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VOLTAIRE: Jeannot et Colin

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VOLTAIRE: Jeannot et Colin Madame fut entièrement de l'avis du gouverneur. Le petit marquis était au comble de la joie ; le père était très indécis. "Que faudra t-il donc apprendre à mon fils ? disait-il - À être aimable, répondit l'ami que l'on consultait ; et s'il sait les moyens de plaire, il saura tout : c'est un art qu'il apprendra chez madame sa mère, sans que ni l'un ni l'autre se donnent la moindre peine." Madame, à ce discours, embrassa le gracieux ignorant, et lui dit : "On voit bien, monsieur, que vous êtes l'homme du monde le plus savant ; mon fils vous devra toute son éducation : je m'imagine pourtant qu'il ne serait pas mal qu'il sut un peu d'histoire. - Hélas ! madame, à quoi cela est-il bon ? répondit-il ; il n'y a certainement d'agréable et d'utile que l'histoire du jour. Toutes les histoires anciennes, comme le disait un de nos beaux esprits, ne sont que des fables convenues ; et pour les modernes, c'est un chaos qu'on ne peut débrouiller. Qu'importe à monsieur votre fils que Charlemagne ait institué les douze pairs de France, et que son successeur ait été bègue.

« PLAN DE DISSERTATION En ce qui concerne la première question, on distinguera l'art du conteur et d'autre part l'art de l'écrivain satirique.

La seconde comporte quelques remarques précises, mais brièvement développées, ayant pour objet de faire ressortir l'utilité de l'histoire dans l'éducation, c'est-à-dire le profit qu'en peut tirer l'enfant au point de vue intellectuel, moral et civique. Molière s'était déjà moqué de la prétention qu'avaient certaines personnes de qualité « de savoir tout sans avoir jamais rien appris ».

Voltaire reprend ce thème en le modifiant quelque peu ; car ce qu'il raille ici chez ces mêmes personnes, ce n'est pas la prétention de tout savoir sans aucune étude, mais le mépris élégant qu'elles professent à l'endroit du savoir. I.

Au point de vue narratif, l'art de Voltaire se caractérise : 1.

par la célérité du récit qui court, sans effort apparent, d'un détail à un autre (Madame est de l'avis du gouverneur — le petit marquis est heureux — le père hésite et pose une question — la réponse part, etc.) ; 2.

par l'amusante ébauche des caractères prêtés à chacun des personnages (Madame est une mondaine superficielle et qui gobe très bien les compliments — son fils est un petit paresseux, car il est ravi à la pensée de n'avoir rien à faire — l'aimable ignorant sent l'homme de cour qui (s'entend à flatter la vanité d'autrui, etc.). II.

Au point de vue satirique, l'art de Voltaire se caractérise : 1.

par le don de faire sortir tel ou tel défaut du jeu même des caractères, en nous laissant le plaisir de le deviner (Voltaire ne nous dit pas que l'aimable ignorant est un flatteur, mais il met la flatterie dans sa bouche ; il ne dit pas que Madame est vaniteuse, mais elle le montre assez en embrassant son complimenteur, etc.) ; 2.

par la façon dont il sait rendre une opinion ridicule en la faisant soutenir par un de ses personnages à l'aide d'arguments sans valeur (que l'histoire ancienne est de fables — que l'histoire moderne est trop compliquée et par surcroît pleine de détails insipides, etc.). III.

La vérité est que l'histoire a une grande valeur éducative : 1.

au point de vue intellectuel a.

en donnant à l'enfant la connaissance du passé et des nations que ce passé a vu naître, grandir et tomber, celle des grands événements qui ont affecté chacune d'elles, celle de leurs lois, dé leurs mœurs, de leurs coutumes, etc.

; b.

en l'habituant à raisonner sur ces faits et à en dégager des idées (sur la forme des gouvernements, sur les causes de la grandeur et de la décadence d'un pays, etc.) ; 2.

au point de vue moral a.

en faisant détester à l'enfant le mal sous toutes ses formes, et « en faisant servir les vices mêmes des méchants à l'instruction des bons » ; b.

en éveillant d'autre part dans son âme une généreuse admiration pour les belles actions dont l'histoire offre le spectacle ; 3.

au point de vue civique, en lui apprenant a.

à apprécier ou à craindre les pays étrangers en rapports avec le sien ; b.

à aimer le sien dans ses vertus et à redouter pour lui des fautes ou des erreurs qui lui ont été autrefois funestes. Conclusion : Voltaire a donne ici, sous la forme d'un badinage agréable, une utile leçon aux ignorants de tous les temps, qui, trop paresseux d'esprit pour s'intéresser à l'histoire, se tirent d'affaire en la méprisant.. »

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