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Cardinal de Retz - Mémoires

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…… Je commançai mes sermons de l'Avent dans Saint-Jean-en-Grève, le jour de la Toussaint, avec le concours naturel à une ville aussi peu accoutumée que l'était Paris à voir ses archevêques en chaire. Le grand secret de ceux qui entrent dans les emplois est de saisir d'abord l'imagination des hommes par une action que quelque circonstance leur rende particulière. Comme j'étais obligé de prendre les ordres, je fis une retraite dans Saint-Lazare, où je donnai à l'extérieur toutes les apparences ordinaires. L'occupation de mon intérieur fut une grande et profonde réflexion sur la manière que je devais prendre pour ma conduite. Elle était très difficile. Je trouvais l'archevêché de Paris dégradé, à l'égard du monde, par les bassesses de mon oncle, et désolé, à l'égard de Dieu, par sa négligence et par son incapacité. Je prévoyais des oppositions infinies à son rétablissement ; et je n'étais pas si aveuglé, que je ne connusse que la plus grande et la plus insurmontable était dans moi-même. Je n'ignorais pas de quelle nécessité est la règle des mœurs à un évêque. Je sentais que le désordre scandaleux de ceux de mon oncle me l'imposait encore plus étroite et plus indispensable qu'aux autres ; et je sentais, en même temps, que je n'en étais pas capable, et que tous les obstacles et de conscience et de gloire que j'opposerais au dérèglement ne seraient que des digues for mal assurées. Je pris, après six jours de réflexion, le parti de faire le mal par dessein, ce qui est sans comparaison le plus criminel devant Dieu, mais ce qui est sans doute le plus sage devant le monde ; et parce qu'en le faisant ainsi l'on y met toujours des préalables, qui en couvrent une partie ; et parce que l'on évite, par ce moyen, le plus dangereux ridicule qui se puisse rencontrer dans notre profession qui est celui de mêler à contretemps le péché dans la dévotion. …… Cardinal de Retz Mémoires

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