Ronsard: « Doux desdains, douce amour d'artifice cachée… »
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«
Ronsard : « Doux desdains, douce amour d’artifice cachée… »
"Doux desdains, douce amour d’artifice cachée,
Doux courroux enfantin, qui ne garde son cœur,
Doux d’endurer passer un long temps en longueur,
Sans me voir, sans m’escrire, et faire la faschee :
Douce amitié souvent perdue et recherchée,
Doux de tenir d’entrée une douce rigueur,
Et sans me saluer, me tuer de langueur,
Et feindre qu’autre part on est bien empeschee :
Doux entre le despit et entre l’amitié,
Dissimulant beaucoup, ne parler qu’à moitié.
Mais m’appeler volage et prompt de fantasie,
Craindre ma conscience, et douter de ma foy,
M’est un reproche amer, qu’à grand tort je reçoy :
Car douter de ma foy c’est crime d’hérésie."
« Le grand mérite des poètes de la Pléiade est celui de ramener le genre à sa pureté lyrique et à son sérieux spirituel
» : c’est en ces termes que L.Zilli fait l’éloge du sonnet tel qu’il a été renouvelé par les poètes de la Péliade, dont
Ronsard.
En effet, ce dernier s’est emparé d’un genre illustre au XVe siècle par Pétrarque, genre traditionnellement
dévoué au thème de l’amour.
Mais si le sonnet a eu tendance à devenir une forme artificielle, et peut-être creuse, en
ceci qu’elle enfermait systématiquement le requit d’une passion deceptive dans la structure figée d’un quatrain et d’un
sizain, Ronsard a quant a lui renouvelé le genre par son exigence formelle, d’une part, mais aussi sa richesse
d’invention.
Car si ce sonnet n’est pas sans présenter une variation sur un thème pour le moins traditionnel de la
poésie occidentale, et, nous l’avons vu, du genre du sonnet lui-même, il n’en reste pas moins qu’il s’illustre par sa
richesse d’invention autant que par son extrême rigueur dans l’emploi d’une forme a ce point codifiée qu’elle a quelque
chose de sphérique.
La question au centre de notre travail sera donc de déterminera comment Ronsard dépeinte une passion amoureuse
paradoxale dans un cadre formel extrêmement rigoureux ?
Si dans un premier temps nous pouvons étudier la forme du poème, en montrant qu’il s’agit d’un sonnet parfaitement
régulier obéissante a toutes les contraintes du genre, nous verrons ensuite que ce poème exprime une passion
paradoxale pour une femme aimée, avant de voir dans quelle mesure l’épreuve amoureuse conduit a une sacralisation
de l’objet de la flamme du poète.
I.
Un sonnet régulier évoquant une passion amoureuse
a.
Un sonnet parfaitement régulier
Nous commencerons par étudier ce texte en fonction de la forme qui est la sienne.
En effet, nous pouvons constater
que le poème de Ronsard est un sonnet parfaitement régulier.
Nous trouvons dans ce texte toutes les caractéristiques
du sonnet : il s’agit d’un poème compose de deux quatrains et d’un sizain, jouant sur une alternance de rimes (les
rimes sont embrassées dans les quatrains, suivies et embrassées dans le sizain).
Ronsard manie parfaitement les
alexandrins en respectant rigoureusement la césure a l’hémistiche (« Doux courroux enfantin//, qui ne garde son
cœur»).
Quant aux rimes, elles se manifestent par leur richesse, c'est-à-dire par le fait qu’elles comportent trois
phonèmes identiques : recherchée/empêchée, par exemple.
Nous pouvons également constater que l’effort poétique de
Ronsard porte sur l’utilisation des mêmes rimes en « é » et « eur » dans les quatrains et respecte la tradition italienne
du « concetto », c'est-à-dire de la pointe finale qui apporte une idée centrale pour la compréhension du sens général
du texte.
En effet, le dernier vers du sonnet est bien une pointe, dans la mesure ou il se distingue par sa position
conclusive autant que par l’utilisation du phonème « i », d’autant plus éclatant qu’il n’a été employé qu’une fois dans le
poème (a la fin du premier tercet) :
« Car douter de ma foy c’est crime d’hérésie».
b.
Le thème majeur du sonnet : la passion amoureuse
Le thème majeur de ce texte est incontestablement celui de la passion amoureuse, dans la mesure où le sonnet
évoque la relation complexe entre l’énonciateur du poème et une femme qui n’est jamais nommée :
Douce amitié souvent perdue et recherchée,
Doux de tenir d’entrée une douce rigueur,
Et sans me saluer, me tuer de langueur,
Et feindre qu’autre part on est bien empeschee :.
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