néopétrarquisme néoplatonisme neuvain noème nœud nombre nominalisme Nouveau Roman nouvelle Nouvelle Critique
Pétrarquisme. Courant poétique hérité de Pétrarque (1304-1374), poète italien qui inaugure avec le Canzoniere (1342) la mode du recueil de poèmes consacré à la femme aimée. Cette femme idéale, telle la Laure de Pétrarque, à peine entrevue et inaccessible, est une entité désincarnée. Elle perpétue la tradition courtoise de l’amour que Pétrarque emprunte à Dante, qui lui-même se réclame des troubadours français. Cette conception platonicienne de l’amour, qui prépare la voie de la préciosité, s’exprime dans un style où l’artifice tue souvent la spontanéité.
La poésie de Pétrarque est aussitôt imitée en Italie par Bembo et par l’Arioste. Au XVIe siècle, elle exerce une grande influence sur la poésie française. Les poètes qui constituent le groupe de La Pléiade lisent tous l’italien et admirent les poètes italiens qui ont créé une grande littérature nationale. Aussi imitent-ils les sonnets de Pétrarque comme, dans leur admiration de l’Antiquité, ils imitent les odes de Pindare et d’Horace. L’Olive, recueil de sonnets de Du Bellay (1549), immédiatement accueilli avec enthousiasme, inaugure en France la mode du pétrarquisme. Ronsard en 1552 donne Les Amours de Cassandre où il chante une jeune fille à peine entrevue, puis en 1555 Les Amours de Marie, recueil plus spontané, quoique très marqué par le pétrarquisme. Il retournera à l’imitation pétrarquiste en 1578 avec les Sonnets pour Hélène. Dans le sillage immédiat de Du Bellay et de Ronsard, la plupart des poètes, ceux de la Pléiade notamment, s’adonnent au pétrarquisme. Pontus de Tyard écrit les Erreurs amoureuses, Baïf les Amours, Olivier de Magny la Castianire, Jodelle Diane.
La poésie pétrarquiste, savante, sombre bientôt dans un académisme froid et compassé. Les poètes abusent de figures de rhétorique compliquées (allégories, périphrases ou métaphores obscures), d’allusions mythologiques. La poésie devient exercice d’école, ce que Du Bellay, tôt revenu du pétrarquisme et désireux d’une poésie personnelle, est le premier à souligner, dans cette satire de 1533 Contre les pétrarquistes :
J’ai oublié l’art de pétrarquiser,
Je veux d’amour franchement deviser,
Sans vous flatter et sans me déguiser :
Ceux qui font tant de plaintes
N’ont pas le quart d’une vraie amitié,
Et n’ont pas tant de peine la moitié,
Comme leurs yeux, pour vous faire pitié, Jettent de larmes feintes.
Le terme de pétrarquisme prend dès lors une acception péjorative et désigne une poésie amoureuse savante et artificielle.
néopétrarquisme. Ce nom dérive du poète italien Pétrarque (1304-1374), dont la poésie amoureuse a été imitée très tôt en Italie (Serafino, Tebaldeo), puis en France dans la seconde moitié du XVIe siècle, par Du Bellay {L'Olive), Ronsard {Sonnets pour Hélène), et surtout Desportes. Le néopétrarquisme est d’abord une rhétorique dont les figures essentielles sont l’antithèse, l’oxymore, la métaphore. Il est parfois associé à la philosophie platonicienne de l’amour. La domination du style pétrarquiste fut telle, dans la décennie 1550-1560, qu’il suscita un mouvement de rejet et inspira un certain nombre de satires, dont l’une est de Du Bellay lui-même. Le néopétrarquisme est un relais majeur, dans l’histoire de la poésie, entre les hautes ambitions de la poésie de la Renaissance et les raffinements de la poésie baroque du premier XVIIe siècle, qui seront relayés à leur tour par l’esthétique des précieuses et la virtuosité des poètes galants (Voiture, Sarasin, Pellisson).
néoplatonisme. Après la traduction latine et le commentaire du Banquet de Platon par le Florentin Mar-sile Ficin (1433-1499), cette doctrine, issue de la relec ture chrétienne du platonisme à la Renaissance, a eu une influence considérable sur l’inspiration poétique et la poésie amoureuse, par exemple sur Délie (1544) de Maurice Scève. La seule réalité étant celle des idées, dont les objets terrestres ne sont que le reflet imparfait, l’amour né dé la contemplation féminine est pensé comme le reflet de l’amour de Dieu ; l’amour doit donc, bien au-delà de la réalité physique, s’élever à la beauté des âmes puis à celle de Dieu. Ainsi se rejoignent la patristique du Moyen Age, qui avait porté l’amour entre deux êtres au niveau de l’amour de Dieu, et l’idée développée par Platon dans Le Banquet, selon laquelle la vraie voie de l’amour est de monter vers la beauté surnaturelle.
neuvain (n. m.). Strophe ou poème de neuf vers. Les formules sont très variées. Exemple d’un neuvain d’octosyllabes, composé d’un quintil (ababb) et d’un quatrain à rimes embrassées (cddc), qui est la première strophe d’une ballade de Charles d’Orléans : Las ! Mort, qui t'a fait si hardie
De prendre la noble Princesse
Qui était mon confort, ma vie,
Mon bien, mon plaisir, ma richesse !
Puisque tu as pris ma maîtresse,
Prends-moi aussi son serviteur,
Car j'aime mieux prochainement
Mourir que languir en tourment,
En peine, souci et douleur !
noème (n. m.). Réflexion s’apparentant à la maxime par son caractère didactique, à la sentence par sa forme gno-mique (emploi de tournures syntaxiques génériques) et à la formule par la recherche d’un brio (parallèle, allitérations, paradoxe...) : Que reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n "importe qui (J.-P. Sartre, Les Mots).
nœud. Parfois confondu avec l’intrigue tout entière, le nœud correspond à une étape de l’action dramatique et se définit comme un moment de l’intrigue : il s’agit de la partie de la pièce qui s’étend entre le moment où, après l’exposition, le conflit se noue dans une confrontation ou à la suite d’un événement extérieur, et le moment où, après la péripétie, il se dénoue. Le nœud se situe, en un mot, entre l’exposition et le dénouement, au moment où apparaît l’obstacle qui détermine le conflit. Le mot (qui traduit le grec dèsis, « action de lier », dans la Poétique d’Aristote, par opposition à lusis, « délier ») suggère bien l’enchevêtrement des fils qui caractérise l’intrigue lorsqu’elle est nouée. Le nœud peut aussi être défini du point de vue de la dynamique de l’action comme moment d’exaspération des conflits entre les actants et donc de la tension dramatique.
nombre. La notion de nombre est centrale en poésie. Les manuels d’art de seconde rhétorique, à la suite des théoriciens antiques, appellent « nombres » des phénomènes qui relèvent du rythme, comme les systèmes de répétitions, les différents mètres, les rapports de quantité syllabique des mots ou groupes de mots, mais aussi l’organisation de la période. C’est un des aspects fondamentaux de la structure signifiante.
nominalisme. Théorie philosophique qui considère que les concepts abstraits n’ont pas de pertinence, qu’ils n’ont d’autre réalité que le mot par lequel nous les désignons, et qu’en cela les abstractions sont des illusions que l'esprit s’invente. C’était tout l’enjeu de ce qu’au Moyen Age on appela la « querelle des universaux ». Mais le nominalisme ne saurait être limité à la descendance intellectuelle de Guillaume d’Occam (début du XIVe siècle), et bien des penseurs et écrivains modernes (Montaigne, Stendhal, Valéry) ont tenu des positions tout à fait comparables à celles du penseur anglais. Les conséquences du parti pris nominaliste sont nombreuses : en mettant en doute la capacité du langage à rendre compte du réel, on tend à affirmer le primat de la connaissance sensible sur l’intellection ; par ailleurs, le nominalisme implique un relativisme au moins langagier - chacun donne aux mots le sens que lui souffle l’irréductible expérience personnelle -qui jette un doute sur la capacité des consciences à communiquer entre elles.
Nouveau Roman. Mouvement littéraire français qui atteignit son apogée dans les années 1950-1960. On regroupe sous l’étiquette « Nouveau Roman » des écrivains aussi différents que Nathalie Sarraute {Le Planétarium, 1959 ; Les Fruits d’or, 1963), Claude Simon {L’Herbe, 1958; La Route des Flandres, 1960), Michel Butor {La Modification, 1957 ; Degrés, 1960), ou Alain Robbe-Grillet {Les Gommes, 1953 ; La Jalousie, 1957), qui en fut le principal théoricien. On leur adjoint souvent Samuel Beckett, Marguerite Duras ou Jean Ricar-dou. Jérôme Lindon et les Éditions de Minuit ont joué un rôle considérable dans l’identification et la promotion du mouvement. L’expression Nouveau Roman a d’abord été employée de façon péjorative au début des années 1950, avant d’être revendiquée par les acteurs du mouvement, notamment à l’occasion du manifeste de Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman (1963). Il eût été néanmoins plus juste de reprendre l’étiquette d’« antiroman », proposée par Sartre en 1948 dans une très remarquable préface à Portrait d’un inconnu de Nathalie Sarraute. En effet, le Nouveau Roman est moins défini par un ensemble de choix esthétiques positifs que par le rejet des préoccupations majeures du roman français hérité du XIXe siècle, comme le personnage, l’intrigue, les idées, le réalisme... Indépendamment de cette simple posture d’avant-garde, les Nouveaux Romanciers ont en commun le désir de renforcer l’aptitude des textes littéraires à rendre pleinement compte de la réalité : celle du monde et des objets chez Robbe-Grillet, des pensées et des sentiments chez Sarraute, des relations sociales et des signes chez Butor, etc. Il s’agit donc pour les Nouveaux Romanciers d’utiliser les fondements du roman (la narration et la fiction) dans le cadre d’une expérimentation visant à explorer les choses, les sensations et les discours, et non plus comme de simples supports à la construction d’un matériel « romanesque ». Le Nouveau Roman ne doit cependant pas être pensé indépendamment d’autres mouvements artistiques ou intellectuels contemporains, comme le Théâtre de l’absurde (aussi appelé Nouveau Théâtre ou antithéâtre), de la Nouvelle Vague cinématographique, voire de la Nouvelle Critique.
nouvelle. Récit de fiction en prose, de longueur réduite, différent du conte car le matériel narratif de la nouvelle n’est emprunté à aucune tradition (il est nouveau) et différent du roman car la nouvelle est conçue pour une lecture non fractionnée. Cette dernière contrainte a d’importantes conséquences esthétiques : traditionnellement, la nouvelle n’a qu’un fil narratif et présente un nombre réduit de personnages. Elle est souvent construite en vue d’une fin bien préparée. Au Moyen Age, la nouvelle, centrée sur une anecdote unique dont elle s’efforce de dégager une leçon, est toujours présentée en recueils. Elle apparaît en 1414 avec la traduction du Décaméron de Boccace, et, vers le milieu du XVe siècle, les Cent Nouvelles nouvelles se présentent comme un renouvellement de ce recueil. Elle se développe ensuite dans divers cadres et au gré de flottements terminologiques qui n’ont pris fin qu’au XVIIIe siècle : grands recueils avec ou sans récit encadrant (L'Heptaméron de Marguerite de Navarre, 1558), récits enchâssés dans le roman héroïque, récits autonomes. L’âge classique a durablement subi l’influence des Nouvelles exemplaires de Cervantès, traduites en 1615 : le récit-cadre y est abandonné et chaque narrateur devient autonome. Le traducteur de Cervantès, François de Rosser, publie ses Histoires tragiques en 1614, Robert Challe Les Illustres Françaises en 1713, et c’est par ce genre que passe alors largement le renouvellement de la fiction : les techniques sont diverses, mais, à la différence du roman, la nouvelle prend les apparences d’une histoire vraie. Depuis la fin du XIXe siècle, on assiste au développement de la « nouvelle d’atmosphère » qui ne privilégie plus la base anecdotique pour son intérêt narratif mais pour sa valeur de révélateur psychologique ou social.
Nouvelle Critique. Dans les années 1950-1970 en France, on a regroupé sous cette étiquette toutes les tentatives de renouvellement des pratiques critiques en opposition avec les approches essentiellement philologiques, biographiques et historiques (critique des sources, histoires des éditions...) qui jouissaient encore d’un très grand prestige, notamment dans les universités. La Nouvelle Critique, nourrie de l’ensemble des sciences humaines (linguistique, anthropologie, sociologie, phénoménologie...), se présente comme un regroupement hétérogène de méthodes d’analyse et de commentaire : narratologie structurale, critique psychanalytique, critique thématique, sociocritique, etc. L’unité de la Nouvelle Critique a cependant été particulièrement affirmée en 1966 à l’occasion de la polémique entre R. Barthes et R. Picard à propos de Racine.
Liens utiles
- Dans ses Réflexions sur le roman, publiées en 1938, le critique Albert Thibaudet distingue les «lecteurs» qui « ne demandent au roman qu'une distraction, un rafraîchissement, un repos de la vie courante» et les «liseurs» pour qui le roman existe « non comme un divertissement accidentel, mais comme une fin essentielle». En vous fondant sur votre expérience personnelle et en vous aidant d'exemples précis, vous direz ce que vous pensez d'une telle distinction.
- Edmond DE GONCOURT écrit, dans la préface des Frères Zemganno (1879) : Le réalisme, pour user du mot bête, du mot-drapeau, n'a pas l'unique mission de décrire ce qui est bas, ce qui est répugnant, ce qui pue. Il est venu au monde aussi, lui, pour définir dans de « l'écriture artiste » ce qui est élevé, ce qui est joli, ce qui sent bon, et encore pour donner les aspects et les profils des êtres raffinés et des choses riches : mais cela en vue d'une étude appliquée, rigoureuse et non con
- La nouvelle critique
- Maupassant répond dans une préface à une critique dénonçant le pessimisme de son roman Pierre et Jean quant à la vision de l'homme et de la femme, et leur présence au monde.
- On a souvent critiqué l'identification du lecteur aux personnages de roman. Dans quelle mesure cette critique vous semble-t-elle justifiée ?