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thème / prédicat timbre tirade titre tmèse Tombeau topos tornada traditionalisme, néotraditionalisme traduction littéraire

thème/prédicat. On sait, depuis l’Antiquité grecque, que tout énoncé repose sur une structure binaire : parler, c’est dire quelque chose sur quelque chose. On appelle thème l’objet (la personne, la notion...) dont on parle : le thème a généralement déjà été mentionné dans le discours. On appelle prédicat ce que l’on dit de ce thème, l’information que l’on apporte à son sujet. Dans la seconde phrase de la séquence « - Quand passe le laitier ? — Il passe vers 9 heures », le thème est le passage du laitier (« il passe »), le prédicat est « vers 9 heures » (du passage du laitier, on dit qu’il a lieu vers 9 heures). La proposition est le lieu de la prédication, c’est-à-dire la structure de mise en relation du thème (on dit aussi topique) et du prédicat (ou thème, ou propos). Il arrive que pour des raisons expressives, la proposition soit réduite au seul prédicat, le thème restant implicite : Rien. Existé (J.-P. Sartre, La Nausée, 1938).

timbre. «Air préexistant, sur lequel on applique des paroles nouvelles » (M. Brenet). On l’utilise fréquemment dans Jes études sur la poésie et la musique du XVIe siècle. A cette époque, en effet, la chanson connaît un grand essor ; elle est capable d’exprimer des sentiments amoureux aussi bien que des émotions religieuses. Pour assurer son succès, certains auteurs utilisent des airs déjà connus. Ainsi, Marguerite de Navarre écrit des Chansons spirituelles sur des airs ou des timbres populaires, comme « Le pont d’Avignon ». Cette pratique se répand dans les milieux réformateurs. On a parlé aussi de timbre à propos du Supplément musical des Amours de Ronsard, en 1552. Dans ce cas, il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un air préexistant. Certon, Goudimel, Janequin et Muret avaient composé spécialement des mélodies pour que l’on puisse chanter les sonnets des Amours. Mais on n’en trouvait que quatre, pour quatre-vingt-deux sonnets, répartis en groupes selon la combinaison de leurs rimes. Conséquence : le même air servait pour des textes très différents, la musique et le sens des mots étaient dissociés. L’entreprise ne fut pas renouvelée.

tirade. Réplique d’une longueur assez importante dans le théâtre classique. La tirade, généralement en vers, étoffe le discours des personnages en lui donnant forme et substance. titre. Désignation appellative d’un ouvrage, d’un chapitre, d’un poème, d’un article, etc. Le titre est l’élément principal du paratexte. Il prend traditionnellement la forme d’un groupe nominal (L’Éducation sentimentale, « L’invitation au voyage »), plus rarement - et surtout pour les romans ou les pièces — celle d’une phrase complète {Occupe-toi d'Amélie, G. Feydeau, 1908 ; J'irai cracher sur vos tombes, B. Vian, 1947). Les poèmes sans titre sont couramment désignés par leurs premiers mots, l’incipit («Je n’ai pas oublié, voisine de la ville», Ch. Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857). La forme et-le statut des titres a constamment évolué depuis la fin du Moyen Age : depuis le XVIIIe siècle, les titres de roman empruntent très fréquemment le nom du personnage principal — qu’on appelle alors héros éponyme — {La Cousine Bette, Madame Bovary, Jean-Christophe...), tandis que les sous-titres explicatifs tendent à disparaître {Candide ou l'optimisme), au profit des sous-titres génériques, c’est-à-dire précisant le genre auquel ressortit l’ouvrage, précédemment réservés au théâtre et à la poésie {Le Cid, tragédie ; Le Rouge et le Noir, chronique de 1830).


tmèse (n. f., du grec tmêsis, « coupure »). Figure de construction qui insère un élément verbal entre les termes d’un groupe syntaxique ou même lexical étroitement solidaires. C’est le cas de la parenthèse qui sépare le pronom personnel sujet du verbe dans ce début de phrase de La Route des Flandres de Claude Simon (1960) : Puis ils (tous les trois : l'homme décharné, Iglésia et Georges — eux maintenant vêtus comme des valets de ferme, c’est-à-dire vaguement gênés, vaguement mal à l’aise, comme si — au sortir de leur lourde carapace de drap, de cuir, de courroies — ils se sentaient à peu près nus, sans poids dans l’air léger) furent de nouveau dehors [...].

Tombeau. Hommage funèbre, le plus souvent en vers, d’un ou de plusieurs écrivains à l’un des leurs, ou à un peintre, un musicien récemment disparu. Le genre du Tombeau remonte à l’Antiquité grecque et aux nombreuses épitaphes de l'Anthologie. C’est au XVIe siècle, en France et en Italie, qu’il connaît son âge d’or. Presque tous les grands poètes ont reçu l’hommage de leurs amis et de leurs disciples. Cet honneur s’étend aux rois, aux princes et aux grands de ce monde. Le culte de la gloire, si vif à cette époque, explique en partie cet épanouissement, mais aussi le désir de rivaliser avec le. langage de pierre du tombeau réel, déclaré plus fragile que celui de la poésie. Après une longue éclipse aux XVIIe et XVIIIe siècles, le genre du Tombeau renaît de ses cendres dans la seconde moitié du XIXe siècle. On voit paraître ainsi un Tombeau collectif de Théophile Gautier (1873), mais c’est surtout Mallarmé qui lui donne toute sa gloire avec les vers qu’il écrit en l’honneur d’Edgar Poe, de Baudelaire ou encore de Gautier, et qui exaltent, sur le seuil de l’éternité, « la gloire ardente du métier ».


topos (n. m., emprunté au grec, « lieu »). Il est d’usage désormais, dans la critique littéraire, d’utiliser le mot grec pour identifier cette notion plutôt que « lieu commun » ou « lieu ». Le topos est le cœur même de l’argumentation, car c’est à partir de lui que l’on « invente » les arguments techniques, c’est-à-dire ceux qui appartiennent à la construction interne du discours, par opposition aux preuves extra-techniques (les pièces à conviction, les témoignages, etc., qui n’appartiennent pas directement à l’art - technè - de la construction du discours). Au sens technique, le topos désigne un schéma d’argumentation, d’ordre logique, qui permet de s’appliquer à differents types de développements. Exemple : l’argument général « qui peut le plus peut le moins ». Sa validité repose sur la vraisemblance, c’est-à-dire sur son caractère doxal ; son caractère général fait de lui un « lieu commun », car il est commun à tous les types d’argumentation. Les trois grands lieux communs de l’argumentation sont 1. le possible et l’impossible ; 2. l'existence et l’inexistence ; 3. le plus et le moins. On ne doit pas le confondre avec le sens moderne de « lieu commun », qui est une idée reçue (Flaubert) ou un stéréotype de langage. Au contraire, ici, le topos a une valeur dynamique pour aider à trouver des arguments. Dans un sens dérivé, le topos désigne aussi un type de questions qu’il convient de poser à un état de cause donné (le « sujet » à traiter) pour étoffer son développement de façon logique : qui, pourquoi, comment, quand, etc... Dans la tradition littéraire, le topos a été assimilé peu à peu à un développement tout fait (topique du locus amoenus, qui entraîne une description toute faite, topique des impossibilité etc.) : il a en tout cas un rôle à jouer dans la mémoire, qui est aussi une source d’invention. Le recueil de « lieux » à partir des textes lus pendant les études, sera une constante de l’apprentissage culturel au moins jusqu’au XVIIIe siècle : on relève formules, arguments, tournures au fil de la lecture pour constituer un florilège d’expressions qui permettront ensuite de nourrir des développements personnels.

tornada (n. f.). Nom de l’envoi dans la poésie médiévale d’oc : couplet (cobla) plus court après la série de couplets qui constitue le corps de la canso. Elle mentionne, d’une façon généralement codée (senhal), le destinaire du poème.

traditionalisme, néotraditionalisme. Dans les études médiévales, doctrines du XIXe et du début du XXe siècle, toujours vivaces aujourd’hui, qui considèrent que les chansons de geste sont des produits d’une longue tradition, c’est-à-dire d’une transmission (traditio) qui a progressivement élaboré et transformé les textes qui nous sont parvenus. Pour le traditionalisme (Léon Gautier, Gaston Paris), ces œuvres sont des créations collectives, fruits d’une élaboration populaire qui s’est faite au cours dés siècles depuis l’événement même qui leur fournit leur sujet (le coup de main de Roncevaux pour la Chanson de Roland par exemple) ; des cantilènes lyrico-épiques auraient été composées à l’époque carolingienne et auraient évolué progressivement vers la forme que nous connaissons aux chansons de geste. Les textes, ainsi, sont en constante transformation, et l’on ne saurait valablement chercher à les fixer dans un état originel qui seul aurait une valeur proprement littéraire. Joseph Bédier s’est élevé contre cette conception en défendant au contraire l’idée de création individuelle. Le néotraditionalisme est une reprise de l’idée fondamentale du traditionalisme, mais qui cherche à répondre aux arguments de J. Bédier (F. Lot, après la guerre de 1914). Il renonce à la formule lapidaire du traditionalisme (« au commencement était le Peuple »), mais s’efforce de démontrer que les chansons de geste ne sortent pas exclusivement des chroniques dont disposaient les abbayes au XIe siècle. R. Menendez Pidal, R. Louis et J. Rychner ont repris la démonstration, en s’appuyant à la fois sur des témoignages historiques ou archéologiques et sur une analyse des caractères du style formulaire, caractéristique à leurs yeux de « l’épopée vivante » telle qu’on la pratiquait encore au milieu du XXe siècle en Yougoslavie. Le débat reste ouvert, mais la critique lui consacre aujourd’hui beaucoup moins d’énergie.


traduction littéraire. La grande époque de la traduction considérée comme genre littéraire au sens plein du terme va à peu près des grandes traductions de Jacques Amyot ( Vies parallèles et Œuvres morales de Plutarque — respectivement en 1559 et 1572, Daphnis et Chloé du romancier grec Longus, 1559) aux premières décennies du XVIIIe siècle (génération du jeune Voltaire et fin de la querelle des Anciens et des Modernes, autour de Mme Dacier et de Houdar de La Motte). Au XVIIe siècle, la question de la traduction est essentielle pour comprendre les fondements du classicisme de la littérature française. Depuis les travaux d’Amyot, la traduction passe pour la meilleure école d’une langue à bâtir et à fortifier : on trouve cette idée d’« innutrition » chez Du Bellay dès 1549 dans la Défense et Illustration de la langue française. A ce titre, la traduction littéraire entretient un double rapport à la fois avec l’invention des doctrines nouvelles et avec l’élaboration d’une langue française moderne. En effet, avec la fondation de l’Académie française (1635), le projet des traducteurs est essentiellement linguistique. On ne saurait distinguer ici littérature et grammaire : traduire, c’est avant tout enrichir la langue française des tournures et de l’élocution des langues traduites.
D’autre part, toute réflexion sur la traduction engage aussi une réflexion sur l’originalité, ce qui est.au cœur de la problématique classique de l’imitation. De ce point de vue, le caractère doctrinal de la traduction est en rapport direct avec la théorie de la création littéraire classique : le meilleur exemple en demeure Nicolas Perrot d’Ablancourt (1606-1664), qui fait autant œuvre de critique littéraire que de traducteur en commentant les auteurs qu’il traduit, en justifiant les ajouts et les retranchements qu’il leur fait subir. C’est à une de ses œuvres majeures, la traduction de Lucien en 1654, qu’on a donné le fameux nom de « Belle Infidèle », qui définira ensuite tout ce courant de traductions littéraires. Comme la « copie » dans les arts plastiques, la traduction est un vecteur essentiel de la diffusion des savoirs et des formes ; l’étude des « belles infidèles » est donc indispensable pour comprendre les fondements du classicisme français. Le genre a perdu de son importance dès que la langue française s’est imposée comme norme : la traduction a désormais un rapport moins étroit avec la création littéraire ; elle retrouve simplement la fonction informatrice de la version scolaire ou philologique. Aujourd’hui, alors que le français tend à perdre son statut de langue culturelle de référence, la question de la traduction littéraire est de nouveau d’actualité : depuis les travaux de Valéry Larbaud (Sous l'invocation de saint Jérôme, 1946) jusqu’aux réflexions contemporaines liées aux entreprises éditoriales (Assises de la traduction littéraire, qui se tiennent à Arles sous la houlette des éditions Actes Sud), la traduction littéraire a retrouvé un statut et une noblesse qu’elle n’avait plus connus depuis l’essor du classicisme français.




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