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Vladimir Maïakovski

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L'oeuvre de Vladimir Maïakovski, bien qu'âprement discutée, a marqué de son empreinte toute la jeune poésie soviétique. Qu'on la tienne pour la manifestation la plus éclatante de l'esprit révolutionnaire, ou qu'au contraire on y déplore un certain conformisme, nul ne lui reste indifférent. Maïakovski fit irruption dans les cénacles littéraires de Saint-Pétersbourg peu avant la guerre de 1914. C'était alors un grand et beau garçon, curieusement affublé d'une veste de coton jaune vif au col largement ouvert, très bruyant, très sûr de lui-même, affectant un mépris souverain pour les gloires du passé les mieux assises. Le futurisme russe venait de naître et Maïakovski en était le porte-parole, le flambeau, sinon le cerveau et l'âme. Dans une plaquette restée célèbre et intitulée Gifle aux goûts du public, lui et ses camarades proclamaient leur volonté d'en finir une fois pour toutes avec les Pouchkine et les Tolstoï en les précipitant "par-dessus les bords du bateau des temps modernes". Le groupe très restreint dont Maïakovski faisait partie avait ajouté au titre commun de futuriste la particule de "cubo" pour souligner qu'il se sentait plus proche du cubisme français que des thèses quelque peu simplistes de l'Italien Marinetti, généralement considéré comme pro moteur du mouvement. Les "cubo" s'adonnaient à des audacieuses recherches et innovations verbales sous l'impulsion de Khlebnikov, poète doué d'un sens aigu du langage, abîmé dans un rêve ininterrompu, nullement "homme de lettres", taciturne, énigmatique, timide, et dont tous ceux qui l'approchaient reconnaissaient le charme étrange et douloureux. Maïakovski lui-même s'effaçait devant lui, assuré qu'il était de se rattraper dans un autre domaine.

« Vladimir Maïakovski L'oeuvre de Vladimir Maïakovski, bien qu'âprement discutée, a marqué de son empreinte toute la jeune poésie soviétique.

Qu'on la tienne pour la manifestation la plus éclatante de l'esprit révolutionnaire, ou qu'au contraire on y déplore un certain conformisme, nul ne lui reste indifférent. Maïakovski fit irruption dans les cénacles littéraires de Saint-Pétersbourg peu avant la guerre de 1914.

C'était alors un grand et beau garçon, curieusement affublé d'une veste de coton jaune vif au col largement ouvert, très bruyant, très sûr de lui-même, affectant un mépris souverain pour les gloires du passé les mieux assises.

Le futurisme russe venait de naître et Maïakovski en était le porte-parole, le flambeau, sinon le cerveau et l'âme.

Dans une plaquette restée célèbre et intitulée Gifle aux goûts du public, lui et ses camarades proclamaient leur volonté d'en finir une fois pour toutes avec les Pouchkine et les Tolstoï en les précipitant "par-dessus les bords du bateau des temps modernes". Le groupe très restreint dont Maïakovski faisait partie avait ajouté au titre commun de futuriste la particule de "cubo" pour souligner qu'il se sentait plus proche du cubisme français que des thèses quelque peu simplistes de l'Italien Marinetti, généralement considéré comme pro moteur du mouvement.

Les "cubo" s'adonnaient à des audacieuses recherches et innovations verbales sous l'impulsion de Khlebnikov, poète doué d'un sens aigu du langage, abîmé dans un rêve ininterrompu, nullement "homme de lettres", taciturne, énigmatique, timide, et dont tous ceux qui l'approchaient reconnaissaient le charme étrange et douloureux.

Maïakovski lui-même s'effaçait devant lui, assuré qu'il était de se rattraper dans un autre domaine. Il cherchait ostensiblement à faire parler de lui et le réussissait sans peine.

Poète-tribun né, il lançait ses vers avec une force extraordinaire, subjuguait les jeunes, irritait les autres par ses insolentes incartades.

On haussait les épaules, mais ses premiers grands poèmes publiés : Simple comme un beuglement, ou le Nuage en pantalon, on dut se rendre compte que c'était là un être exceptionnel, comblé de dons. L'avènement du bolchevisme a été salué par Maïakovski avec joie et espoir.

Il se croyait appelé à être le chantre de l'immense bouleversement qui venait de se produire, et ceci sans renier sa formation futuriste.

En effet, semblait-il se demander, l'extrême-gauche politique s'étant emparée du pouvoir, lui, le tenant de l'extrême-gauche littéraire, n'avait-il pas des droits à faire valoir ? Ce n'était pas du tout l'avis de Lénine, qui se méfiait de toute improvisation en matière de culture. Maïakovski n'insista pas.

Son ralliement au bolchevisme était irrévocable et pour ainsi dire "inconditionné".

Toutefois, le poète semble avoir été intimement déchiré entre son besoin de grandes envolées libres, aux accents tant soit peu anarchistes, et sa détermination de servir une cause qui pratiquement ne lui reconnaissait que le rôle d'auxiliaire dans l'édification d'un ordre social nouveau. Sa renommée, son prestige auprès des jeunes lui valaient de nombreux jaloux.

Il comptait aussi parmi ses adversaires les théoriciens zélés et pédants qui voyaient en le futurisme une forme de décadence bourgeoise, reprochaient à Maïakovski d'en garder le relent et, le cas échéant, pouvaient se réclamer du jugement de Lénine. Vers la fin de sa vie, Maïakovski se montrait très affecté par les attaques incessantes dont les plus sournoises n'étaient sûrement pas dues au souci de fidélité à l'orthodoxie marxiste. Un revirement spectaculaire se produisit peu après sa mort.

Staline, tenant à se montrer plus clairvoyant que Lénine, déclara qu'à son avis Maïakovski était "le meilleur, le mieux doué des poètes de l'époque soviétique".

Le lendemain même, les détracteurs les plus acharnés du disparu se mirent à confesser leur aveuglement et à exalter les splendeurs de l'oeuvre méconnue.

L'hypnose stalinienne semble durer encore.

Car depuis lors on chercherait en vain, dans n'importe quelle publication soviétique, une seule remarque tant soit peu défavorable à Maïakovski.

Tout comme Gorki, il reste hors d'atteinte.

La moindre réserve risque d'être considérée comme lèse-majesté. Essayons donc de voir ce que pourrait être un jugement impartial, et en particulier celui de la postérité. Indiscutablement, Maïakovski avait l'étoffe d'un très grand poète, et par surcroît d'un poète tragique, au sens le plus large du terme.

Ses poèmes de jeunesse surtout aux titres aussi bizarres que ceux déjà cités, parfois résolument provoquants, comme Guerre et Paix, mal en accord avec une inspiration toujours grave , ses poèmes de jeunesse, dis-je, frappent par leur flamme et leurs accents durs, violents, vengeurs.

Par un souffle prodigieux aussi, par un lyrisme sobre et viril, entremêlé de sarcasmes. Et pourtant, très tôt déjà, on arrivait à se demander : pourquoi cette manie des locutions improvisées et loin d'être toujours heureuses ? Elle paraît d'autant plus arbitraire que Maïakovski n'a jamais cherché à "tordre le cou à l'éloquence" et que ses premiers poèmes ne sont que des discours rimés, très éloignés de la savante et subtile alchimie verbale d'un Khlebnikov.

N'oublions pas non plus les innombrables grossièretés à succès facile, les jurons, les injures gratuites. On pourrait donc hésiter à qualifier les premiers poèmes de Maïakovski d e grandes oeuvres.

Mais que ce soient là d'immenses promesses, c'est l'évidence même.

Ces promesses ont-elles été pleinement tenues ? Pasternak, ami et admirateur de Maïakovski, avait parlé avec amertume de ses deux suicides, l'un ayant précédé sa mort physique, et il y a grande chance que son jugement soit confirmé dans l'avenir.

Certes, la maîtrise, le savoir-faire du poète s'étaient très développés avec le temps : rythmes, rimes, assonances, telles épithètes cinglantes faisant penser à une flèche empoisonnée, tout témoigne d'une éclatante maturité littéraire.

Mais on étouffe dans ces longues diatribes et par moments le poète lui-même semble chercher à s'affranchir d'une servitude qu'il a pourtant délibérément acceptée.

Aucune surprise n'est tolérée, aucun mystère n'est admis.

Le poète sait d'avance ce qu'il se permettra de dire et ce qu'il ne dira pas.

Seuls quelques sourds accents de révolte laissent deviner ce qu'aurait pu être une oeuvre dont la flamme dévastatrice a été réglée et réduite afin de ne pas trop trancher sur les exigences d'une société en voie de laborieuse organisation dirigée.

Une sorte de débâcle, somme toute.

Mais de débâcle aux aspects grandioses et qui ne peut manquer d'émouvoir. Maïakovski se suicida le 14 avril 1930, à l'âge de 37 ans.

Sa mort parut d'autant plus surprenante que dans un poème fameux, dédié à la mémoire d'un autre suicidé, Serge Essenine, il avait affirmé qu'un communiste ne devait jamais se tuer.

Sur les raisons qui l'ont amené à se désavouer, on ne sait rien de précis ni de sûr.. »

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