LA POÉTIQUE DE VERLAINE
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VERLAINE (1844-1896)
Né à Metz, où son père était capitaine, PAUL V ERLA INE, enfant unique, est élevé avec faiblesse.
Sa famille s'installe à Paris en 1851.
Il y fait des études
convenables.
Mais il se laisse entraîner à des camaraderies suspectes et, dès l'âge de dix-neuf ans, il s'adonne à la boisson.
Il obtient un emploi
d'expéditionnaire à l'Hôtel de Ville, métier qu'il exerce avec négligence, préférant s'occuper de littérature et fréquenter les cafés.
En 1870, au moment de son mariage avec Mathilde Mauté de Fleurville, il semble se ressaisir.
Équilibre fragile, vite détruit par l'influence du jeune Rimbaud,
qui le pousse vers une vie de liberté et d'aventures.
Mais il n'a pas l'audace désinvolte de Rimbaud.
Auprès de son ami, il apparaît faible, timoré, pitoyable.
L'opposition de leurs caractères entraîne un drame.
Le 10 juillet 1873, à Bruxelles, V erlaine blesse Rimbaud d'un coup de revolver.
Il est condamné à deux
ans de prison.
A u cours de sa détention à Mons, il traverse une crise mystique.
Une fois rendu à la liberté, il essaie de conformer sa vie à ses nouveaux
principes.
Il gagne sa vie comme professeur dans des institutions privées, tantôt en Angleterre, tantôt en France.
Peu à peu, il se remet à boire.
Son amitié
pour un jeune homme nommé Lucien Létinois, fils de paysans des Ardennes, lui donne l'idée de se faire agriculteur: lamentable entreprise, où il achève de
ruiner sa mère.
Il revient vivre à Paris.
Il n'obtient pas de se faire réintégrer à l'Hôtel de V ille.
Sa déchéance physique et morale s'accentue.
Il passe son temps entre le
café et l'hôpital.
Alors que ses premiers recueils, qui contiennent le meilleur de son oeuvre, avaient été peu remarqués, il jouit maintenant d'une vraie
célébrité.
Des tournées de conférences à l'étranger l'aident à subsister.
Mais il est usé par l'alcoolisme et la misère.
Le 8 janvier 1896, on le trouve mort
dans la chambre qu'il habitait.
PRINCIPALES ŒUVRES
Poèmes saturniens (1866).
A côté de poèmes d'inspiration parnassienne, ce recueil contient des élégies, plus proches du romantisme que de Baudelaire.
Le sentiment s'y exprime avec
délicatesse.
Déjà le poète adopte la forme de la chanson.
Fêtes galantes (1869).
Évocations d'un xvi ne siècle poétique et charmant, dans la manière de Watteau.
La Bonne Chanson (1870).
Ce sont les pensées d'amour de Verlaine fiancé, qui voit la vie et le monde comme il les rêve.
Romances sans paroles (1874).
Ce recueil, composé en prison, groupe une vingtaine de brefs poèmes, surtout remarquables par leur musicalité.
Il se divise en A riettes oubliées, Paysages
belges et Aquarelles.
Sagesse (1881).
Cette "sagesse" est celle du chrétien encore néophyte.
Il s'y mêle un regret émouvant des erreurs passées et le désir de renouer avec Mathilde.
Jadis et naguère (1884).
L'inspiration de ce recueil, plus variée que celle de Sagesse, admet une part de libertinage.
Jadis et naguère contient aussi le poème intitulé Art poétique.
Amour (1888).
Parallèlement (1889).
Bonheur (1891).
Chansons pour elle (1891).
Le mysticisme d'A mour et de Bonheur fait contraste avec la sensualité vulgaire de Parallèlement et de Chansons pour elle.
DOUBLE ASPECT DE VERLAINE
Les élans de sensibilité de ce très grand poète, sa touchante bonne volonté, ses regrets, ses plaintes, l'humilité avec laquelle il s'abandonne entre les
mains de Dieu, la fluidité, le charme envoûtant de sa poésie, tout cela pourrait faire croire que c'était un homme doux et malchanceux, gardant au milieu de
la dépravation une sorte d'innocence.
« Pauvre Lélian », disait-il de lui-même.
« Un chrétien », affirmait le prêtre qui l'administra peu avant sa mort.
Il existe un autre Verlaine, moins attirant.
Celui-là n'est pas un naïf, mais un civilisé, victime d'une éducation trop molle, victime de l'alcool, victime des
facilités que trouve la débauche dans un milieu corrompu.
Son terrible désir de jouissance le rend cynique, cruel.
Le coup de revolver tiré sur Rimbaud est
l'indice d'une brutalité qu'il exerça également sur sa femme, sur sa mère.
Les vices les plus bas ont fait de lui, pendant les dix dernières années de sa vie,
un être déchu.
Quel est le vrai V erlaine ? Plutôt le second.
Pourtant dans son rôle d'humble pénitent, de pécheur ingénu, Verlaine est sincère ou du moins il croit l'être.
Il
se compose un personnage et, pour un temps, ce personnage devient lui-même.
Puis le masque tombe.
Tout ce qu'il y a en lui de malsain et d'impur et qui
était seulement refoulé, revient à la surface.
LA POÉTIQUE DE VERLAINE
Verlaine est un artiste très conscient.
D'abord imitateur des parnassiens, il n'a pas tardé à trouver une autre formule plus personnelle.
La fréquentation de
Rimbaud l'a aidé à mettre au point son art poétique.
Moins audacieux que Rimbaud, il n'éprouve pas le désir de libérer en lui les forces de l'inconscient pour
saisir intuitivement l'absolu.
Il ne demande à la poésie que d'être un chant discret et doux, traduisant des impressions de préférence indécises.
Il proscrit la
rhétorique.
Il tend vers un style dépouillé, dont la musicalité constitue le principal charme.
Il aime les demi-teintes, les notations légères, les effets
cocasses, les phrases désarticulées, le rythme impair.
Pourtant sa technique n'est pas vraiment révolutionnaire.
Il reconnaît « les torts de la rime », mais il
n'ose pas renoncer à la rime.
C'est par son manque systématique de rigueur plus que par des innovations positives qu'il s'écarte des usages traditionnels
de notre poésie.
SA PLACE DANS LE SYMBOLISME
Malgré le prestige dont il jouissait aux yeux des écrivains d'avant-garde entre 1 8 8 6 e t 1 8 9 6 , il n'a guère fait que louvoyer parmi les mouvements
littéraires.
Les décadents, en 1886, l'ont considéré comme leur chef, un peu malgré lui.
La même année, il s'est rallié au symbolisme, que venait de lancer Moréas.
En
1891, au moment de la fondation de l'école romane, il n'a nullement cherché à défendre le symbolisme.
Sans doute a-t-il largement contribué par l'exemple
de son oeuvre et par la légende qui s'était formée autour de lui, à créer l'esprit symboliste.
Mais il n'a jamais prétendu jouer un rôle.
Il ne semble même pas
s'être rendu compte de la place exacte qu'il tenait dans l'histoire des lettres..
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