Commentaire du « Tombeau de Charles Baudelaire » de Mallarmé
Extrait du document
«
Commentaire du « Tombeau de Charles Baudelaire » de Mallarmé
Introduction :
Ce poème de Mallarmé fut écrit en 1893 et publié en 1895.
Il appartient
au genre du tombeau.
Pratique littéraire plutôt difficile à circonscrire en raison
de l’absence de règles et de critères génériques spécifiques, le tombeau
apparaît avant tout comme un dispositif éditorial et structurel mais l’appellation
« tombeau » sert aussi à désigner un poème individuel comme c’est le cas pour
ce poème et pour l’ensemble des « tombeaux » de Mallarmé.
Dans ce poème très hermétique, Mallarmé tente de saisir l’essence de la
poésie baudelairienne.
Projet de lecture : Dans ce poème hermétique, Mallarmé véhicule
l’ambivalence de ses sentiments vis à vis de Baudelaire : entre dégoût et
admiration.
I)
Un refus de l’irruption de la modernité en poésie
1)
L’anti-poésie de la ville
Mallarmé présente Baudelaire comme le poète de la ville, le poète de
Paris et de ses faubourgs populaires.
La ville est cependant présentée comme
un thème anti-poétique, Mallarmé semblant vouloir ici reprocher à Baudelaire son goût pour la laideur et pour l’hideux.
La poésie Baudelairienne est donc un « temple enseveli » ( noter la référence ici au « Temple » des
« Correspondances » figurant l’idéal), un temple qui s’est rabaissé aux bas-fonds urbains répugnants pour le poète
raffiné qu’était Mallarmé.
La poésie de Baudelaire, loin d’être un temple érigé, semble se cacher sous terre.
à montrer que l’évocation de la ville et de sa modernité se fait, dans ce poème, à travers la référence au « gaz
récent » désignant la mise en place du réverbère moderne qui à cette époque remplaça à Paris l'éclairage aux
chandelles qui est désigné ici par le mot : mèche.
Cet éclairage moderne produit des « cités sans soir », c’est-à-dire
des villes constamment éclairées, perdant leur part de mystère et révélant aux yeux de tous, leurs secrets immondes.
2)
La poésie de la modernité : une poésie des égouts
La poésie de la ville, de la modernité que pratique Baudelaire se meut en poésie des égouts selon Mallarmé dans
ce poème.
Cette poésie est un déversement d’ordures et d’immondices comme le suggère Mallarmé dans le premier
quatrain :
Le temple enseveli divulgue par la bouche
Sépulcrale d’égout bavant boue et rubis
Abominablement quelque idole Anubis
Tout le museau flambé comme un aboi farouche
à Ce quatrain file la métaphore du vomissement, de la déjection : déjection morbide d’ordures mêlées
indistinctement aux merveilles (« boue et rubis »), renforcée par les allitérations en –b qui suggèrent assez bien l'action
de rejeter hors de la bouche et par l’emploi du terme « bavant » ; de même l’"aboi" d’Anubis, dieu égyptien des morts,
mi-chien, mi-chacal, se présente comme l’expression culturelle du vomissement d’ordures exprimé précédemment.
II)
La poésie baudelairienne : une poésie de débauche et de lubricité
1)
Une poésie de la débauche
Mallarmé présente la poésie baudelairienne comme une poésie débauchée, lubrique.
La muse du poète est
figurée métonymiquement par une prostituée, représentée par son « immortel pubis », expression quasi oxymorique, et
presque blasphématoire, semblant être une parodie de la poésie baudelairienne.
Le deuxième quatrain du poème joue
sur la signification des mots et sur la suggestion des images pour provoquer cette atmosphère lubrique.
à étudier l’expression « mèche louche » désignant a priori l’ancien éclairage public dont une flamme brûlait une
mèche ; mais le terme de mèche désigne aussi un ensemble de poils, faisant écho au terme « pubis ».
; de plus, cette
mèche est louche, elle évoque la débauche qui a lieu à sa lueur.
C’est pourquoi elle est « essuyeuse des opprobres
subis », car elle est le témoin des humiliations des prostituées dans la rue.
à étudier la syllepse su verbe « allumer » : ce verbe signifie d’une part éclairer, montrer ce qui restait secret (
on a à travers ce verbe la comparaison du système pileux féminin à une flamme ; ce verbe montre aussi que le nouvel
éclairage rend plus visible les prostituées qui stationnent près des réverbères) ; d’autre part, le verbe allumer signifie
« exciter l’instinct génésique », faisant allusion aux activités lubriques des prostituées qui stationnent près des
réverbères.
Le dernier vers évoque le déplacement des prostituées de réverbère et réverbère selon la promenade de
l’employé municipal dont le métier consistait, selon les heures, à porter la flamme de réverbère et réverbère ou à
l’éteindre..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Stéphane MALLARME (1842-1898) - Le tombeau de Charles Baudelaire
- CHARLES BAUDELAIRE, « L’ennemi » “ Spleen et idéal” Les Fleurs du mal (1857)
- Charles Baudelaire - Le Spleen de Paris: Le joujou du pauvre
- Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Liturgies intimes) - A Charles Baudelaire
- Emile NELLIGAN (1879-1941) (Recueil : Premiers poèmes) - Charles Baudelaire