Devoir de Français

Gustave FLAUBERT. Madame Bovary

Extrait du document

Emma, épouse du médecin Charles Bovary, a pris un amant, Rodolphe; elle espérait partir avec lui. Rodolphe se dérobe : elle vient de recevoir une lettre de rupture. « Tout épouvantée, (...) haletante, éperdue, ivre », elle fuit jusqu'à la mansarde située au second étage de sa maison. En face, par-dessus les toits, la pleine campagne s'étalait à perte de ! vue. En bas, sous elle, la place du village était vide, les cailloux du trottoir scintillaient, les girouettes des maisons se tenaient immobiles ; au coin de la rue, il partit d'un étage inférieur une sorte de ronflement à modulations stridentes. C'était Binet1 qui tournait. Elle s'était appuyée contre l'embrasure de la mansarde et elle relisait la lettre avec des ricanements de colère. Mais plus elle y fixait d'attention, plus ses idées se confondaient. Elle le revoyait, elle l'entendait, elle l'entourait de ses deux bras; et des battements de cœur, qui la frappaient sous la poitrine comme à grands coups de bélier, s'accéléraient l'un après l'autre, à intermittences inégales. Elle jetait les yeux autour d'elle avec l'envie que la terre croulât. Pourquoi n'en pas finir? Qui la retenait donc? Elle était libre. Et elle s'avança, elle regarda les pavés en se disant : — Allons ! allons ! Le rayon lumineux qui montait d'en bas directement tirait vers l'abîme le poids de son corps. Il lui semblait que le sol de la place oscillant s'élevait le long des murs, et que le plancher s'inclinait par le bout, à la manière d'un vaisseau qui tangue. Elle se tenait tout au bord, presque suspendue, entourée d'un grand espace. Le bleu du ciel l'envahissait, l'air circulait dans sa tête creuse, elle n'avait qu'à céder, qu'à se laisser prendre ; et le ronflement du tour ne discontinuait pas, comme une voix furieuse qui l'appelait. — Ma femme ! ma femme ! cria Charles. Elle s'arrêta. — Où es-tu donc ? Arrive ! L'idée qu'elle venait d'échapper à la mort faillit la faire s'évanouir de terreur. Vous ferez de cet extrait un commentaire composé que vous organiserez à votre gré. Vous pourrez par exemple étudier comment sont exprimés le tourment et le désespoir d'Emma et quels échanges se produisent entre le monde extérieur et l'héroïne. 1. Binet : voisin du couple Bovary ; sa manie est d'occuper ses loisirs à fabriquer des ronds de serviette avec un tour à bois : il tourne.

« Gustave FLAUBERT.

Madame Bovary Emma, épouse du médecin Charles Bovary, a pris un amant, Rodolphe; elle espérait partir avec lui.

Rodolphe se dérobe : elle vient de recevoir une lettre de rupture.

« Tout épouvantée, (...) haletante, éperdue, ivre », elle fuit jusqu'à la mansarde située au second étage de sa maison. En face, par-dessus les toits, la pleine campagne s'étalait à perte de ! vue.

En bas, sous elle, la place du village était vide, les cailloux du trottoir scintillaient, les girouettes des maisons se tenaient immobiles ; au coin de la rue, il partit d'un étage inférieur une sorte de ronflement à modulations stridentes.

C'était Binet1 qui tournait. Elle s'était appuyée contre l'embrasure de la mansarde et elle relisait la lettre avec des ricanements de colère.

Mais plus elle y fixait d'attention, plus ses idées se confondaient.

Elle le revoyait, elle l'entendait, elle l'entourait de ses deux bras; et des battements de cœur, qui la frappaient sous la poitrine comme à grands coups de bélier, s'accéléraient l'un après l'autre, à intermittences inégales.

Elle jetait les yeux autour d'elle avec l'envie que la terre croulât.

Pourquoi n'en pas finir? Qui la retenait donc? Elle était libre.

Et elle s'avança, elle regarda les pavés en se disant : — Allons ! allons ! Le rayon lumineux qui montait d'en bas directement tirait vers l'abîme le poids de son corps.

Il lui semblait que le sol de la place oscillant s'élevait le long des murs, et que le plancher s'inclinait par le bout, à la manière d'un vaisseau qui tangue.

Elle se tenait tout au bord, presque suspendue, entourée d'un grand espace.

Le bleu du ciel l'envahissait, l'air circulait dans sa tête creuse, elle n'avait qu'à céder, qu'à se laisser prendre ; et le ronflement du tour ne discontinuait pas, comme une voix furieuse qui l'appelait. — Ma femme ! ma femme ! cria Charles.

Elle s'arrêta. — Où es-tu donc ? Arrive ! L'idée qu'elle venait d'échapper à la mort faillit la faire s'évanouir de terreur. Vous ferez de cet extrait un commentaire composé que vous organiserez à votre gré.

Vous pourrez par exemple étudier comment sont exprimés le tourment et le désespoir d'Emma et quels échanges se produisent entre le monde extérieur et l'héroïne. 1.

Binet : voisin du couple Bovary ; sa manie est d'occuper ses loisirs à fabriquer des ronds de serviette avec un tour à bois : il tourne. • Il n'est d'ordinaire pas nécessaire d'avoir lu les œuvres dont sont tirés les sujets.

Un roman aussi célèbre que Madame Bovary cependant est censé être connu de la plupart d'entre vous.

Lisez-le ou rafraîchissez votre mémoire. • Il est ainsi utile de savoir qu'Emma finit par se suicider à l'arsenic après de nouvelles déceptions.

Lisez en particulier le chapitre 8 de la partie III, très proche de notre passage. • Flaubert, représentant du réalisme, refuse l'intrusion de l'auteur dans le roman et décrit ses personnages de l'extérieur : analysez le texte selon ce point de vue.

Certains détails ne trahissent-ils pourtant pas son point de vue ? • Suggestions : 1.

Étudier les sonorités des lignes 10-11 et 18-19 (allitérations en [k], [I], [s]).

Que traduisent-elles? 2.

Les pensées d'Emma sont exprimées tantôt au style direct, tantôt au style indirect ou indirect libre.

Quel est l'effet obtenu ? 3.

Le cadre de la scène est évoqué dans le premier et le troisième paragraphe : quels sont les changements intervenus ? Introduction • Jeune femme romanesque, l'héroïne de Madame Bovary passe sa vie à tomber d'illusions en désillusions, impitoyablement décrites par le réalisme de Flaubert. • Mais si la description quasi médicale de son suicide final est restée célèbre, on oublie souvent qu'elle avait déjà été tentée de se détruire à la réception de la lettre de rupture qui lui ôte l'espoir de fuir, avec son amant Rodolphe, une vie médiocre.

Emma se réfugie alors dans la mansarde pour cacher son trouble à ses proches, et subit une crise violente. • Trois thèmes seront successivement étudiés : 1.

le choix du cadre et les sentiments qui s'y déroulent, 2.

les échanges complexes entre l'intérieur et l'extérieur,. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles