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Bernard Clavel, L'Espagnol.

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Bernard Clavel, L'Espagnol. Il s'arrêta un instant, remua un peu, puis reprit : – Tiens, tout à l'heure, quand elle nous a amenés, si j'avais été seul avec elle, elle y passait. Et même, tu vois, je ne suis pas certain qu'elle n'aurait pas marché avec les deux. Pablo se retourna et, élevant un peu la voix, il demanda : – Ecoute, fous-moi la paix avec ça, tu veux ? – Moi, tu sais, ce que je t'en dis, mais enfin, j'aimerais autant elle qu'une femme de bordel. Je ne sais pas ce que tu lui trouves, mais elle n'est pas si mal que ça. La colère de Pablo déborda d'un coup. Se soulevant à son tour, il cria : – Je m'en fous, tu sais ce que ça veut dire ? Je veux que tu me foutes la paix avec ça. – Ah ! te fâche pas... Je ne sais pas comment tu es fait. Pablo soupira longuement. Déjà sa colère tombait. Lentement, presque à voix basse, il dit : – J'avais une femme, tu comprends, ils me l'ont tuée. Maintenant, c'est fini. Les autres... Il n'acheva pas sa phrase. – Je sais, dit Enrique après un temps de silence, je sais. Pourtant, bon Dieu, ça fait plus d'un an, tu devrais essayer d'y penser un peu moins. C'est pas bon de toujours remâcher comme ça son malheur, ça ne mène à rien de bien. Pablo eut un ricanement. – De toute façon, tout ce qui peut m'arriver à présent... – Bien sûr, si tu parles comme ça, il ne peut rien t'arriver de bon. Mais moi, parler comme tu parles à trente-cinq ans, je trouve que ça n'a pas de sens. Sans se fâcher vraiment, Pablo encore une fois éleva la voix. – Ce qui n'a pas de sens, c'est de faire la guerre. De tuer les femmes et les gosses qu'elles ont dans le ventre. Et de laisser vivre des hommes comme moi, qui n'ont plus rien.

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