Devoir de Français

La poésie italienne

Extrait du document

La fin de la Seconde Guerre mondiale constitue dans l'histoire de la poésie italienne contemporaine un jalon qui n'est pas uniquement d'ordre chronologique. C'est surtout une ligne de démarcation, à la fois morale, morphologique et technique, qu'ont du franchir, plus ou moins consciemment, tous les poètes qui s'étaient déjà exprimés antérieurement à cette époque. D'aucuns ont cru devoir, durant les années qui suivirent la guerre, écarter purement et simplement du tableau certains poètes sous le seul prétexte qu'ils avaient déjà dit pratiquement tout ce qu'ils avaient à dire au cours de la décennie précédente. Nous ne sommes, bien entendu, nullement partisans d'une simplification aussi abusive. En retrouvant parmi les grands noms de la poésie des vingt ou trente premières années du siècle ceux-là mêmes chez qui leurs successeurs ont puisé leur inspiration et qui se trouvaient toujours en lice au moment de l'après-guerre ­ voire encore plus tard ­ nous estimons au contraire qu'il convient avant toute chose de souligner l'importance de cette accumulation de motifs historiques et individuels, de variations idéologiques et personnelles que ces poètes ont dû surmonter avant de franchir le seuil de la guerre et des années qui ont suivi.       En dressant le tableau général de la situation de la poésie italienne aux alentours de 1945, on constatera que sa figure centrale est toujours celle de Giuseppe Ungaretti, dont tous s'accordent désormais à reconnaître l'importance. Après avoir rompu avec le lyrisme facile des poètes du début du siècle, la virtuosité verbale et le titanisme oratoire d'un D'Annunzio, Ungaretti avait progressivement été amené, avec L'Allegria, puis le Sentimento del Tempo, à redécouvrir un langage poétique essentiel et une inspiration très “ éthérée ”, héritages de la plus haute tradition lyrique, de Pétrarque à Leopardi. Durant les années de la guerre et de l'après-guerre, on assiste à une seconde renaissance de l'art d'UngarettiL228. Et son propre renouvellement, énergique et courageux, a puissamment contribué à celui de la poésie italienne, même si l'on se place à un point de vue purement technique. L'inspiration d'ouvrages tels que Il Dolore  et Un grido e Paesaggi  est chargée de résonances plus spécifiquement humaines, et leur forme est plus discursive et plus libre ; cependant que, dans d'autres recueils parfois plus récents (La terra promessa, Taccuino del Vecchio  par exemple), Ungaretti continue sur son ancienne lancée dans un contexte poético-culturel en évolution de plus en plus rapide, par suite de l'usure accélérée des thèmes et des formes dont notre turbulente époque exige qu'ils soient constamment remplacés.

« La poésie italienne La fin de la Seconde Guerre mondiale constitue dans l'histoire de la poésie italienne contemporaine un jalon qui n'est pas uniquement d'ordre chronologique.

C'est surtout une ligne de démarcation, à la fois morale, morphologique et technique, qu'ont du franchir, plus ou moins consciemment, tous les poètes qui s'étaient déjà exprimés antérieurement à cette époque.

D'aucuns ont cru devoir, durant les années qui suivirent la guerre, écarter purement et simplement du tableau certains poètes sous le seul prétexte qu'ils avaient déjà dit pratiquement tout ce qu'ils avaient à dire au cours de la décennie précédente.

Nous ne sommes, bien entendu, nullement partisans d'une simplification aussi abusive.

En retrouvant parmi les grands noms de la poésie des vingt ou trente premières années du siècle ceux-là mêmes chez qui leurs successeurs ont puisé leur inspiration et qui se trouvaient toujours en lice au moment de l'après-guerre voire encore plus tard nous estimons au contraire qu'il convient avant toute chose de souligner l'importance de cette accumulation de motifs historiques et individuels, de variations idéologiques et personnelles que ces poètes ont dû surmonter avant de franchir le seuil de la guerre et des années qui ont suivi. En dressant le tableau général de la situation de la poésie italienne aux alentours de 1945, on constatera que sa figure centrale est toujours celle de Giuseppe Ungaretti, dont tous s'accordent désormais à reconnaître l'importance.

Après avoir rompu avec le lyrisme facile des poètes du début du siècle, la virtuosité verbale et le titanisme oratoire d'un D'Annunzio, Ungaretti avait progressivement été amené, avec L'Allegria, puis le Sentimento del Tempo, à redécouvrir un langage poétique essentiel et une inspiration très “ éthérée ”, héritages de la plus haute tradition lyrique, de Pétrarque à Leopardi.

Durant les années de la guerre et de l'après-guerre, on assiste à une seconde renaissance de l'art d'UngarettiL228.

Et son propre renouvellement, énergique et courageux, a puissamment contribué à celui de la poésie italienne, même si l'on se place à un point de vue purement technique.

L'inspiration d'ouvrages tels que Il Dolore et Un grido e Paesaggi est chargée de résonances plus spécifiquement humaines, et leur forme est plus discursive et plus libre ; cependant que, dans d'autres recueils parfois plus récents (La terra promessa, Taccuino del Vecchio par exemple), Ungaretti continue sur son ancienne lancée dans un contexte poético-culturel en évolution de plus en plus rapide, par suite de l'usure accélérée des thèmes et des formes dont notre turbulente époque exige qu'ils soient constamment remplacés. Auprès de la figure centrale d'UngarettiL228 se situent des poètes qui lui sont proches, tout au moins historiquement : Vincenzo CardarelliL1187 en premier lieu qui, dans ses Poésies d'avant guerre, paraissait s'être inspiré de LeopardiL122, et s'absorbe dans une contemplation funèbre et passionnée, et également Salvatore QuasimodoL1735, que la parution de Ed è subito sera avait tout d'abord fait classer, avant la guerre, parmi les poètes dits “ hermétiques ” et qui, pour se dépasser et se renouveler soi-même, a voulu se retremper aux sources de la réalité-expérience qui a fait de lui un poète explicitement et polémiquement engagé dans une perspective humaine à la fois chorale et politique.

Ses oeuvres (Giorno dopo giorno, La vita non è sogno, Il falso e vero verde, La terra impareggiabile) lui ont valu, en 1959, le Prix Nobel de littérature. Toujours dans le tableau de 1945, qui, insensiblement, et pour des raisons plus profondes que des raisons de simple commodité, devient la base d'un futur tableau de la poésie italienne de 1960 à 1970, il convient de placer, aux côtés de la figure centrale d'UngarettiL228, deux autres figures-clé de notre poésie du premier demi-siècle : celles d'Umberto SabaL1787, et surtout d'Eugenio MontaleL146.

La poésie de SabaL1787 est déjà tout entière dans le Canzoniere, qui, le poète étant d'origine israélite, n'a pu paraître dans son intégralité qu'après la guerre.

Elle s'est alors brusquement trouvée au centre même du langage poétique que la nouvelle génération commençait à se forger.

Au Canzoniere succèdent, après la guerre, Mediterranee et Uccelli Quasi un racconto sorte de biographie poétique dont le langage est celui, chaud et communicatif, de la vie courante et qui, tout en s'inspirant de la grande tradition lyrique italienne, révèle un penchant pour la poésie morale et narrative et comporte certains éléments relevant du domaine de la psycho-analyse.

L'oeuvre de SabaL1787 se caractérise par une vive sensibilité, alliée à une conscience aiguë de ses origines linguistiques et ethniques.

Les deux premiers ouvrages d'Eugenio MontaleL146, Ossi di seppia et Le Occasioni, révélaient en revanche, dès avant la guerre, un souffle et une ampleur résolument lyriques ainsi qu'une disposition à la méditation austère qui s'était déjà exprimée par la voix d'un illustre prédécesseur ligure, Camillo SbarbaroL1807, mais qui provenait aussi de ce que le poète avait lui-même repensé, dans une optique à la fois historique et moderne, du grand courant métaphysique de la poésie européenne.

MontaleL146 avait découvert un langage qui alliait la noblesse de la pensée à l'objectivité “ terre à terre ” des symboles de notre vie quotidienne ; mais cela dans un contexte historique qui, tout en évoquant certaines des conquêtes les plus valables de l'aventure poétique du début du siècle, renfermait tous les sujets de protestation rationnelle et orgueilleuse qui avaient fait de MontaleL146 le porte-drapeau de l'opposition italienne à la dictature fasciste de MussoliniP241.

Le troisième recueil de MontaleL146, La bufera e altro, caractérisé par la même rigueur d'invention et de réflexion, concilie harmonieusement des éléments poétiques très divers une conception moderne du stoïcisme, un langage chargé de symboles et d'éléments baroques, une vision singulièrement technicisée et consciente de l'avilissement d'un monde désormais conditionné par l'industrialisation et constitue pour les nouvelles générations de poètes italiens, et peut-être aussi européens, une source à laquelle ils pourront longtemps puiser. C'est donc par rapport à la poésie de MontaleL146 en premier lieu, puis à celle d'UngarettiL228, de SabaL1787 et enfin de certains poètes quelque peu tombés dans l'oubli (ceux surtout qui, à l'époque de la Première Guerre mondiale, se réclamaient du mouvement “ La Voce ” de Campana à SbarbaroL1807, de Rebora à Jahier), que nous pourrons dégager les principaux traits qui constituent les prémices de la poésie d'aujourd'hui. La fin de la dernière guerre vit éclore sur un terrain déjà préparé par UngarettiL228 et MontaleL146 ce phénomène complexe, indéfinissable sous certains aspects et bien définissable sous d'autres, que l'on a nommé “ hermétisme ”, et qui s'apparente à la fois au surréalisme français et au majestueux récitatif d'un EliotL066.

Historiquement parlant, l'hermétisme fut, vers la fin de la dictature fasciste, considéré comme l'émanation du refus et de la résistance qu'opposèrent les milieux littéraires italiens au régime mussolinien et au pompiérisme culturel qu'il prétendait instituer (et ce fut indubitablement là un de ses aspects, qui d'ailleurs attira, en même temps que les poètes, des romanciers tels que GaddaL1365, LandolfiL1524 et même VittoriniL1955).

Mais l'hermétisme a également servi de catalyseur aux poètes dont la puissance créatrice avait commencé à se manifester pendant, précisément, les années 40 ou juste avant.

Outre QuasimodoL1735, dont nous avons déjà parlé, et Leonardo SinisgalliL1842, dont le langage symboliste et l'inspiration populaire se nuancent d'ironie grâce à un primitivisme savant, l'hermétisme engendra des poètes dont l'importance de 1940 à 1960 a été considérable voire capitale comme Gatto et Caproni, LuziL1564 et SereniL1827, Bigongiari et Parronchi, et permit, tout au moins partiellement, l'éclosion de talents comme ceux de Betocchi, de Penna et de Bertolacci.

Il n'est pas jusqu'aux toutes premières tentatives poétiques du romancier Giorgio BassaniL1077 qui ne portent la marque de ce mouvement.

Aucun (ou presque) de ces. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles