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Balzac, Lettre à Joseph Méry, écrivain marseillais, 1846 :

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Balzac, Lettre à Joseph Méry, écrivain marseillais, 1846 : Mon bon et cher Méry, Je vous remercie mille fois de vos bons soins, et j'écrirai quelque part l'histoire véridique des rencontres d'un poète et d'un sieur Lazard, marchand d'antiquités. Je me hâte de vous dire que les époux Lazard m'ont fait, du premier mot, la glace 8oo fr. et l'enfant indécent 500, ce qui fait 1 300 fr. pour ces deux articles ; or, ce n'est rien rabattre que de rabattre 300 fr. Or donc, laissez entrevoir à Lazard que vous donneriez 1000 fr. Mais tant qu'il n'accédera pas à ce prix, restez sur les ergots de vos 900 fr. ;regardez stoïquement les objets en vous promenant dans votre capitale, et blaguez beaucoup Lazard. Vous voyez que l'enfant est de bronze et la glace de plomb, et que cela ne s'envole pas. Ne reculez pas d'une semelle, et je vous aurai appris à vous mesurer avec les marchands de bric à brac. Pendant que vous blaguerez ce digne Lazard, faites-moi le plaisir d'envoyer de temps en temps des amis à vous pour marchander les deux objets, et qu'ils en offrent toujours les uns 50, les autres 100 fr., ceux-ci 25 fr. de moins que vous. Après une quinzaine de ce régime, Lazard vous les donnera un beau matin. Faites-lui offrir aussi 300, 400 fr. du tableau. C'est une scie, qui fait beaucoup rire les artistes, et recommence ainsi : Portier, je veux de tes cheveux. Si Lazard n'a pas cédé, il cédera lors de mon passage par Marseille. J'attends une lettre qui me permettra peut-être d'aller à Florence. Qui, sait si nous n'irons pas ensemble ? Je vous soignerai sur le vapeur. La prose sera aux pieds de la poésie. Et votre roman pour la Presse, est-il aussi avancé que le mien, sur lequel il n'y a pas deux lignes de faites ? Oh ! Le lansquenet ! Adieu, aimez qui vous admire, c'est-à-dire V[otre] D[évoué] de Balzac. P. S. C'est moi qui ai tort sur l'article Râpe, et vous avez raison. Deux fois merci ! Voyez (toujours en passant) si Lazard n'aurait pas de grands cornets de 36 pouces de hauteur à personnages, et dans le genre des pots que j'ai achetés. Il n'y en a pas à Paris ; j'ai prié Lazard de m'en chercher dans le cercle où il rayonne. Ne devenez jamais collectionneur : on appartient à un démon aussi jaloux, aussi exigeant que le jeu. Gagnez-vous ?... Addio, caro.

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