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HUGO, L'expiation - Les Châtiments

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La plaine, où frissonnaient les drapeaux déchirés, Ne fut plus, dans les cris des mourants qu'on égorge, Qu'un gouffre flamboyant, rouge comme une forge ; Gouffre où les régiments comme des pans de murs Tombaient, où se couchaient comme des épis mûrs Les hauts tambours-majors aux panaches énormes, Où l'on entrevoyait des blessures difformes ! Carnage affreux! moment fatal ! L'homme inquiet Sentit que la bataille entre ses mains pliait. Derrière un mamelon la garde était massée. La garde, espoir suprême et suprême pensée ! « Allons ! faites donner la garde ! » cria-t-il. Et, lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil, Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires, Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres, Portant le noir colback ou le casque poli, Tous, ceux de Friedland et ceux de Rivoli, Comprenant qu'ils allaient mourir dans cette fête, Saluèrent leur dieu, debout dans la tempête. Leur bouche, d'un seul cri, dit : vive l'empereur ! Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur, Tranquille, souriant à la mitraille anglaise, La garde impériale entra dans la fournaise.

Exilé par Napoléon III pour son opposition au coup d'État de décembre 1851, Victor Hugo rédige Les Châtiments, épopée satirique de 6200 vers où il se moque cruellement du nouvel empereur. Dans un passage intitulé « L'Expiation », il imagine même que Waterloo ne fut pour Napoléon Bonaparte que la première vengeance du ciel pour son audace, la seconde étant 'a médiocre parodie faite de lui par son neveu !

Le récit de cette défaite qui changea la face de l'Europe sert donc paradoxalement à diminuer le falot successeur par l'évocation grandiose du mythe napoléonien, auquel Hugo, comme bien d'autres dans son siècle, n'est pas insensible : fils de général d'empire, il a dit un jour : « J'aurais été soldat si je n'avais été poète. »

Sa reconstitution historique, fidèle quoique réalisée trente-cinq ans après l'événement, utilise donc toutes les ressources de la poésie épique et de son enthousiasme sincère pour en faire une véritable tragédie héroïque.

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