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moralité morphème morphologie motif/thème motif rhétorique muzain mystère mythe/mythème

moralité. Genre dramatique de la fin du Moyen Age et de la Renaissance (XIVe - XVIe siècle), de type allégorique, dans lequel les personnages sont des personnifications de notions abstraites : valeurs morales (Vertus et Vices), entités diverses (la Mort, les Maladies, l’Argent, l’Age d’or, le Temps, la Grâce de Dieu, etc.), voire groupes sociaux (Tout le Monde, Chacun, Pécheur, Pauvre Peuple...). L’action suit les schémas traditionnels de l’allégorie narrative médiévale : pèlerinage de vie humaine, psychomachie, vicissitudes de la vie (roue de Fortune). Les personnages portent un costume et des attributs symboliques, qui permettent de les identifier d’emblée. C’est un théâtre conventionnel, qui vise exclusivement à l’édification : son but est l’enseignement de la morale chrétienne, et gravite autour de la question du choix entre le Bien et le Mal {Moralité de Bien Advisé et Mal Advisé, Moralité des Quatre Ages, Moralité des Povres Deables). Le personnage du Fol apparaît fréquemment pour fustiger la folie du monde (thème de la sagesse des fous dans un monde à l’envers), ce qui place certaines moralités aux frontières de la sottie. Quelques-unes profitent de la relative neutralité des figures allégoriques pour développer à couvert une véritable satire politique ou sociale et se faire l’écho des doléances du peuple contre les puissants. Il existe également des formes parodiques, dites Moralités joyeuses, dont l’esprit se rapproche plus encore de celui de la farce et de la sottie.

Moralité. Genre dramatique médiéval à visée didactique, qui disparaît au XVIe siècle. C’est une leçon de morale, pathétique ou attendrissante. Ex : Bien avisé, mal avisé (1439). Confrontés à cinquante-neuf personnages allégoriques : Raison, Obéissance, Foi, etc., les deux héros « Bien avisé » et «Mal avisé» incarnent l’un la vertu, l’autre le vice, et finiront respectivement au paradis et en enfer. Fort appréciées en leur temps, ces moralités sont injouables aujourd’hui car le personnage allégorique nous apparaît froid et sentencieux.

morphème. En lexicologie, on appelle morphème toute composante d’une unité lexicale à laquelle est attribuée une valeur sémantique stable : dans « chantons », on distingue deux morphèmes : le premier chant- désignant une action, le second -ons précisant le sujet de l’action (nous). C’est par la commutation que l’on fait apparaître les différents morphèmes qui composent un mot : chant- peut par exemple commuter avec pari- (« parlons »), -ons peut aussi commuter avec -ez « cnantez ». Le mot théâtre est composé d’un seul morphème (je ne peux attribuer un sens indépendant à thé- ou à -âtre, ni rien combiner sur cette base), alors que le sens du mot pédiatre (« médecin pour les enfants ») est issu de la combinaison du sens de ses deux morphèmes : péd- (« enfant »), -iatre (« médecin »), chacun de ses deux morphèmes pouvant d’ailleurs entrer, sans changer de sens, dans d’autres combinaisons (« pédagogue », « psychiatre »).

morphologie. Partie de la linguistique qui étudie la formation des unités lexicales ; l’unité de base de la morphologie est le morphème. On parle plus précisément de morphologie lexicale quand il s’agit d’observer la formation des mots (dérivation et composition), de morphologie grammaticale quand il s’agit d’étudier les marques de flexion (genre, nombre, personne...). Par extension, on parle parfois de morphologie pour la partie de la critique littéraire qui s’attache à faire apparaître les unités invariantes qui se combinent dans les œuvres et tout particulièrement dans les textes narratifs.


motet (n. m., dérivé de « mot »). Genre médiéval : chant à deux voix, d’abord en latin, puis, à partir du début du XIIIe siècle, en français. Les strophes sont hétérométriques, sur deux rimes.

motif/thème. Alors que le thème est une notion qui rend compte de manière globale et souvent abstraite de l’œuvre (par exemple « L’Horloge » de Baudelaire a pour thème le temps qui fuit), le motif est un élément plus circonscrit et plus concret, qui a une fonction précise, ainsi le spectre de la Mort dans nombre de poèmes de Baudelaire. motif rhétorique. Nom donné, dans les études sur les chansons de geste, aux stéréotypes d’expression, par opposition aux stéréotypes de diégèse dénommés motifs narratifs. Une même action est relatée d’une façon toujours semblable, avec seulement de légères variantes lexicales ou syntaxiques, au moyen de formules stéréotypées qui actualisent le cliché. Ainsi, le motif rhétorique de l’attaque à la lance comprend sept éléments dans sa forme canonique : éperonner le cheval, brandir la lance, frapper, briser l’écu de l’adversaire, rompre son haubert (sa cotte de mailles), lui passer la lance au travers du corps/le manquer, l’abattre de son cheval. Certains éléments connaissent des variantes qui sont autant d’options narratives : l’écu est ou n’est pas complètement transpercé, le haubert se rompt ou ne se rompt pas, etc. Parmi es motifs les plus répandus au XIIe siècle, on peut citer : ’attaque à la lance (Roland, v. 1197-1205...), le chevalier sous les armes (Roland, v. 682-684...), le rire (Charroi de Nîmes, v. 44...), les menaces et insultes (Couronnement de Louis, v. 1030-1034...), la lamentation funèbre (Roland, v. 350-356...), les « prières du plus grand péril » prononcées par le héros au cœur du danger ou au moment de mourir (Roland, v. 3100-3109...). On distingue quatre formes distinctes du motif rhétorique : la forme canonique ou moyenne (où tous les clichés sont énoncés), la forme ornée (où ils sont développés en vue de l’amplification), la forme brève ou squelettique (les clichés sont remplacés par une simple énonciation générale), la forme disjointe (un élément étranger au motif vient s’intercaler). Certains motifs, comme le rire, se réduisent généralement à la forme squelettique {s'en a un ris geté).


mot-valise. Mot composé inventé par Lewis Carroll ; il désigne un terme néologique fabriqué en rattachant par leurs éléments communs deux mots différents. On trouve par exemple s'y crucifige («s’y crucifie » + « s’y fige ») dans ces vers de Laforgue :
Yeux des portraits ! Soleil qui, saignant son quadrige, Cabré, s’y crucifige !

muzain (n. m.). Forme poétique rare, formée d’un quatrain suivi d’un quintil.

mystère. Genre dramatique religieux de la fin du Moyen Age (XIVe - milieu XVIe siècle), qui transpose sur la scène la vie entière d’un saint, un ou plusieurs livres de la Bible, ou des épisodes essentiels de la vie du Christ (les nombreux Mystères de la Passion, d’Eustache Marcadé, Arnoul Gréban ou Jehan Michel, les Mystères de la Résurrection) ou des Apôtres. Le texte sacré devient prétexte à une prolifération de tons et de registres, du religieux au comique et au fantastique des diableries, en passant par les scènes de torture : il doit donner des exemples de vie, instruire et pour cela inviter le public à s’identifier aux situations présentées sur la scène, et dont l’enjeu est le salut de l’âme. La représentation d’un mystère était une entreprise d’une très vaste envergure, qui pouvait s’étendre sur plusieurs jours en raison de la longueur des textes (62 000 vers pour le Mystère des Actes des Apôtres) et se présentait comme un spectacle total, avec des dizaines, voire des centaines de personnages. Elle a été définitivement interdite par le Parlement de Paris en 1548, en raison des troubles causés à l’ordre public. Du point de vue scénographique, tous les espaces étaient visibles simultanément (pas de changements de décor) : une ville, une montagne, la chambre de Marie, le Paradis, la gueule de l’Enfer, pour ne citer que les principaux lieux topiques.


mythe/mythème. Récit fabuleux transmis par la tradition, le mythe, contrairement à la légende qui a une portée très limitée (elle est attachée à un lieu par exemple), a vocation à une signification universelle (cosmologique, métaphysique ou anthropologique). Les mythes s’organisent en cycles, qui forment à leur tour de vastes ensembles, des mythologies, qui fondent l’imaginaire des cultures dites traditionnelles. La littérature française a abondamment puisé dans la mythologie biblique, gréco-latine et, dans une moindre mesure, celtique. Au-delà de l’allusion poétique à telle figure, du retraitement dramatique de tel récit mythique, la littérature a pu aussi prétendre nourrir ou doubler la mythologie nationale (univers rabelaisien, théâtre de Maeterlinck). L’analyse structurale des mythes a tenté de mettre en évidence les récurrences thématiques et formelles qui les organisent. Cl. Lévi-Strauss a proposé d’appeler mythème (par analogie avec phonème, morphème...) tout trait ou tout schéma qui apparaît dans un certain nombre de récits mythiques : le mythème (amour incestueux) est présent dans le mythe d’Œdipe, d’Électre, de Lot...

Mythe. Récit relatant des événements situés dans des temps légendaires et transmis par la tradition orale sous diverses versions. Vu l’origine incertaine des mythes, il n’est pas de version authentique. Chaque mythe se définit par l’ensemble de ses versions.
Lévi-Strauss, fondateur de l’anthropologie structurale, a constaté que, malgré leur extrême diversité, les mythes se reproduisent avec les mêmes caractères dans diverses régions du monde qui n’ont pas forcément eu de contact entre elles. Le mythe du déluge, par exemple, est quasi universel. On le trouve dans l’épopée sumérienne de Gilgamesh (écrite 1800 ans av. J.-C.), dans la Bible, dans les récits des Indiens d’Amérique latine que Lévi-Strauss a recensés, etc. Aussi Lévi-Strauss a-t-il voulu établir une syntaxe du mythe. Son analyse repose sur le postulat qu’un mythe ne tire pas son sens d’institutions contemporaines ou archaïques dont il serait le reflet, mais de la position qu’il occupe par rapport à d’autres mythes au sein d’un groupe de transformations.
Le mythe, selon Lévi-Strauss, a pour fonction d’être un instrument qui permet de résoudre une question insoluble. Aussi la littérature, qui est questionnement sur l’existence, est-elle nourrie de mythes, antiques pour la plupart (ex. : le mythe d’Œdipe), bibliques (ex. : le mythe de la Tour de Babel), quelquefois celtes (ex. : le mythe du Graal). Elle trouve, dans le récit fabuleux que lui offre le mythe, une intrigue extraordinaire, qu’elle peut remanier à sa guise, et des personnages hors du commun (dieux ou héros). Les Temps modernes ont forgé peu de mythes, sans doute parce que les questions posées apparaissent aujourd’hui insolubles. On ne peut guère citer que le mythe de Don Juan (créé par Molière à partir de matériaux issus de la pièce de Tirso de Molina, auteur baroque espagnol) et celui de Faust (créé par Marlowe, auteur dramatique élisabéthain, à partir d’un récit narrant la vie d’un personnage réel).

• Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958, chap. 11, « La Structure des mythes »; Albouy P., Mythes et mythologies dans la littérature française, Paris, A. Colin, 1968.




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