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sonnet (du latin sonare, « sonner »). Il a été introduit d’Italie en France au début de la Renaissance par Marot et Mellin de Saint-Gelais. Il s’agit d’une forme fixe de quatorze vers (d’abord décasyllabes, puis ensuite le plus souvent alexandrins), répartis en deux quatrains à rimes embrassées sur deux rimes, suivis d’un sizain qui a pu être de forme variable, mais qui s’est fixé en une forme canonique d’un distique suivi d’un quatrain, divisé typographiquement en deux tercets. Voici un sonnet déca-syllabique de Louise Labé en abba abba ccd eed. Cette forme est appelée italienne ou encore marotique :
Depuis qu'amour cruel empoisonna
Premièrement de son feu ma poitrine,
Toujours brûlai de sa fureur divine,
Qui un seul jour mon cœur n abandonna,
Quelque travail, dont assez me donna,
Quelque menace et prochaine ruine,
Quelque penser de mort qui tout termine,
De rien mon cœur ardent ne s'étonna.
Tant plus qu Amour nous vient fort assaillir,
Plus il nous fait nos forces recueillir,
Et toujours frais en ses combats fait être :
Mais ce n'est pas qu'en rien nous favorise
Cil qui les Dieux et les hommes méprise :
Mais pour plus fort contre les forts paraître.
L’autre forme canonique est dite française : abba abba ccd ede. Le sonnet a connu une vogue immense dans la seconde moitié du XVIe siècle, puis un renouveau très fervent au XIXe siècle, où des poètes comme Musset et Baudelaire ont usé de variations aussi bien de vers que de disposition des rimes, qui ont multiplié ses formes. Cette plasticité et ce succès du sonnet ne se sont toujours pas démentis, et des poètes comme ceux de l’OuLiPo, et surtout Jacques Roubaud, ont continué à exploiter la richesse de cette structure féconde.
Sonnet. Forme fixe de la Renaissance, née sans doute en Sicile, issue peut-être d’une ou deux chansons populaires liées ensemble. Pétrarque lui donne ses lettres de noblesse. Mellin de Saint-Gelais et l’Ecole lyonnaise l’introduisent en France au xvie siècle. Il connaît dès lors, à partir des poètes de la Pléiade, un succès qui ne se démentira guère qu’au XVIIIe siècle, siècle où ni les formes fixes, ni les strophes ne sont en honneur. Au xixe siècle, il est à nouveau très utilisé (Musset, Baudelaire, les parnassiens en sont des virtuoses). La forme connaît un égal succès en Angleterre depuis son introduction par les poètes élisabéthains.
La première forme du sonnet est donc italienne. Elle est faite de deux quatrains sur rimes croisées, puis très vite embrassées, et de deux tercets bâtis chacun sur trois rimes : cde cde ou ced dce. Les deux tercets n’ont ainsi chacun aucune autonomie, puisque chaque rime y est estramp. Le sonnet français est proche de ce modèle, mais les tercets, construits au total sur deux ou trois rimes, ne sont construits chacun que sur deux rimes : cdc dcd, ccd ccd, ccd eed, ccd ede. Les deux dernières combinaisons de rimes sont tenues pour plus régulières que les autres. Quoi qu’il en soit, dans aucun des cas, les tercets ne constituent des strophes autonomes, puisqu’au moins une de leurs rimes est estramp. On dit alors souvent que le sonnet est fait de deux quatrains et d’un sizain. Quant au sonnet anglais, son organisation est différente, puisqu’il comprend quatre quatrains sur rimes croisées, et un distique final. La forme du sonnet offre ainsi plusieurs possibilités de choix, et c’est dans cette latitude qu’il faut sans doute voir une des raisons du succès constant de cette forme, y compris à des époques où les formes fixes tombent en désuétude. Les possibilités de variation sont encore accrues du fait que tous les types de mètres sont possibles, et que le sonnet peut être isométrique ou hétérométrique : La Musique souvent me prend comme une mer ! Vers ma pâle étoile, Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther, Je mets à la voile; La poitrine en avant et les poumons gonflés Comme de la toile, J’escalade le dos des flots amoncelés Que la nuit me voile ; Je sens vibrer en moi toutes les passions D’un vaisseau qui souffre; Le bon vent, la tempête et ses convulsions Sur l’immense gouffre Me bercent. D’autres fois, calme plat, grand miroir De mon désespoir ! (Baudelaire, La Musique) La deuxième raison de son succès tient à la brièveté de la forme, qui permet de développer une argumentation dans un cadre resserré. Le sonnet est en effet sur le plan sémantique caractérisé par une opposition, une tension entre les quatrains et les tercets (ou le distique) qui se prête à une organisation sémantique intéressante : comparaison puis explication, antithèse, raisonnement (on fait parfois naître le sonnet du syllogisme), etc.
sonnet élisabéthain. On l’appelle aussi sonnet shakespearien, ou encore sonnet anglais. Il présente également quatorze vers, mais répartis en trois quatrains à rimes croisées suivis d’un distique. Voici un sonnet élisabéthain de Mallarmé en heptasyllabes, intitulé « Petit Air (guerrier) » :
Ce me va hormis l'y taire
Que je sente du foyer
Un pantalon militaire
A ma jambe rougeoyer
L’invasion je la guette
Avec le vierge courroux
Tout juste de la baguette
Au gant blanc des tourlourous
Nue ou d’écorce tenace
Pas pour battre le Teuton
Mais comme une autre menace
A la fin que me veut-on
De trancher ras cette ortie
Folle de la sympathie.
sophistique. En tant qu adjectif, ce ternie désigne, comme l’écrit Furetière {Dictionnaire, 1690), ce « qui est captieux, trompeur. Il se dit surtout des arguments qui ne sont-pas bien en forme, ou qui sont fondés sur des équivoques » ; et Furetière cite cet exemple de syllogisme fondé sur des prémisses fausses : Tu as tout ce que tu n'as point perdu; tu n'as point perdu de cornes ; donc tu as des cornes. Est donc sophistique tout procédé rhétorique qui vise à tromper l’auditeur ou le lecteur, par des raisonnements faux (paralogismes, sophismes). Comme substantif, la sophistique désigne l’art des sophistes de l’Antiquité (première sophistique : Ve siècle av. J.-C., ce sont les adversaires de Socrate ; seconde sophistique : IIe et IIIe siècles ap. J.-C.). La seconde sophistique correspond à un courant littéraire majeur de la période de ’Empire romain, dont l’influence fut déterminante à ’époque moderne, notamment pour la redécouverte de a rhétorique et son influence sur les théories littéraires de l’humanisme et de l’âge classique. !
sotie (n. f., dérivé de « sot »). Désigne une forme fixe de onze vers sur cinq rimes qui fonctionnent sur un système de contre-assonance, avec variation vocalique, les cinq voyelles de l’alphabet figurant successivement.
Sotie. Genre dramatique médiéval. C’est un théâtre engagé où les institutions sont tournées en dérision sur un mode carnavalesque par les «sots», acteurs chez qui la « sottise » apparaît comme une sagesse supérieure. Tout en cultivant le canular, ils font de la scène une tribune. Ils convoquent au rang des accusés des personnages allégoriques, qui représentent les classes sociales mises en cause. Ex. : Les Gens nouveaux qui mangent le monde et le logent de mal en pis, en 1461, est une satire des juristes, des prêtres, des soldats, des médecins. Ces comédiens que l’on pourrait comparer à nos chansonniers n’essaient pas de créer par leur jeu un personnage. Identifiables à leur costume toujours identique (robe grise, bonnet à oreilles d’âne) et à leur emblème (la marotte) comme le sont encore certains jokers de nos cartes à jouer, ils sont parfois dirigés par la « Mère Sotte ». Le genre ne survit pas aux attaques de la censure. Il est interdit définitivement en 1540 par un arrêt du parlement.
Ce type de théâtre contient en germe deux éléments qui seront centraux dans la dramaturgie brechtienne, la conception de la scène comme tribune et le rôle important dévolu au meneur de jeu.
sotte chanson. Au Moyen Age, poème qui parodie la chanson courtoise. La sotte chanson réutilise le cadre formel, mais transpose la thématique de l’amour dans le registre bas (trivial, grossier, éventuellement ordurier, voire scatologique). La Ballade de la grosse Margot de François Villon, insérée dans son Testament, adapte à la ballade le principe de la sotte chanson. On a émis l’hypothèse que la sotte chanson ne serait pas dépourvue de liens avec le charivari. Elle est en tout cas le type même d’une poésie carnavalesque. Même les plus grands écrivains en ont écrit (Froissart, Eustache Deschamps) : il ne faut pas voir en elle une sous-littérature.
sottie. Forme dramatique de la fin du Moyen Age, à caractère parodique, d’un comique souvent grinçant, mettant en présence des contestataires et des personnages contestés. Gravitant autour du personnage du sot, la sottie développe une conception fondamentalement identique à celle de la fête des Fous. Ses frontières avec la farce sont assez floues : le genre manque d’unité. On distingue la sottie-parade, marquée par la prédominance de la gestuelle, des acrobaties, pitreries, sauts et gambades sur le dialogue ; la sottie-jugement, qui fait éclater l’incohérence d’un comportement en représentant une séance de tribunal ; la sottie-action, proche de la moralité (c’est l’action qui structure la pièce) : la Moralité faite en foulois [dans le langage des fous] pour le chastiement du monde est une sottie. Les sotties morales utilisent quelquefois des personnages allégoriques, comme les moralités. Les personnages comiques sont le sot (plus sage que les autres...) et le galant (image de la jeunesse bohème de la fin du XVe siècle). La sottie, sous une expression cryptée, joue un rôle de contestation politique et se livre à la satire d’une société matérialiste qui renie les valeurs morales anciennes. C’est en référence lointaine à ce genre que Gide, en 1914, intitula Sotie (avec un seul t) Les Caves du Vatican, pour souligner l’aspect ludique et bouffon de son livre qu’il ne voulait pas appeler roman.
sourd. Adjectif qui qualifie la prononciation de l'e caduc quand il n’est pas muet.
sous-conversation. Terme forgé par Nathalie Sarraute, pour qui le dialogue romanesque doit faire sa place aux silences, au presque-dit, à l’implicite, aux embryons de drames que recèle toute conversation, sans quoi il ne donne qu’une image guindée et fausse de la communication humaine : Sous l'effet de « Ne me parlez pas de ça », certains se mettent à s'agiter.., en voici un qui se détache des autres et s'avance... Que veut-il ? Qu'est-ce qu'il y a ?... Vous pouvez dire ça ? (L'Usage de la parole, 1980). Elle revendique en cela le patronage de la romancière britannique I. Compton-Burnett.
spoudogeloion (n. m., du grec spoudaios, « sérieux et geloion, « risible, comique »). Ce terme caractérise un genre d’écriture qui associe des thèmes ou des styles contrastés, en traitant par exemple sur le mode comique un contenu sérieux, ou en utilisant un style élevé pour décrire un événement bas et comique. La tradition vient notamment des satiriques grecs, comme Lucien (IIe siècle ap. J.-C. : Dialogue des morts, Jupiter tragique, Histoire véritable), et elle a connu une grande vogue à partir de l’humanisme, chez Erasme {Eloge de la folié) et Rabelais notamment : le prologue du Gargantua (1535) explique comment derrière le caractère comique de l’œuvre se cache une « substantifique moëlle », c’est-à-dire un contenu sérieux et philosophique. A l’inverse, dans le style héroï-comique, comme dans Le Lutrin de Boileau, on voit une querelle de personnages comiques traitée avec les procédés de la poésie épique et sérieuse. De L'Autre Monde de Cyrano de Bergerac aux Contes de Voltaire, le spoudogeloion est un procédé qui permet souvent aux idées philosophiques nouvelles d’être présentées sous le masque d’une fiction amusante et comique. C’est donc le procédé favori de la satire et de la caricature, et on le retrouve souvent dans la littérature à visée polémique ou pamphlétaire.
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