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En réfléchissant sur quelques exemples pris dans des oeuvres littéraires, vous commenterez cette formule de Fromentin : « Le bonheur réside dans l'égalité des désirs et des forces ». ?

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2. Mais il peut être suivi par le plus grand nombre. Néanmoins la majorité des hommes peut s'inspirer utilement du principe d'équilibre dégagé par Fromentin. Il est d'autant moins permis d'en douter que bon nombre d'entre eux l'ont même collectivement appliqué, au cours des siècles, sans avoir eu besoin de l'énoncer. Les civilisations jeunes et avides d'Athènes, de Rome, de la Renaissance s'exhortent sans cesse à la modération et au détachement. Les civilisations mûres et sceptiques suscitent au contraire des apologistes de la passion et du risque. De la même manière chaque individu peut travailler, selon son besoin, à s'assagir ou à se stimuler. Et si l'on veut proportionner ses désirs à ses forces, il importe d'abord de se bien connaître, d'apprécier ses aptitudes et ses limites. Ainsi évitera-t-on de souhaiter l'impossible. « Soyez plutôt maçon si c'est votre talent », disait Boileau à ceux qui, sans en avoir les dons, voulaient être poètes.

« INTRODUCTION II est difficile de prétendre que notre bonheur dépend entièrement de nous.

Les circonstances nous donnent notre lot.

Mais il nous appartient de le saisir ou non, de faire fructifier nos chances ou de les laisser se perdre.

C'est là que le moraliste a son mot à dire.

Selon Fromentin, « le bonheur réside dans l'égalité des désirs et des forces ».

Il ne propose pas là une formule magique, mais plutôt une sorte de formule scientifique : appliquons à la multiplicité des cas un même rapport mathématique, et nous serons également garantis contre deux malheurs, qui sont l'excès des désirs et le manque de désirs. Peut-être en effet le problème du bonheur, tel qu'il est posé dans la conscience commune et illustré dans les oeuvres littéraires, se ramène-t-il à cette alternative.

Assurons-nous-en sur quelques exemples.

Il restera alors à voir si l'élégante solution proposée ici en théorie gardera dans la pratique sa simplicité et sa vigueur. I.

LE BONHEUR SUPPOSE UNE LIMITATION DES DÉSIRS Une des plus sûres recettes du bonheur serait sans doute de s'appliquer à limiter ses désirs.

Car désirer au-delà de ce que l'on peut atteindre, c'est se vouer à la déception, au dégoût de soi et des autres, à la condition humiliée et amère du « raté ». Le personnage de Lorenzo dans le Lorenzaccio de Musset, Rubempré le héros des Illusions perdues de Balzac, pour avoir trop présumé de leurs forces, sombrent dans le désespoir.

Arthur Rimbaud, après sa tentative pour « changer la vie », retombe dans ce qu'il appelle son Enfer.

Sur le mode comique, Picrochole, don Quichotte, Alceste, M.

Jourdain sont aussi les victimes de leur « démesure ».

Voilà pourquoi, après les Épicuriens et les Stoïciens, les écrivains français de formation humaniste invitent à se garder de former d'ambitieux projets qui seraient la source de déceptions inévitables.

Les Odes de Ronsard, inspirées d'Horace, les Essais de Montaigne et notamment le chapitre intitulé « De ménager sa volonté », les Épitres de Boileau, certaines fables de La Fontaine comme Les Souhaits, La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf s'accordent sur ce point.

Suivons donc le secret de sagesse que Voltaire fait figurer à la dernière ligne de Candide et contentons-nous de « cultiver notre jardin ». II.

LE BONHEUR SUPPOSE UNE CERTAINE VIVACITÉ DE DÉSIRS Est-ce à dire que pour atteindre le parfait bonheur il faudrait s'interdire tout désir ? S'agirait-il de prendre pour modèles ces hiboux que Baudelaire nous montre figés dans leur immobilité et devons-nous admettre sans réserves que « L'homme ivre d'une ombre qui passe Porte toujours le châtiment D'avoir voulu changer de place»? Il ne le semble pas.

Car le bonheur suppose une certaine vivacité de désirs et l'homme blasé est, à tout prendre, un personnage aussi désolant que le « raté ».

Dans Candide, le seigneur Pococurante, en dépit de ses richesses, de sa culture, de sa hardiesse d'esprit, n'éprouve aucune joie parce qu'il est « dégoûté de tout ce qu'il possède » et ne voit rien d'autre à désirer.

On sait assez la place que tient, à ce titre, l'ennui de vivre dans la littérature contemporaine.

Il s'exprime dans la Nausée de Jean-Paul Sartre comme dans l'Étranger d'Albert Camus.

Il emplit tout le théâtre de Samuel Beckett.

Déjà La Fontaine dans le Philosophe scythe nous avertissait qu'étouffer tout désir, ce serait « cesser de vivre avant que l'on soit mort ».

Tout semble préférable, selon Ronsard, à cette insensibilité : « Si est-ce que je ne voudrais Avoir été ni roc ni bois... Car ainsi dur je n'eusse aimé Toi qui m'as fait vieillir, Cassandre.

» III.

CET ÉQUILIBRE EST-IL RÉALISABLE ? Le principe de Fromentin, dans sa sage mesure, semble donc bien ouvrir aux hommes le chemin du bonheur.

Encore faut-il qu'il se révèle applicable dans la conduite de la vie. 1.

Ce principe de sagesse ne peut convenir à tous les hommes. Sans doute faut-il reconnaître d'abord qu'il ne peut convenir à tous les tempéraments.

Une âme exaltée, éprise d'absolu.

repousse comme d'instinct cette solution de compromis : pour Vigny par exemple, il n'existe «...

nul sentier entre deux larges voies, Entre l'ennui du calme et des paisibles joies Et la rage sans fin des vagues passions, Entre la léthargie et les convulsions », et, dans la Peau de chagrin de Balzac, Raphaël oscille sans cesse entre le vertige des désirs et une prudence maniaque, sans trouver le point d'équilibre. 2.

Mais il peut être suivi par le plus grand nombre. Néanmoins la majorité des hommes peut s'inspirer utilement du principe d'équilibre dégagé par Fromentin.

Il est d'autant moins permis d'en douter que bon nombre d'entre eux l'ont même collectivement appliqué, au cours des siècles, sans avoir eu besoin de l'énoncer.

Les civilisations jeunes et avides d'Athènes, de Rome, de la Renaissance s'exhortent sans cesse à la modération et au détachement.

Les civilisations mûres et sceptiques suscitent au contraire des apologistes de la passion et du risque.

De la même manière chaque individu peut travailler, selon son besoin, à s'assagir ou à se stimuler.

Et si l'on veut proportionner ses désirs à ses forces, il importe d'abord de se bien connaître, d'apprécier ses aptitudes et ses limites.

Ainsi évitera-t-on de souhaiter l'impossible.

« Soyez plutôt maçon si c'est votre talent », disait Boileau à ceux qui, sans en avoir les dons, voulaient être poètes.

L'essentiel serait donc de choisir et d'orienter ses désirs à bon escient et, une fois la voie choisie, de placer son bonheur non dans la satisfaction d'être arrivé, mais dans le goût d'entreprendre et de persévérer. CONCLUSION On peut donc admettre avec Fromentin que l'un des secrets du bonheur «réside dans l'égalité des désirs et des forces».

Mais il est sans doute plus délicat d'appliquer cette règle de vie que d'en reconnaître le bien-fondé.

Car cela suppose que l'on ait apprécié, au préalable, ce dont on est capable et rien n'est plus difficile que de porter ainsi un jugement objectif sur soi-même.

Enfin il faut ménager la part des circonstances.

L'échec n'est pas toujours dû au fait que nos désirs outrepassaient l'étendue de nos moyens et la chance peut, en dépit de toute logique, jouer contre nous.

Il faut alors s'armer simplement de courage et garder son égalité d'âme en face des caprices du destin.. »

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