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Dissertation Antoine Emaz - Littérature khâgne - “Carnet de notes”, Antoine Emaz

Publié le 09/11/2025

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« KH, travail d’été - Litté : composition française SUJET “Le livre est retrait, retraite : il impose une coupure avec l’environnement, l’agenda, l’emploi du temps.

On ne peut lire distraitement, sauf le journal (et encore…) ou un mauvais livre, ou une lecture obligée, basse tension ou hors tension. Mais l’acte véritable de lire est un rapt mental : qu’il soit imaginaire, intellectuel ou affectif ne change rien à l’affaire.

Un vrai livre est un vertige silencieux.” - Antoine Emaz, “Carnet de Notes”, Le Silence et le Livre, 2010. Introduction Dans “Carnet de notes”, Antoine Emaz définit l’expérience de lecture en des termes paradoxaux : “Le livre est retrait, retraite : il impose une coupure avec l’environnement, l’agenda, l’emploi du temps.

(…) Mais l’acte véritable de lire est un rapt mental : qu’il soit imaginaire, intellectuel ou affectif ne change rien à l’affaire.

Un vrai livre est un vertige silencieux”.

Le livre serait donc à la fois retrait du monde, capture de l’esprit, et vertige intime.

Cette formule semble mettre en avant une conception hiérarchique et élitiste du “vrai livre”, celui qui seul parvient à créer ce bouleversement intérieur.

Antoine Emaz invite donc le lecteur à réfléchir sur la puissance de la littérature, capable de nous transporter, nous sortir du train-train quotidien, tout en ouvrant un espace de confrontation intellectuelle ou affective.

Toute la tension de ce sujet réside dans ce paradoxe insaisissable de la littérature : tantôt elle est signe de réflexion intérieure profonde, personnelle et intime, tantôt elle ébranle le lecteur, jusqu’à lui en provoquer le “vertige”. L’expérience littéraire, selon l’auteur, est donc synonyme de retrait, d’immersion, de bouleversement indomptable.

Mais pour comprendre la valeur de cette expérience, il faut aussi prendre en compte la pluralité des genres littéraires et leurs effets spécifiques sur le lecteur : le merveilleux, l’onirisme, le surréalisme ou encore l’ethnographie nous plongent sans concession dans une véritable expérience de « rapt mental » aussi imaginaire, intellectuelle, qu’affective.

Ce retrait n’est pas non plus une fuite, il produit au contraire une confrontation critique avec le réel. Déformer le réel, en exagérer les traits jusqu’à le réinventer, n’est-ce pas aussi un moyen de mieux le dévoiler ? Faut-il concevoir l’acte de lecture comme un simple retrait hors du monde, ou bien, paradoxalement, une manière d’approfondir notre rapport au réel par ce “vertige silencieux” qu’elle provoque ? L’expérience de lecture, en tant que merveilleux ou onirique, constitue un retrait enchanté du réel où le lecteur échappe à toute notion du temps. Ce retrait, loin d’être une simple fuite, se révèle aussi comme un retour critique sur le monde qui bouleverse nos sens et nos représentations sociales.

La puissance de la littérature réside dans un “rapt mental qui ébranle notre propre conception du monde : ce vertige n’est pas seulement “silencieux”, mais résonne comme un cri qui alerte des dérives de la société. Somme toute, la littérature accomplit une expérience paradoxale en conjuguant retrait et intensification du réel, au prix d’un vertige intérieur.

Au lieu d’opposer radicalement le “vrai livre” du “mauvais livre”, il s’agirait plutôt de reconnaître que l’expérience de lecture se décline en nuances, chaque livre ouvrant, à sa manière, la possibilité du “vertige silencieux”. Julie Postel KH, travail d’été I/ La lecture est un retrait enchanté, une immersion hors du réel, une création d’un nouveau monde A.​ Le merveilleux féerique comme rupture et immersion Antoine Emaz évoque le “retrait” qu’impose un “vrai livre”, qui suspend “l’agenda” et isole le lecteur dans une retraite.

Cette rupture radicale avec le quotidien suspend le réel où le lecteur plonge dans un tout autre monde.

C’est bien ce qu’offrent les récits merveilleux et oniriques : les contes sont le lieu où l’imagination a le pouvoir de tout réinventer. Ex : Les Contes de fées de Madame d’Aulnoy imposent notamment ce “retrait” du réel, mais par l’imaginaire.

Dans L’Île de la Félicité, le prince Adolphe et la princesse Félicité vivent dans un espace utopique hors du temps, protégé de la contrainte sociale.

Cet univers coupe le lecteur de son quotidien et le plonge dans une atmosphère d’évasion. Dans ce conte, le Prince Adolphe est lui aussi suspendu par le temps en ne pensant rester dans le royaume que trois mois, alors qu’il s’agissait de trois cents ans.

Le merveilleux fonctionne ici comme une invitation à quitter l’ordre rationnel : les métamorphoses, les fées et les royaumes idéalisés suspendent le temps du quotidien.

Ce “vertige silencieux” tient alors à la fascination d’un monde impossible mais désirable.

Par le merveilleux, le lecteur accepte l’impossible et se laisse ravir par ce “rapt mental” imaginaire. Réf : En effet, comme l’a pensé Tzvetan Todorov dans Introduction à la littérature fantastique publié en 1970, le merveilleux permet au lecteur d’entrer sans résistance dans l’irréel.

Todorov définit ainsi le merveilleux comme : “Dans le cas du merveilleux, les lois de la nature sont abolies, et le lecteur accepte le nouveau monde tel quel”.

Par ces mots, on comprend que cette acceptation sans résistance correspond bien au “rapt mental” dont parle Antoine Emaz : le lecteur est ravi, captif d’un univers qui abolit le réel.

De fait, le propre d’un conte est justement de suivre cette impression : le temps est suspendu, le lieu souvent inconnu et la présence d’êtres imaginaires comme les fées, les sorcières ou les lutins accentue ce décalage. B.​ La lecture comme expérience d’éloignement du quotidien Selon Antoine Emaz, “l’acte véritable de lire” ne peut être distrait, car il emporte le lecteur dans un “rapt mental”, un état d’évasion totale qui suspend le monde extérieur. L’expérience du récit de voyage est aussi affaire d'immersion : dès la Renaissance, le lecteur y entreprend un éloignement absolu de son cadre familier. Ex : Jean de Léry, dans son Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil publié en 1578, met en scène une rupture brutale avec “l’environnement” familier du lecteur européen du XVIe siècle en l’emmenant dans un univers “autre”, soit celui des Tupinambas.

“On croirait être transporté en un autre siècle et parmi un autre genre d’hommes” écrit Jean de Léry au chapitre XVIII.

La rupture avec les repères culturels et temporels du lecteur participe de facto à un “retrait” : lire, ici, c’est être déraciné, déplacé, décentré.

L’expérience de vertige est totale dans le sens où la perception du monde en est transformée, car il offre une autre vision encore méconnue de la réalité.

Ici, l’éloignement n’est pas seulement spatial avec la découverte du Brésil, mais il est aussi mental et symbolique : être “transporté en un autre siècle”, c’est entrer dans un espace en décalage avec nos sens et nos repères. Réf : Hans Robert Jauss théorise notamment cette impression dans son ouvrage Pour une esthétique de la réception, publié en 1978 lorsqu’il écrit : “L’œuvre littéraire rompt avec l’horizon d’attente de son lecteur, et c’est dans cette distance qu’elle produit Julie Postel KH, travail d’été l’expérience esthétique”.

La force de Jean de Léry réside justement dans ce décalage ainsi décrit : le lecteur de la Renaissance, habitué aux récits antiques ou aux chroniques européennes, est soudain confronté à des pratiques, des rituels et des paysages inouïs, comme le cannibalisme des Tupinambas ou encore la description des fêtes indigènes.

Le voyage ethnographique joue donc avec “l’écart esthétique” en bouleversant les attentes du lecteur européen. C.​ La plongée dans une intériorité hallucinée Le livre est en somme le lieu d’un “retrait” non pas tranquille, mais d’un basculement de la conscience.

C’est ce que met en scène Nerval dans Aurélia publié en 1855, qui explore justement un tout autre “retrait” : celui du rêve et de la folie. Ex n°1 : L’incipit proclame d’emblée : “Le rêve est une seconde vie” (p.123) qui incite le lecteur à entrer dans une logique autre que celle de la raison, où le songe et les pensées délirantes priment.

Le récit se structure comme une suite d’images hallucinées : “Je traversais des palais immenses, illuminés de feux d’Orient”, écrit Nerval.

Le “vertige silencieux” prend ici réellement corps, dans le sens ou lecture et rêve se confondent.

Le livre n’est donc pas réduit à un simple objet de divertissement ou de “basse tension”, mais il saisit le lecteur dans une absorption totale par les descriptions de rêves et de visions quasi mystiques du narrateur.

En effet, à la fin du roman au chapitre six, après plusieurs crises de folie, le narrateur est conduit dans une maison de santé dans laquelle il ne perçoit plus la réalité telle qu’elle est : tout est transformé, dédoublé, distant.

Cette expérience de lecture marque un choc mental intense aussi bien pour le narrateur que pour le lecteur. Ex n°2 : Chez Aragon dans son ouvrage Le Paysan de Paris publié en 1926, l’expérience est comparable.

Les pages consacrées au “Passage de l’Opéra” décrivent la ville dans une atmosphère onirique.“Le rêve est le luxe de la pensée” (p.

96), écrit ainsi Aragon pour souligner le fait que l’immersion dans le texte poétique suspend le réel et aboutit à une expérience intérieure.... »

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