CLÉMENT MAROT
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CLÉMENT MAROT
Initiateur sans le savoir d'une prétendue « école marotique », Marot peut avoir la plume fine des chansons ou des
épigrammes, et la ferveur des Psaumes.
L'évangélisme badin
Le « non-pareil des mieux disants en vers », selon l'expression de son ami Lion Jamet, connaît la Cour à dix ans.
Il y suit
son père (1505), secrétaire d'Anne de Bretagne et grand rhétoriqueur, grâce auquel il s'initie à la technique poétique,
avant d'engager de probables études de droit à Orléans.
Il en garde une image de poète basochien ayant quelques
rudiments de latin.
Revenu à Paris comme clerc de la Chancellerie, il effectue des traductions-paraphrases de Virgile et
Lucien (1512-1514).
Il a déjà composé des épîtres quand paraît le Temple de Cupido (1515) encore marqué par le système
allégorique du Roman de la Rose, mais jouant sur le renvoi du sacré au profane.
Il cherche un emploi à la cour, écrit pour
ce faire une « Petite Épître au roi » où il révèle son art de quémander en amusant, et devient domestique de Marguerite
d'Angoulême, future Reine de Navarre.
Il excelle alors dans les petits genres et les pièces de circonstance (rondeaux,
chants royaux) tout en étant sensible à l'esprit évangéliste qui imprègne l'entourage de Marguerite : pour cette raison, il «
mange lard en Carême » d'après la dénonciation d'une femme (1526).
Arrêté et mis au Châtelet, puis en prison à Chartres, il utilise la fable dans P« Épître du lion et du rat » adressée à Lion
Jamet, mais c'est le roi qui le fait délivrer après deux mois.
Entre-temps il a rédigé l'Enfer, féroce satire de la justice, qu'il ne
publie pas.
L'année suivante, il devient vâlet de chambre du roi et connaît à nouveau la prison (à cause d'une « rescousse
» accordée à un prisonnier), occasion de demander sa grâce, comme dans le cas de ses autres déboires (on oublie ses
gages, on les lui vole quand il les obtient...).
C'est aussi le moment où sa manière s'oriente vers la nouvelle poésie,
sensible dans la Déploration sur la mort de Florimond Robertet, où le lyrisme personnel apparaît, en même temps que se
développe la poésie oratoire.
Commence aussi un amour platonisant et pétrarquisant pour Anne d'Alençon, qui lui inspire
élégies, épigrammes et rondeaux dans un style italien jouant sur le feu et la glace.
Ces divers talents, qui passent par
l'esprit caustique de « Semblançay » et la veine priapique, lui apportent la gloire, couronnée par le succès de l'Adolescence
Clémentine (1532), recueil de ses oeuvres (sans l'Enfer), et à peine assombri par une nouvelle accusation d'hérésie.
Protégé par Marguerite, il peut publier une Suite de l'adolescence (1534), résister à son rival Sagon et dédier sa traduction
des Métamorphoses d'Ovide à François Ier ; dans cette oeuvre, l'imitation formelle de la poésie antique commence à
s'orienter vers l'imitation de l'invention.
Mais à la suite des Placards, Marot est sur la liste des suspects et doit fuir à Nérac,
puis à Ferrare auprès de Renée de France, qui encourage les évangélistes.
Marot y rencontre Calvin, mais, à nouveau
soupçonné d'hérésie, il se réfugie à Venise d'où il lance la mode des « blasons ».
Revenu à Lyon en 1536, il abjure en
faveur du catholicisme et participe, avec Rabelais et Salmon Macrin, au banquet célébrant la libération de Dolet.
Celui-ci
publie en 1538 les Œuvres de Marot et lui conseille de pratiquer l'épigramme d'après Martial.
En effet, la supériorité
satirique de Clément s'affirme dans une deuxième querelle avec Sagon, mais il travaille surtout à une traduction de Trente
Psaumes sans passer par la « Vulgate » : agréée par Charles Quint, elle est publiée en 1541, et avec elle commence un
nouveau lyrisme religieux, simple et grave, fait de combinaisons rythmiques originales qui la feront adopter par les
Réformés.
Mais la même année Dolet publie l'Enfer à l'insu de l'auteur, et Marot doit fuir à Genève.
Cinquante Psaumes y
sont publiés puis, comme l'ascétisme de la nouvelle religion ne lui convient pas non plus, il se réfugie en' Savoie et à Turin
où il meurt.
Une rhétorique de la parole
On a trop dit que Marot illustrait le passage, la « conversion », à la nouvelle poésie, aux dépens de la rhétorique.
En fait, le
poète a absorbé sans heurt les différentes influences qui se faisaient sentir à l'époque de façon à pratiquer l'art difficile de
l'ingéniosité naturelle.
Il garde de la grande rhétorique le souci de la forme, le goût pour les jeux de langage mais il
simplifie et efface toute trace de labeur, car l'esprit de la cour est à la facilité apparente.
En même temps, il attache plus
d'importance à l'aspect oral du langage, à la conversation et aux effets phoniques, alors que les rhétoriqueurs pratiquaient
une poésie surtout visuelle.
L'art poétique est d'abord plaisir d'effets immédiats sur le destinataire, ce qui n'enlève en rien
ce caractère « divin » que Sébillet accordera à Marot en 1548.
L'esprit humaniste est présent dans l'imprégnation des
œuvres antiques, mais l'imitation est encore sans « doctrine ».
« L'églogue au roi sur le nom de Pan et Robin » utilise ce
qu'il faut de légende pour suggérer le mythe tout en gardant un sens personnel et actualisé, et un charme sans
pédanterie.
Satire en clair et en énigme
Marot pratique aussi deux formes de satire qui auront chacune des fortunes séparées.
La première est directe, et fondée
sur une ironie limpide comme dans l'Enfer, où la ménagerie infernale des Rhadamante, Minos, Cerberus, renvoie au
système judiciaire français (« Tort bien mené rend bon droit inutile ») envenimé de procès, falsifiant les déclarations et
torturant les innocents.
La deuxième, qui apparaît déjà dans certaines épigrammes, se sert du caractère énigmatique
comme élément satirique et se trouve à l'état pur dans les coq-à-l'âne.
Le premier d'entre eux (1531) met en place les lois
du genre avec la forme épistolaire et le changement fréquent de sujet.
Le plus canonique est le deuxième, mais c'est aussi
le plus obscur, bien que l'on reconnaisse les cibles traditionnelles, Sor-bonne, sergents, prêtres, moines et femmes
légères.
Le mélange provoque la superposition sémantique dans une grande paillardise d'opinions qui rappelle les «
bigarrures » rabelaisiennes.
L'obscurité est plus polysémie et abondance de sens qu'absence de signification, grâce au jeu
entre l'individuel et le général (les mésaventures de Marot y prennent une valeur exemplaire), aux nombreux vers
proverbiaux et au travail de la rime.
Celle-ci met l'accent sur des mots-clés mis verticalement en rapport de sens, et elle est
fréquemment équivoquée.
Les fausses chevilles logiques renforcent encore une difficulté de lecture qui est cependant à
l'opposé du texte prudent, dans la mesure où l'auteur dénonce justement la pratique des « fards », féminins ou
hypocrites.
Le brouillage des référents ne fait que mettre en valeur la franchise d'un poète qui avait chèrement payé pour
elle..
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