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François FABIÉ (1846-1928) (Recueil : Fleurs de genêts) - Ma maison

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François FABIÉ (1846-1928) (Recueil : Fleurs de genêts) - Ma maison Face au midi, bien adossée A l'ancien étang féodal Dont elle épaule la chaussée, Elle fut le moulin banal Où deux ou trois pauvres villages Et quelques petits mas perdus, Avec leurs maigres attelages Plusieurs siècles sont descendus Moudre, au tic tac vieillot et grêle D'un mécanisme trébuchant, Tout ce que la dîme ou la grêle Laissaient de seigle sur leur champ... Mais lorsque le soc populaire Démantela le vieux château, Et que, sous un flot de colère, Son granit roula du coteau, Mon aïeul, - un Jacques Bonhomme Très longtemps meunier chez autrui, - Ayant été très économe, Put devenir meunier chez lui. Il acheta l'humble ruine, Prit la truelle du maçon, Et fit un moulin à farine De l'antique moulin de son, Exhaussa le tout d'un étage Large, aéré, plein de soleil, D'où l'on entend le caquetage De la trémie à son réveil ; Puis crânement, sur la toiture, Comme un noble arbore un blason, D'une meule en miniature Il girouetta sa maison. Il planta - car celui qui plante A foi vraiment en l'avenir - Des arbres à croissance lente Qui font durer le souvenir, Et qui, maintenant séculaires, Sur le vieux toit coubés du vent, Parlent à voix hautes et claires De l'ancêtre en eux survivant... Il prit femme ; et ma bonne aïeule Se mit a l'oeuvre sans façons, Berçant au refrain de sa meule Trois filles et quatre garçons Qui remplirent de cris, de joies, De luttes et de jeux sans fin La maison, le pâtis aux oies Et tous les halliers du ravin, Puis si vaillamment essaimèrent Et si gaîment, quoique pieds nus, Que des vieillards qui les aimèrent Sont fiers de les avoir connus... C'est là ma maison paternelle, C'est là le nid qui m'a bercé : Que ne puis-je y ployer mon aile Et n'y vivre que du passé ?

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