George Sand, la petite Fadette
Extrait du document
George Sand, la petite Fadette
LA FAMILLE BARBEAU
Le père Barbeau de la Cosse n'était pas mal dans ses affaires, à preuve qu'il était du
conseil municipal de sa commune. Il avait deux champs qui lui donnaient la nourriture de sa
famille et du profit par-dessus le marché. Il cueillait dans ses prés du foin à pleins charrois,
et, sauf celui qui était au bord du ruisseau, et qui était un peu ennuyé par le jonc, c'était du
fourrage connu dans l'endroit pour être de première qualité.
La maison du père Barbeau était bien bâtie, couverte en tuile, établie en bon air sur
la côte, avec un jardin de bon rapport et une vigne de six journaux. Enfin il avait, derrière sa
grange, un beau verger, que nous appelons chez nous une ouche, où le fruit abondait tant en
prunes qu'en guignes, en poires et en cormes. Mêmement les noyers de ses bordures étaient
les plus vieux et les plus gros de deux lieues aux entours.
Le père Barbeau était un homme de bon courage, pas méchant, et très porté pour sa
famille, sans être injuste à ses voisins et paroissiens.
Il avait déjà trois enfants, quand la mère Barbeau, voyant sans doute qu'elle avait assez
de bien pour cinq, et qu'il fallait se dépêcher, parce que l'âge lui venait, s'avisa de lui en
donner deux à la fois, deux beaux garçons ; et, comme ils étaient si pareils qu'on ne pouvait
presque pas les distinguer l'un de l'autre, on reconnut bien vite que c'étaient deux bessons,
c'est-à-dire deux jumeaux d'une parfaite ressemblance.
La mère Sagette, qui les reçut dans son tablier comme ils venaient au monde, n'oublia
pas de faire au premier-né une petite croix sur le bras avec son aiguille, parce que, disait-elle,
un bout de ruban ou un collier peut se confondre et faire perdre le droit d'aînesse. Quand
l'enfant sera plus fort, dit-elle, il faudra lui faire une marque qui ne puisse jamais s'effacer ; à
quoi l'on ne manqua pas. L'aîné fut nommé Sylvain, dont on fit bientôt Sylvinet, pour le
distinguer de son frère aîné, qui lui avait servi de parrain ; et le cadet fut appelé Landry, nom
qu'il garda comme il l'avait reçu au baptême, parce que son oncle, qui était son parrain, avait
gardé de son jeune âge la coutume d'être appelé Landriche.
Liens utiles
- GEORGE SAND (histoire)
- George SAND (1804-1876) - Chatterton
- George Sand - Histoire de ma vie (Livre V. Chapitre II.)
- Alfred de MUSSET (1810-1857) (Recueil : Poésies posthumes) - A George Sand (V)
- Alfred de MUSSET (1810-1857) (Recueil : Poésies posthumes) - A George Sand (II)