la façon très personnelle avec laquelle déjà Ronsard « imite » les anciens.
Il est sur la voie de
l'imitation classique..
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