Y a-t-il des lectures inutiles ?
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«
Introduction
• Définition des termes :
— lecture : ce qu'on lit; littérature, ouvrages de sciences, de technique, d'art, journal, revue...
;
— inutile : tout ce qui ne sert à rien, n'offre aucun profit, aucun avantage, qui ne comporte pas d'application.
• Le problème de l'utilité de la lecture, à notre époque qui se veut, plus que toute autre, utilisatrice, donne souvent
naissance à deux attitudes antinomiques et sans nuances.
• Pour les uns la lecture est une perte de temps, une espèce d'alibi pour échapper au réel, d'où une gloriole chez
certains à affirmer : « Moi je ne lis pas, cela ne sert à rien.
»
• Pour d'autres, la lecture au contraire est revêtue d'un caractère sacré : c'est l'accès à toute connaissance, le
propre des intellectuels, qui grâce à elle dominent, croit-on, les autres (Cf.
la place des scribes en Egypte ou des
clercs au Moyen Âge).
• Ces deux positions extrêmes ont le mérite d'attirer notre attention sur le problème de la valeur de la lecture, qui,
dans nos pays occidentaux où l'alphabétisation est de règle en général, n'attire plus guère l'attention.
• Précisions en deux questions (ou trois) sur le plan que l'on se propose de suivre.
I.
Certaines lectures sont inutiles
• ...
ou en tout cas nous les ressentons ainsi.
• Analyse de ce que nous éprouvons dans ce cas : la sensation d'avoir perdu notre temps pour un livre qui ne nous
a rien apporté : ni connaissance, ni jouissance, ni sentiment d'admiration ou de désapprobation...
• ...
la lecture n'a donc servi à rien? et il ne nous reste qu'une brève honte d'avoir cédé à une tentation vaine.
• Quels sont les cas où nous sommes pénétrés du sentiment d'inutilité? Très souvent il s'agit...
• ...
d'un problème de fond :
• Genres conventionnels comme les romans romanesques dits « à l'eau de rose », d'un romanesque échevelé et
facile, œuvres où les personnages sont stéréotypés — l'intrigue suivant toujours la même courbe —, la psychologie
primaire et un peu bêtifiante.
• Cf.
la manière dont FLAUBERT a fustigé ces sottises dans Madame Bovary, en montrant aussi les dégâts qu'elles
peuvent provoquer chez des esprits chimériques ou un peu bornés.
• Les livres et journaux à sensation, de même, qui flattent les instincts les moins nobles de l'homme : le goût de la
violence, la curiosité malsaine, la pornographie basse.
• « L'homme n'est ni ange ni bête » (PASCAL), mais réduire l'humanité à ses seuls appétits est non seulement faux,
mais risque de devenir dangereux pour l'être humain et pour la société : contagion par l'exemple, tel le mythe du
mauvais garçon au grand coeur...
• À ce problème de fond s'ajoute le plus souvent...
• ...
le problème de forme :
• La plupart du temps, en effet, ces types d'ouvrages sont...
• ...
écrits dans une langue indigente;
• dans un style prétentieux, plein de clichés.
Voir la parodie qu'en fait MOLIERE dans Les Femmes savantes (sonnet
de Trissotin) ou Le Misanthrope (sonnet d'Oronte) ;
• avec un vocabulaire pauvre, lourd et souvent incorrect.
L'auteur se contente d'à peu près et choisit les termes à
la mode pour flatter son public.
Tout en effet repose sur la démagogie qui permet d'acquérir de nombreux lecteurs.
• À l'opposé nous trouvons la langue volontairement hermétique d'intellectuels estimant qu'une certaine obscurité
est une marque assurée de qualité.
• Ils multiplient les néologismes, se perdent dans un galimatias affecté d'où le lecteur sort épuisé, sans avoir rien
compris : malgré des qualités indéniables, certains créateurs du nouveau roman (PIVIDAL) ou de la nouvelle
philosophie (B.-H.
LEVY) sont guettés par cet écueil.
• D'où la lecture devient dans ce cas tout à fait inutile aussi et en contradiction avec une grande partie de la
tradition française pour laquelle : « ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement ».
(BoiLEAU)
• Il semble donc que plusieurs types de lectures puissent être écartés sans aucun dommage pour l'esprit humain,
étant donné qu'elles ne lui apportent rien et peuvent même dans certains cas lui être nuisibles.
• Mais ces lectures qui — pense-t-on — n'apportent rien, n'ont-elles cependant pas parfois une utilité restreinte,
secrète, possible?
II.
L'apport de toute lecture
A.
Une lecture peut-elle être entièrement inutile ?
• Même lorsqu'il s'agit d'une lecture vaine, il est certaines catégories de personnes pour lesquelles toute lecture est
bonne : ce sont les « boulimiques » de lecture.
Ainsi SIMONE DE BEAUVOIR s'intitule-t-elle, avouant lire avec la
même avidité tout ce qui est écrit, du meilleur au plus mauvais.
• Il existe, en effet, les maniaques de la lecture, pour lesquels c'est une espèce de besoin quasi physique.
Besoin,
soit de faire marcher l'intellect, soit d'évasion et de paix solitaire.
La lecture ne saurait, dans ces cas, être inutile.
• D'autre part, la notion d'inutilité est quelque chose de très relatif : même dans un roman historique de mauvaise
qualité, l'historien pourra trouver matière à s'intéresser ou à s'indigner par exemple...
Telle description exotique
pourra plaire au géographe ou le faire réagir...
On rencontrera et soi-même et ce dont on a besoin...
• Chacun ne trouve pas le même intérêt qu'autrui dans tel ou tel ouvrage.
On peut finir par découvrir quelques
bribes utiles dans les plus mauvais livres..
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