analyse de Happy Meal - Les nouvelles à chute Anna Gavalda, Happy Meal
Publié le 06/10/2022
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Les nouvelles à chute
Anna Gavalda, Happy Meal
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Cette fille, je l’aime.
J’ai envie de lui faire plaisir.
J’ai envie de l’inviter à déjeuner.
Une grande brasserie avec des miroirs et des nappes en tissu.
M’asseoir près d’elle,
regarder son profil, regarder les gens tout autour et tout laisser refroidir.
Je l’aime.
« D’accord, me dit-elle, mais on va au McDonald.
» Elle n’attend pas que je
bougonne (brummen).
« Cela fait si longtemps…ajou3te-t-elle en posant son livre
prèsd’elle, si longtemps… »
Elle exagère, ça fait moins de deux mois.
Je sais compter.
Mais bon.
Cette jeune personne aime les nuggets et la sauce barbecue, qu’y puisje ?
Si on reste ensemble assez longtemps, je lui apprendrai autre chose.
Je lui
apprendrai la sauce gribiche (würzige Kräutersauce) et les crêpes Suzette par
exemple.
Si on reste ensemble assez longtemps, je lui apprendrai que les garçons
des grandes brasseries n’ont pas le droit de toucher nos serviettes, qu’ils les font
glisser en soulevant la première assiette.
Elle sera bien étonnée.
Il y a tellement de choses que je voudrais lui montrer… Tellement de choses.
Mais
je ne dis rien.
Je prends mon pardessus en silence.
Je sais comment sont les filles
avec l’avenir : juste prometteuses.
Je préfère l’emmener dans ce putain de McDo et
la rendre heureuse un jour après l’autre.
Dans la rue, je la complimente sur ses chaussures.
Elle s’en offusque : « Ne me dis
pas que tu ne les avais jamais vues, je les ai depuis Noël ! » Je pique du nez, elle
me sourit, alors je la complimente sur ses chaussettes.
Elle me dit que je suis bête.
Tu penses si je le savais.
C’est la plus jolie fille de la rue.
J’éprouve un haut-le-cœur en poussant la porte.
D’une fois sur l’autre, j’oublie à
quel point je hais le McDonald.
Cette odeur : graillon (Geruch von Bratfett), laideur et
vulgarité mélangés.
Pourquoi les serveuses se laissent-elles ainsi enlaidir ? Pourquoi
porter cette visière insensée ? Pourquoi les gens font-ils la queue ? Pourquoi cette
musique d’ambiance ? Et pour quelle ambiance ? Je trépigne, les gens devant nous
sont en survêtement.
Les femmes sont laides et les hommes sont gros.
J’ai déjà du
mal avec l’humanité, je ne devrais pas venir dans ce genre d’endroit.
Je me tiens
droit et regarde loin devant, le plus loin possible : le prix du menu best-of McDeluxe.
Elle le sent, elle sent ces choses.
Elle prend ma main et la presse doucement.
Elle
ne me regarde pas.
Je me sens mieux.
Son petit doigt caresse l’intérieur de ma
paume et mon cœur fait zigzague.
Elle change d’avis plusieurs fois.
Comme dessert, elle hésite entre un milkshake ou
un sundae caramel.
Elle retrousse son mignon petit nez et tortille une mèche de
cheveux.
La serveuse est fatiguée et moi, je suis ému.
Je porte nos deux plateaux.
Elle se retourne vers moi :
- Tu préfères le coin fumeur, j’imagine ?
- Je hausse les épaules.
- Si.
Tu préfères.
Je le sais bien.
Elle m’ouvre la voie.
Ceux qui sont mal assis raclent leur chaise à son passage.
Des visages se tournent.
Elle ne les voit pas.
Impalpable dédain (hochnäsige
Verachtung) de celles qui se savent belles.
Elle cherche un petit coin où nous serons
bien tous les deux.
Elle a trouvé, me sourit encore, je ferme les yeux en signe
d’acquiescement (pour dire que je suis d’accord).
Je pose notre pitance (Frass) sur
une table dégueulasse.
Elle défait lentement son écharpe, dodeline trois fois de la
tête avant de laisser voir son cou gracile.
Je reste debout comme un grand nigaud
(Tölpel).
- Pourquoi tu ne t’assieds pas ?
- Je te regarde.
- Tu me regarderas plus tard.
Ça va être froid.
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- Tu as raison.
- J’ai toujours raison.
- Presque toujours.
Petite grimace.
J’allonge mes jambes dans l’allée.
Je ne sais pas par quoi commencer.
J’ai déjà
envie de fumer.
Je n’aime rien de tous ces machins emballés.
J’ai un moment de doute.
Que fais-je ici ? Avec mon immense amour et ma
pochette turquoise.
J’ai ce réflexe imbécile de chercher un couteau et une
fourchette.
Elle me dit :
- Tu n’es pas heureux ?
- Si, si.
- Alors mange !
Je m’exécute.
Elle ouvre délicatement sa boîte de nuggets comme s’il s’était agi
d’un coffret à bijoux.
(…) Elle trempe ses morceaux de poulet décongelés dans
leur sauce chimique.
Elle se régale.
- Tu aimes vraiment ça ?
- Vraiment.
- Mais pourquoi ?
Sourire triomphal.
- Parce que c’est bon.
Elle me fait sentir que je suis un ringard (altmodisch), ça se voit dans ses yeux.
Mais du moins le fait-elle tendrement.
Pourvu que ça dure, sa tendresse.
Pourvu
que ça dure.
Qu’est-ce que j’aime le plus chez elle ? En numéro un je mettrai ses sourcils.
Elle a de très jolis sourcils.
En numéro deux, ses lobes d’oreilles.
Parfaits.
Ses
oreilles ne sont pas percées.
J’espère qu’elle n’aura jamais cette idée saugrenue.
Je l’en empêcherai.
En numéro trois, quelque....
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