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Victor HUGO (1802-1885) (Recueil : L'année terrible) - Une bombe aux Feuillantines

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Victor HUGO (1802-1885) (Recueil : L'année terrible) - Une bombe aux Feuillantines Qu'es-tu ? quoi, tu descends de là-haut, misérable ! Quoi ! toi, le plomb, le feu, la mort, l'inexorable, Reptile de la guerre au sillon tortueux, Quoi ! toi, l'assassinat cynique et monstrueux Que les princes du fond des nuits jettent aux hommes, Toi, crime, toi, ruine et deuil, toi qui te nommes Haine, effroi, guet-apens, carnage, horreur, courroux, C'est à travers l'azur que tu t'abats sur nous ! Chute affreuse de fer, éclosion infâme, Fleur de bronze éclatée en pétales de flamme, Ô vile foudre humaine, ô toi par qui sont grands Les bandits, et par qui sont divins les tyrans, Servante des forfaits royaux, prostituée, Par quel prodige as-tu jailli de la nuée ? Quelle usurpation sinistre de l'éclair ! Comment viens-tu du ciel, toi qui sors de l'enfer ! L'homme que tout à l'heure effleura ta morsure, S'était assis pensif au coin d'une masure. Ses yeux cherchaient dans l'ombre un rêve qui brilla ; Il songeait ; il avait, tout petit, joué là ; Le passé devant lui, plein de voix enfantines, Apparaissait ; c'est là qu'étaient les Feuillantines ; Ton tonnerre idiot foudroie un paradis. Oh ! que c'était charmant ! comme on riait jadis ! Vieillir, c'est regarder une clarté décrue. Un jardin verdissait où passe cette rue. L'obus achève, hélas, ce qu'a fait le pavé. Ici les passereaux pillaient le sénevé, Et les petits oiseaux se cherchaient des querelles ; Les lueurs de ce bois étaient surnaturelles ; Que d'arbres ! quel air pur dans les rameaux tremblants ! On fut la tête blonde, on a des cheveux blancs ; On fut une espérance et l'on est un fantôme. Oh ! comme on était jeune à l'ombre du vieux dôme ! Maintenant on est vieux comme lui. Le voilà. Ce passant rêve. Ici son âme s'envola Chantante, et c'est ici qu'à ses vagues prunelles Apparurent des fleurs qui semblaient éternelles. Ici la vie était de la lumière ; ici Marchait, sous le feuillage en avril épaissi, Sa mère qu'il tenait par un pan de sa robe. Souvenirs ! comme tout brusquement se dérobe ! L'aube ouvrant sa corolle à ses regards a lui Dans ce ciel où flamboie en ce moment sur lui L'épanouissement effroyable des bombes. Ô l'ineffable aurore où volaient des colombes ! Cet homme, que voici lugubre, était joyeux. Mille éblouissements émerveillaient ses yeux. Printemps ! en ce jardin abondaient les pervenches, Les roses, et des tas de pâquerettes blanches Qui toutes semblaient rire au soleil se chauffant, Et lui-même était fleur, puisqu'il était enfant.

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