Devoir de Français

Isaac HABERT (1560-1615) - Le pourtraict

Extrait du document

Isaac HABERT (1560-1615) - Le pourtraict Peintre, avant que d'oser pourtraire Ma dame et de la contrefaire, Élève ton esprit aux cieux, Va là-haut apprendre des dieux Et des déesses immortelles Comme on peint les beautés plus belles, Puis de ton délié pinceau, Trace-moi dedans ce tableau Cette beauté que tant je prise, Et dont mon âme est tant éprise. Sus donc, détrempe tes couleurs Dans l'humeur tiède de mes pleurs, Fais tout premier la belle tresse A flocons d'or de ma maîtresse, Que ses cheveux soient crêpelés, Autour du front tords, annelés, Laisse-les, si tu veux, descendre En onde et sur son col s'épandre, Si tu peux fais que dedans l'or De son beau poil, l'on sente encor L'odeur qu'a mise la nature Dedans sa propre chevelure. Fais qu'un nombre infini d'Amours Y vole faisant mille tours, Qu'à ses cheveux les uns s'attachent, Les autres au-dedans se cachent, Peins-moi la honte sur son front. Près d'elle encore se verront L'honneur, la chasteté, la gloire, Fais que son front blanc comme ivoire Rougisse peu, qu'il soit uni, Sans nul sillon, tout aplani, Qu'en polissure il sort semblable Au luisant verre, ou à la table D'un beau marbre uniment lissé, Ou au dos d'un fleuve glacé, Ou tel qu'on voit l'azur de l'onde, A l'heure que la mer profonde, Sans vent dormante dans son lit, Sa plaine liquide polit. Fais son sourcil, et qu'il ressemble Un arc d'ébène ; ne l'assemble Avec l'autre ; qu'ils soient voûtés, Et tout deux proprement entés Sur ses yeux source de lumière, Où ma pauvre âme est prisonnière. Mais comment peindras-tu ses yeux ? Peins-moi deux soleils gracieux, Les seuls rois des coeurs et des âmes, Tressaillant d'éclairs et de flammes Où l'Amour recèle ses traits, Ceux d'or dans celui plein d'attraits, Ceux de plomb dedans le sévère ; Pour Mars et l'autre pour sa mère. Fais que ces deux soleils jumeaux Surpassent les Astres plus beaux, Que l'un soit doux, l'autre plein d'ire, Voyant le doux qu'on puisse dire Qu'il ne promet que joie au coeur, L'autre que peine et que rigueur...

Liens utiles