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La Marquise de Rambouillet

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Nous connaissons peu de portraits de la marquise de Rambouillet : celui que nous avons sous les yeux montre un visage au front harmonieux, aux traits finement dessinés, qu'éclaire à peine le reflet d'un sourire. Nous savons encore qu'elle avait un teint d'une délicatesse exquise, et sans doute n'est-ce pas pure flatterie si le peintre, en 1646, la pare d'une beauté pleine de fraîcheur dans sa maturité : à une époque où l'on devenait si vite une vieille femme, les contemporains s'accordent à vanter le charme de la marquise, qui résiste au temps, que le temps même accroît. Née en 1588 d'une grande dame romaine, Julia Savelli, et de Jean de Vivonne, marquis de Pisani, ambassadeur du roi de France, Catherine de Vivonne épousa en janvier 1600 Charles d'Angennes, marquis de Rambouillet ; en 1607 naissait sa première fille, Julie d'Angennes, qui devait épouser M. de Montausier, après lui avoir infligé une longue attente qui fera l'admiration des cercles précieux. Elle eut encore trois filles et deux fils : le marquis de Pisani et le vidame du Mans. Elle était de santé fragile ; elle ne pouvait presque jamais écrire elle-même : "il n'y a pas une ligne qui ne lui coûte un effort", disait Chapelain. Vers la fin de sa vie, ne pouvant supporter ni le froid ni l'ardeur du feu, elle s'emmitouflait de fourrures, la tête lui branlait un peu, elle carminait ses lèvres dont la maladie avait altéré la couleur et réussissait à donner aux rares amis qu'elle continuait à recevoir une image d'elle-même qui n'avait rien de déplaisant. La vie cependant ne la ménagea guère, elle connut de dures épreuves : le vidame du Mans, emporté par la peste, en trois jours, à l'âge de sept ans ; son autre fils, le marquis de Pisani, né bossu, compensant sa disgrâce par un esprit endiablé, mais aussi par une folle bravoure qui lui fit trouver la mort à la bataille de Nordlingen en 1645 ; la perte, en 1652, d'un mari qu'elle révérait, deux de ses filles enfin disparues aussi avant elle. Ses amis s'attristaient de ses peines et surtout respectaient sa dignité dans la souffrance : la marquise, en effet, possédait une force tranquille qui lui permit longtemps, au sortir des deuils les plus cruels, de reprendre sa place et d'animer de nouveau la société qui l'entourait. La bonté et la gaieté étaient chez elle inséparables ; elle aimait rire et faire rire, mystifier et moquer, mais si la raillerie devenait cruelle, elle arrêtait aussitôt le jeu. Ce qu'elle aimait par-dessus tout, c'était machiner en grand secret quelque délicieuse surprise : son rêve eût été d'édifier en cachette dans ses jardins, pour l'offrir à ses amis, une maison semblable aux palais enchantés des romans.

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