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Cardinal de Retz (1613-1679), Mémoires, portait de La Rochefoucauld.

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Cardinal de Retz (1613-1679), Mémoires, portait de La Rochefoucauld. Il y a toujours eu du je ne sais quoi en tout M. de La Rochefoucauld. Il a voulu se mêler d'intrigue dès son enfance, et dans un temps où il ne se sentait pas les petits intérêts, qui n'ont jamais été son faible, et où il ne connaissait pas les grands, qui d'un autre sens n'ont pas été son fort. Il n'a jamais été capable d'aucune affaire, et je ne sais pourquoi, car il avait des qualités qui eussent suppléé en tout autre celles qu'il n'avait pas. Sa vue n'était pas assez étendue, et il ne voyait pas même tout ensemble ce qui était à sa portée. Mais son bon sens, et très bon, dans la spéculation, joint à sa douceur, à son insinuation et à sa facilité de moeurs qui est admirable, devait compenser plus qu'il n'a fait le défaut de sa pénétration. Il a toujours eu une irrésolution habituelle, mais je ne sais même à quoi attribuer cette irrésolution ; elle n'a pu venir en lui de la fécondité de son imagination, qui n'est rien moins que vive ; je ne la puis donner à la stérilité de son jugement, car, quoiqu'il ne l'ait pas exquis dans l'action, il a un bon fonds de raison. Nous voyons les effets de cette irrésolution quoique nous n'en connaissions pas la cause. Il n'a jamais été guerrier quoiqu'il fût très soldat ; il n'a jamais été par lui-même bon courtisan quoiqu'il ait eu toujours bonne intention de l'être ; il n'a jamais été bon homme de parti quoique toute sa vie il y ait été engagé. Cet air de honte et de timidité que vous lui voyez dans la vie civile s'était tourné dans les affaires en air d'apologie, il croyait toujours en avoir besoin, ce qui, joint à ses Maximes, qui ne marquent pas assez de foi en la vertu, et à sa pratique, qui a toujours été de chercher à sortir des affaires avec autant d'impatience qu'il y était entré, me fait conclure qu'il eût beaucoup mieux fait de se connaître et de se réduire à passer, comme il l'eût pu, pour le courtisan le plus poli qui eût paru dans son siècle.

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