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La Fontaine, Le Lion et le Moucheron

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La Fontaine, Le Lion et le Moucheron Va-t-en, chétif insecte, excrément de la terre ! " C'est en ces mots que le Lion Parlait un jour au moucheron. L'autre lui déclara la guerre. " Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi Me fasse peur, ni me soucie ? Un boeuf est plus puissant que toi, Je le mène à ma fantaisie. " À peine il achevait ces mots, Que lui-même il sonna la charge, Fut le trompette et le héros. Dans l'abord, il se met au large ; Puis prend son temps, fond sur le cou Du lion, qu'il rend presque fou. Le quadrupède écume, et son oeil étincelle ; Il rugit; on se cache, on tremble à l'environ : Et cette alarme universelle Est l'ouvrage d'un moucheron. Un avorton de mouche en cent lieux le harcèle : Tantôt pique l'échine et tantôt le museau. Tantôt entre au fond du naseau. La rage alors se trouve à son faîte monté. L'invisible ennemi triomphe et rit de voir Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir. Le malheureux lion se déchire lui-même, Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs, Bat l'air, qui n'en peut mais, et sa fureur extrême La fatigue l'abat : le voilà sur les dents. L'insecte du combat se retire avec gloire : Comme il sonna la charge, il sonne la victoire, Va partout l'annoncer, et rencontre en chemin L'embuscade d'une araignée : Il y rencontre aussi sa fin. Quelle chose par là nous peut être enseignée ? J'en vois deux dont l'une est qu'entre nos ennemis Les plus à craindre sont souvent les plus petits ; L'autre, qu'aux grands périls tel a pu se soustraire, Qui périt pour la moindre affaire.

« Introduction « Une morale nue apporte de l'ennui : Le conte fait passer le précepte avec lui.

» Ainsi La Fontaine définissait-il sa conception de la fable en dédiant au Dauphin son premier recueil d'oeuvres inspirées d'Ésope et de Phèdre.

C'est bien l'éventail de ses talents de conteur qu'il nous fait découvrir dans le récit du terrible duel qui oppose le Lion et le Moucheron dans le poème du même nom. En effet nous retrouvons comme souvent chez le fabuliste la rivalité d'un être puissant et d'un être faible, mais, plus que la morale de l'histoire, c'est la mise en scène de l'affrontement qui attire notre intérêt.

Ce combat, nous le vivons intensément grâce aux qualités dramatiques du récit, à la diversité des tons employés et à la peinture pittoresque des personnages. I.

La vivacité du récit La Fontaine ne « raconte » pas, il met en scène, et ménage constamment l'intérêt du lecteur grâce au dynamisme d'un récit dramatique. 1.

L'enchaînement des péripéties Logique et chronologique, il reprend le schéma habituel d'une pièce classique ; les événements se succèdent sans temps mort, sans longues transitions. • L'exposition (v.

1 à 8), ex abrupto, nous plonge immédiatement au coeur de la dispute au moment où elle tourne au drame, et nous présente sans préliminaires deux adversaires disproportionnés qui se défient ; emploi du style direct ; brièveté de la formule : « l'autre lui déclara la guerre ». • Les phases du combat ; l'intérêt du lecteur est éveillé, on s'attend à une défaite de l'insecte : — charge du moucheron, attaque en piqué ; l'expression « à peine », le passage du passé au présent soulignent la soudaineté de l'attaque. — en réponse, réaction de l'adversaire, fureur du lion ; frayeur aux alentours ; style nerveux : pas de mots de liaison. — paroxysme de la lutte : nouvelle attaque du moucheron sur tous les fronts ; « La rage se trouve alors à son faîte montée ».

Quelle va être l'issue ? Déchaînement et résistance aveugle du lion ; conclusion brève : « le voilà sur les dents ». • Premier dénouement (apparent) : victoire du faible sur le fort, le récit semble clos par la reprise du terme employé au début : « comme il sonna la charge, il sonne la victoire.

» • Coup de théâtre, dénouement réel : embuscade de l'araignée, mort de l'insecte ; le faible devenu fort, trouve plus fort que lui ; concision de la formule : « il y rencontre aussi sa fin.

» 2.

Le rythme des vers A l'art de la progression dramatique, La Fontaine joint la maîtrise de la versification dont il utilise toutes les ressources, en jouant notamment de l'alternance des mètres (alexandrins et octosyllabes). • La brièveté des octosyllabes souligne la rapidité des actions du moucheron : y.

10-11 coupés à l'hémistiche : charge accélérée ; à la lenteur du vers 12, à celle du premier hémistiche du vers 13 qui traduit la légèreté du vol (« puis prend son temps ») succède le caractère fulgurant de l'attaque en piqué, suggérée par l'enjambement (« fond sur le cou/Du lion ») et le rapprochement à la rime de cou et de fou, deux rimes plates isolées au milieu de séquences de rimes embrassées ou croisées formant quatrains.

La fin du vers 14, où dominent les monosyllabes est le premier constat d'une victoire aussi éclatante que soudaine.

Le destin du moucheron au vers 33 est annoncé avec d'autant plus de brutalité que l'octosyllabe succède à onze alexandrins et que l'enjambement en accentue le caractère soudain et dérisoire.

On retrouve la même concision dans le vers 34 qui clôt les aventures de l'insecte. • En revanche le poète utilise de vastes alexandrins pour exprimer la lutte du lion.

Le rythme désordonné de la phrase dans les vers 24-25 traduit le désordre et l'incohérence des mouvements de l'animal.

L'issue du combat apparaît déjà dans les suivants : « Le malheureux Lion/se déchire lui-même, , Fait résonner sa queue/à l'entour de ses flancs, Bat l'air,/qui n'en peut mais ;/et sa fureur extrême Le fatigue,/l'abat :/le voilà sur les dents.

» Les deux premiers vers, amples et vigoureux sont pleins d'ardeur belliqueuse ; les deux suivants, ralentis par les coupes, montrent en decrescendo la chute accablée, essoufflée du lion, soulignée par l'enjambement.

La voix vient mourir à la fin du vers 29 (rime masculine). Le chant de victoire du moucheron et son envol triomphant sont également marqués par des alexandrins : « L'insecte/du combat se retire avec gloire : Comme il sonna la charge,/il sonne la victoire » Dans le premier, la coupe détache le mot insecte et souligne par contraste l'ampleur de la fin du vers ; dans l'autre la. »

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