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Corneille, Horace, Acte V, scène 2 (vers 1468 à 1534)

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Corneille, Horace, Acte V, scène 2 (vers 1468 à 1534) Valère chevalier romain Sire, puisque le ciel entre les mains des rois Dépose sa justice et la force des lois, 1470 Et que l'État demande aux princes légitimes Des prix pour les vertus, des peines pour les crimes, Souffrez Tolérez qu'un bon sujet vous fasse souvenir Que vous plaignez beaucoup ce qu'il vous faut punir ; Souffrez... Le vieil Horace Quoi ? Qu'on envoie un vainqueur au supplice ? Tulle roi de Rome Permettez qu'il achève, et je ferai justice : J'aime à la rendre à tous, à toute heure, en tout lieu. C'est par elle qu'un roi se fait un demi-dieu ; Et c'est dont je vous plains, qu'après un tel service 1480 On puisse contre lui me demander justice. Valère Souffrez donc, ô grand roi, le plus juste des rois, Que tous les gens de bien vous parlent par ma voix. Non que nos coeurs jaloux de ses honneurs s'irritent ; S'il en reçoit beaucoup, ses hauts faits le méritent ; Ajoutez-y plutôt que d'en diminuer : Nous sommes tous encor prêts d'y contribuer ; Mais puisque d'un tel crime il s'est montré capable, Qu'il triomphe en vainqueur, et périsse en coupable. Arrêtez sa fureur, et sauvez de ses mains, 1490 Si vous voulez régner, le reste des Romains : Il y va de la perte ou du salut du reste. La guerre avait un cours si sanglant, si funeste, Et les noeuds de l'hymen mariage, durant nos bons destins, Ont tant de fois uni des peuples si voisins, Qu'il est peu de Romains que le parti contraire N'intéresse en la mort d'un gendre ou d'un beau-frère, Et qui ne soient forcés de donner quelques pleurs, Dans le bonheur public, à leurs propres malheurs. Si c'est offenser Rome, et que l' heur bonheur de ses armes 1500 l'autorise à punir ce crime de nos larmes, Quel sang épargnera ce barbare vainqueur, Qui ne pardonne pas à celui de sa soeur, Et ne peut excuser cette douleur pressante Que la mort d'un amant jette au coeur d'une amante, Quand près d'être éclairés du nuptial flambeau, Elle voit avec lui son espoir au tombeau ? Faisant triompher Rome, il se l'est asservie ; Il a sur nous un droit et de mort et de vie ; Et nos jours criminels ne pourront plus durer 1510 Qu'autant qu'à sa clémence il plaira l'endurer. Je pourrais ajouter aux intérêts de Rome Combien un pareil coup acte est indigne d'un homme ; Je pourrais demander qu'on mît devant vos yeux Ce grand et rare exploit d'un bras victorieux : Vous verriez un beau sang, pour accuser sa rage, D'un frère si cruel rejaillir au visage : Vous verriez des horreurs qu'on ne peut concevoir ; Son âge et sa beauté vous pourraient émouvoir ; Mais je hais ces moyens qui sentent l'artifice. 1520 Vous avez à demain remis le sacrifice : Pensez-vous que les dieux, vengeurs des innocents, D'une main parricide meurtre familial acceptent de l'encens ? Sur vous ce sacrilège attirerait sa peine ; Ne le considérez qu'en objet de leur haine, Et croyez avec nous qu'en tous ses trois combats Le bon destin de Rome a plus fait que son bras, Puisque ces mêmes dieux, auteurs de sa victoire, Ont permis qu'aussitôt il en souillât la gloire, Et qu'un si grand courage coeur, siège de la volonté, après ce noble effort, 1530 Fût digne en même jour de triomphe et de mort. Sire, c'est ce qu'il faut que votre arrêt décide. En ce lieu Rome a vu le premier parricide ; La suite en est à craindre, et la haine des cieux : Sauvez-nous de sa main, et redoutez les dieux. [...]

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