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chantefable. Au Moyen Âge, forme mixte comprenant des parties chantées (en vers) et des parties narratives en prose. Le seul exemple connu est Aucassin et Nicolette (fin XIIe-début XIIIe siècle), dont l’épilogue emploie ce terme. Certains critiques ont pensé que la chantefable pouvait être destinée à la scène. La musique des parties chantées a été conservée par le manuscrit unique d'Aucassin.

Chantefable. Genre médiéval où alternent passages narratifs en prose et laisses lyriques chantées en vers assonancés de sept syllabes. L’ensemble est entrecoupé de dialogues et de monologues. Le seul exemple qui nous soit parvenu, Aucassin et Nicolette, date du début du XIIIe siècle. Ce roman où l’on chante est une forme mixte, à la fois narrative et lyrique, caractéristique d’une époque de transition où la littérature, qui commence à se fixer par écrit, est encore souvent véhiculée oralement. Le genre, qui semblait mort, retrouve vie en 1944, grâce au recueil de poèmes de Desnos intitulé Trente Chantefables pour les enfants sages.

chevaleresque (idéologie). Au Moyen Âge, il faut distinguer l’idéologie chevaleresque de l’idéologie courtoise. L’idéologie chevaleresque s’est dégagée progressivement, depuis l’époque carolingienne, de idéologie royale dont elle a repris, dans une période d'affaiblissement du pouvoir du roi, les grands impératifs énoncés dans le serment du sacre : respect de la justice, humilité, obligation de mettre la force de l’épée au service de l’Église, des faibles, des veuves, des orphelins ; elle représente une militia, une milice, instaurée par Dieu, qui combat la malitia des mauvais chevaliers (saint Bernard). C’est une idéologie d’inspiration cléricale, alors que l’idéologie courtoise est d’inspiration laïque : elles ne se sont rencontrées qu’au XIIe siècle, lorsque les vertus de largesse, de respect de la parole donnée, de sociabilité sont venues s’ajouter aux vertus religieuses. À la fin du XIIe siècle et au XIIIe siècle, l’idéologie chevaleresque retrouve, avec le rituel de l’adoubement (remise des armes), son inspiration religieuse fondamentale : veillée d’armes dans une église, bénédiction de l’épée, rituel qui fait de la chevalerie un ordre à vocation spirituelle {Ordene de chevalerie).

chevalerie. Outre ses trois sens ordinaires d’« ensemble des chevaliers », de « valeurs attachées à la condition de chevalier » et d’« exploits chevaleresques », le terme est utilisé au Moyen Âge en littérature, et particulièrement dans la littérature épique, pour désigner un récit relatant les exploits accomplis par le héros à l’âge où il est fait chevalier, c’est-à-dire à la frontière entre l’adolescence et l’âge mûr : Chevalerie Vivien, Chevalerie Ogier de Danne-marche. Les chansons de chevalerie font généralement suite à des chansons d'enfances.

Cheville. Élément linguistique du vers dont la présence n’est justifiée que par la nécessité prosodique (décompte des syllabes), mais non par une nécessité syntaxique ou sémantique. chiasme (n. m., du grec khiazein, « disposer en forme de khi — c’est-à-dire de X »). Figure de symétrie telle qu’aux deux éléments linguistiques de nature quelconque A et B succède leur inversion : d’où ABBA. Les rimes embrassées sont une forme que peut emprunter le chiasme. Exemple de chiasme entre catégories grammaticales : Le sein martyrisé d’une antique catin (Baudelaire). N. Adj. Adj. N.

chœur. Le chœur (en grec khoros, en latin chorus) désigne un groupe de chanteurs, danseurs et/ou acteurs non individualisés qui prennent part à un spectacle en intervenant collectivement. Le chœur incarne généralement une force symbolique ou représente une communauté morale ou sociale (la cité, les victimes). Ses interventions dans le théâtre grec sont codifiées : il évolue dans l’orchestra, il commente l’action. Le coryphée dialogue en son nom avec les personnages. C’est parfois d’après lui que les pièces sont dénommées : Les Troyennes, Les Choéphores. Le théâtre médiéval, le théâtre de la Renaissance ont eu recours au chœur dans des rôles variés (intermèdes, narrateur). Le classicisme français ne lui a guère fait de place, à quelques exceptions près, comme Racine dans Athalie et Esther. Il ressurgit cependant dans le théâtre contemporain où il assume diverses fonctions et, bien sûr, il a un rôle essentiel dans l’opéra.

chronique universelle. Au Moyen Âge, la chronique universelle est un genre littéraire relatant l’histoire du inonde depuis la Création, et entremêlant, pour les périodes anciennes, les événements bibliques avec l’histoire des peuples païens (Grecs, Troyens, Assyro-Babyloniens, etc.). Ses modèles sont les chroniques d’Eusèbe de Césarée et d’Orose (début et fin du IVe siècle ap. J.-C.). Leur ambition est toujours de descendre jusqu’à l’histoire contemporaine, mais beaucoup s’interrompent bien avant. Le latin est, jusqu’au XIVe siècle, la seule langue utilisée. Ce genre ne meurt pas avec le XVIe siècle. Mais de plus en plus, sous ce nom, ce sont des Histoires de France que l’on publie. L’Histoire universelle de D’Aubigné (1618-1619) ne s’occupe que d’un demi-siècle (1550-1602). L’extension dans l’espace remplace l’extension dans le temps.

chute. 1. La fin d’une phrase ou d’une période oratoire, sur laquelle la voix « tombe » et où l’on rencontre souvent un trait brillant, un paradoxe, une surprise, est appelée la chute. De même, la fin de certains poèmes où elle résout une question, une énigme ou propose un retournement soudain. 2. Au théâtre, la chute d’une pièce, c’est son échec public lors de sa représentation. A la Comédie-Française, sous l’Ancien Régime, une pièce est dite « tombée dans les règles » lorsque la recette est inférieure à 1 200 livres en hiver et à 800 livres en été : elle appartient alors aux comédiens, qui sont dégagés de toute obligation financière vis-à-vis de l’auteur, quel que soit le bénéfice réalisé ultérieurement.

cicéronianisme. Ce terme désigne l’imitation exclusive, en latin, du style de l’orateur romain Cicéron (106-43 av. J.-C.), dont les discours et les traités théoriques {De oratore, Brutus, Orator) fondaient toute la réflexion et l’apprentissage de la langue savante et oratoire, depuis l’Antiquité, ce qu’avait renforcé la tradition humaniste dans toute l’Europe. La pureté du style est liée à l’usage exclusif du vocabulaire utilisé par Cicéron, et on apprend par cœur les tournures et les périodes tirées de ses discours, pour les .réutiliser à nouveau dans le contexte moderne. A ce titre, le cicéronianisme est la version scolaire du classicisme, et il a formé des générations d’écrivains jusqu’au cœur du XVIIIe siècle (Voltaire, élève des jésuites, a appris à écrire en lisant Cicéron). Devenu un purisme étroit dès le XVIe siècle, il a été critiqué, notamment par l’humaniste hollandais Érasme, qui dénonce, dans son dialogue Le Cicéronien, les abus d’une telle imitation scolaire, dont la conséquence est l’inadaptation de la langue savante aux réalités modernes (et surtout chrétiennes). Par la suite, en tant que synonyme d’un style oratoire ample et périodique, le cicéronianisme a souvent été opposé au style bref et coupé imité du philosophe Sénèque ou de l’historien Tacite.


classicisme. Ce terme désigne couramment la période de la littérature française contemporaine du règne personnel de Louis XIV (1661-1715), et plus particulièrement les années 1660-1685, où fleurissent les œuvres des auteurs « classiques », tels que la tradition scolaire les a fixés : Molière, Racine, Boileau et La Fontaine. En réalité, l’usage du substantif est tardif, car il n’y a pas eu à proprement parler d’« école de 1660 » ; c’est au XVIIIe siècle que l’on commence à désigner ces auteurs comme des classiques. L’usage du terme s’est développé à l’occasion des querelles littéraires du XIXe siècle, avec l’avènement du romantisme : selon Stendhal, qui est l’inventeur du mot, le « romanticisme » est le fait des écrivains qui veulent plaire au public de leur temps, alors que le classicisme caractérise ceux qui veulent « plaire à leurs arrière-grands-pères » {Racine et Shakespeare, 1823). Selon ses défenseurs (Nisard, Lanson, Brunetière), le classicisme serait donc un âge de maturité et d’équilibre, qui ne pourrait être suivi que par une décadence. Ce schéma historique s’explique par l’idéal même qui fonde la pensée des auteurs classiques : on se représentait alors l’histoire des civilisations selon un modèle cyclique, où le flambeau des lettres et des arts, accompagnant la suprématie militaire et politique, passait de main en main au fil des siècles. Cette théorie des « siècles » sera reprise par Voltaire quand il écrira Le Siècle de Louis XIV, qui célèbre justement cette époque. C’est ce schéma à la fois historique et organique (naissance, jeunesse, maturité, vieillesse) qui explique en grande part la façon dont on a perçu ensuite le classicisme français.
Le classicisme pose d’abord le problème de la langue : il s’agit de se définir par rapport à la langue mère, le latin, qu’ont illustré les grands « classiques » de l’âge d’or romain, Cicéron, Virgile et Horace. L’effort de la génération de Vaugelas et de Guez de Balzac culmine avec la fondation de l’Académie française en 1635 : la pureté et la clarté qui caractérisent le style classique sont donc avant tout des critères linguistiques. Cet effort grammatical s’appuie sur la norme du bon usage, qui est la « façon de parler de la plus saine partie de la cour, conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps » (Vaugelas). Cela a conduit à une réduction du lexique : on condamne les termes techniques, populaires, et tout le vocabulaire qui concerne les métiers ou les savoirs précis. Pour créer cette langue moderne, les auteurs français pratiquent l’imitation des auteurs anciens, que l’on conçoit sur le mode de l’« émulation » (Guez de Balzac) et non comme une simple copie. Cela explique la référence constante à l’Antiquité que l’on trouve dans l’art classique : grands Romains chez Corneille, mythologie chez Racine, fables d’Ésope chez La Fontaine. L’autre aspect frappant du classicisme est l’effort de liaison entre littérature et morale : il s’agit, comme disait le poète Horace, de « mêler l’utile à l’agréable » (miscere utile dulci). En liant cette double exigence à la définition d’un public idéal, les classiques finiront par répéter que la seule règle est de plaire, même si l’on y parvient en dépit des règles. Car la prétendue « doctrine classique » est notamment celle qui impose des règles : unités de lieu, de temps et; d’action au théâtre, puis dans le roman ; souci de vraisemblance et de bienséance ; mais le classicisme est aussi constitué par une série de refus, refus du merveilleux invraisemblable, refus de l’outrance métaphorique et des hyperboles, refus de la confusion ou de la trop grande densité du style. Le juste équilibre s’exprime par e « je-ne-sais-quoi », et par l’affirmation d’une esthétique de la grâce, qui est la beauté en mouvement, et qui accepte une part d’irrégularité et de surprise. L’autre maître mot de cette esthétique est celui de nature, qui va de pair avec la grâce : opposé à l’effort stylistique trop visible, le naturel, sans nier cet effort, cherche à le dissimuler. Le bon style est alors celui qui semble jaillir de lui-même, et qui paraît nous mettre en contact directement avec l’écrivain. Cet idéal a été brillamment illustré par les lettres de la marquise de Sévigné, mais on le trouve partout, chez Pascal notamment et chez Molière (qui en fait un des secrets de son jeu théâtral) ; il sera l’idéal de style du roman classique. Le caractère insaisissable de cette qualité rejoint un autre pôle de la doctrine classique : la théorie du sublime qui dissocie l’efficacité du discours de l’application mécanique des règles et des niveaux de style. Nuançant ainsi l’assimilation fréquente du classicisme à un simple ensemble de règles strictes et stériles, le sublime et le naturel, sur lesquels la critique contemporaine a remis l’accent, apportent au classicisme une essentielle dimension de liberté.



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