La Fontaine, Le Lion et le Moucheron
Extrait du document
«
Introduction
« Une morale nue apporte de l'ennui :
Le conte fait passer le précepte avec lui.
»
Ainsi La Fontaine définissait-il sa conception de la fable en dédiant au Dauphin
son premier recueil d'oeuvres inspirées d'Ésope et de Phèdre.
C'est bien
l'éventail de ses talents de conteur qu'il nous fait découvrir dans le récit du
terrible duel qui oppose le Lion et le Moucheron dans le poème du même nom.
En effet nous retrouvons comme souvent chez le fabuliste la rivalité d'un être
puissant et d'un être faible, mais, plus que la morale de l'histoire, c'est la mise
en scène de l'affrontement qui attire notre intérêt.
Ce combat, nous le vivons
intensément grâce aux qualités dramatiques du récit, à la diversité des tons
employés et à la peinture pittoresque des personnages.
I.
La vivacité du récit
La Fontaine ne « raconte » pas, il met en scène, et ménage constamment
l'intérêt du lecteur grâce au dynamisme d'un récit dramatique.
1.
L'enchaînement des péripéties
Logique et chronologique, il reprend le schéma habituel d'une pièce classique ;
les événements se succèdent sans temps mort, sans longues transitions.
• L'exposition (v.
1 à 8), ex abrupto, nous plonge immédiatement au coeur de la dispute au moment où elle tourne au
drame, et nous présente sans préliminaires deux adversaires disproportionnés qui se défient ; emploi du style direct ;
brièveté de la formule : « l'autre lui déclara la guerre ».
• Les phases du combat ; l'intérêt du lecteur est éveillé, on s'attend à une défaite de l'insecte :
— charge du moucheron, attaque en piqué ; l'expression « à peine », le passage du passé au présent soulignent la
soudaineté de l'attaque.
— en réponse, réaction de l'adversaire, fureur du lion ; frayeur aux alentours ; style nerveux : pas de mots de liaison.
— paroxysme de la lutte : nouvelle attaque du moucheron sur tous les fronts ; « La rage se trouve alors à son faîte
montée ».
Quelle va être l'issue ? Déchaînement et résistance aveugle du lion ; conclusion brève : « le voilà sur les
dents ».
• Premier dénouement (apparent) : victoire du faible sur le fort, le récit semble clos par la reprise du terme employé au
début : « comme il sonna la charge, il sonne la victoire.
»
• Coup de théâtre, dénouement réel : embuscade de l'araignée, mort de l'insecte ; le faible devenu fort, trouve plus
fort que lui ; concision de la formule : « il y rencontre aussi sa fin.
»
2.
Le rythme des vers
A l'art de la progression dramatique, La Fontaine joint la maîtrise de la versification dont il utilise toutes les ressources,
en jouant notamment de l'alternance des mètres (alexandrins et octosyllabes).
• La brièveté des octosyllabes souligne la rapidité des actions du moucheron : y.
10-11 coupés à l'hémistiche : charge
accélérée ; à la lenteur du vers 12, à celle du premier hémistiche du vers 13 qui traduit la légèreté du vol (« puis prend
son temps ») succède le caractère fulgurant de l'attaque en piqué, suggérée par l'enjambement (« fond sur le cou/Du
lion ») et le rapprochement à la rime de cou et de fou, deux rimes plates isolées au milieu de séquences de rimes
embrassées ou croisées formant quatrains.
La fin du vers 14, où dominent les monosyllabes est le premier constat
d'une victoire aussi éclatante que soudaine.
Le destin du moucheron au vers 33 est annoncé avec d'autant plus de
brutalité que l'octosyllabe succède à onze alexandrins et que l'enjambement en accentue le caractère soudain et
dérisoire.
On retrouve la même concision dans le vers 34 qui clôt les aventures de l'insecte.
• En revanche le poète utilise de vastes alexandrins pour exprimer la lutte du lion.
Le rythme désordonné de la phrase
dans les vers 24-25 traduit le désordre et l'incohérence des mouvements de l'animal.
L'issue du combat apparaît déjà
dans les suivants :
« Le malheureux Lion/se déchire lui-même, ,
Fait résonner sa queue/à l'entour de ses flancs,
Bat l'air,/qui n'en peut mais ;/et sa fureur extrême
Le fatigue,/l'abat :/le voilà sur les dents.
»
Les deux premiers vers, amples et vigoureux sont pleins d'ardeur belliqueuse ; les deux suivants, ralentis par les
coupes, montrent en decrescendo la chute accablée, essoufflée du lion, soulignée par l'enjambement.
La voix vient
mourir à la fin du vers 29 (rime masculine).
Le chant de victoire du moucheron et son envol triomphant sont également marqués par des alexandrins :
« L'insecte/du combat se retire avec gloire :
Comme il sonna la charge,/il sonne la victoire »
Dans le premier, la coupe détache le mot insecte et souligne par contraste l'ampleur de la fin du vers ; dans l'autre la.
»
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