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Un critique écrit : « l'oeuvre d'art n'offre jamais une copie minutieuse et servile de la réalité dont elle s'inspire... l'Art est simplification, interprétation, confession ». En vous appuyant sur quelques exemples précis, vous commenterez ce jugement.

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Il représente Jean-Jacques Rousseau la tête inclinée, le regard méditatif comme il convient à un philosophe. Le front sillonné de rides, les sourcils contractés, le visage amer et crispé révèlent la misanthropie de l'homme qui se sent toujours en butte aux persécutions. En Mirabeau il nous montre à la fois l'aristocrate, à l'air dominateur, au front hautain, et l'orateur populaire dont la bouche s'entrouvre pour lancer quelque réplique et dont le regard semble planer sur l'assemblée qui l'écoute. Mais l'interprétation de l'artiste peut s'exprimer d'une manière encore plus frappante. Au lieu de traduire dans toute sa complexité la personnalité de son modèle, il s'attache à en tracer seulement un aspect, riche d'ailleurs de vérité et d'intérêt, pour lequel il se sent de particulières affinités. Il est frappant à ce sujet de confronter, comme l'a fait excellemment René Huyghe, les divers portraits que trois grands peintres ont donnés de Mallarmé. Manet a représenté en lui le causeur brillant qui chaque mardi réunissait ses disciples dans son domicile de la rue de Rome. Avec Renoir, c'est le petit bourgeois et le fonctionnaire qui apparaissent. Gauguin de son côté évoque le poète et le voyant, perdu dans un rêve intérieur. Ainsi chacun d'entre eux a donné une image à la fois vraie et fragmentaire de l'écrivain, en accord avec la qualité originale de sa propre inspiration : la personnalité de l'artiste se profile derrière celle de son modèle.

« INTRODUCTION La véritable oeuvre d'art porte toujours la marque du talent original qui l'a conçue et réalisée.

Et la qualité de l'artiste se remarque d'abord par la manière dont il a, comme d'instinct, simplifié, stylisé le modèle qu'il avait sous les yeux.

D'emblée il a su retenir les détails riches de signification.

Par là son oeuvre n'est plus une copie mais une interprétation forte et suggestive.

Dans cette oeuvre, enfin, il a mis beaucoup de lui-même, révélé certains aspects de sa personnalité, parfois même les plus secrets.

C'est à ce titre qu'un critique a pu dire : « L'Art est simplification, interprétation, confession ». I.

L'ART EST UNE SIMPLIFICATION Un artiste ne s'ingénie pas à reproduire minutieusement le réel.

Un trompe-l'oeil n'est pas une oeuvre d'art mais seulement une habile réalisation technique.

Rodin s'insurge avec raison contre ces artisans qui décorent les tombeaux dans certains cimetières italiens et s'attachent à « copier dans leurs statues, des broderies, des dentelles, des nattes de cheveux ».

Car le mérite d'un talent se mesure à l'élimination de tous ces détails accessoires et inexpressifs, au choix judicieux des traits significatifs.

Ainsi traduit-il en l'accusant le caractère original d'un paysage, d'une silhouette ou d'un visage. Quand Rodin exécute le buste du célèbre polémiste Rochefort, il met en valeur son front bosselé, sa bouche tordue par l'ironie, sa barbiche rageuse.

Dans le célèbre tableau de Millet, L'homme à la houe, tout s'accorde à traduire l'immense lassitude du paysan qui a, pour un instant, interrompu sa tâche.

Sa face noircie par le soleil est marquée par l'effort et comme hébétée de fatigue, le regard est vague, le corps à demi redressé s'appuie pesamment des deux bras sur son outil planté en terre.

De la même manière un paysagiste exprime dans le cadre de nature qu'il a choisi d'évoquer, une note dominante que tous les éléments du tableau contribuent à suggérer. Lorsque Corot veut traduire cette impression de mystère qui se développe avec l'approche de la nuit, il place au premier plan de son tableau un pin énorme que les derniers feux du soleil éclairent à contre-jour.

Au centre, un étang reflète vaguement en même temps que ces lueurs lointaines les contours indécis qui se profilent à l'arrière-plan du cadre.

Tout l'ensemble baigne dans une demi-clarté. II.

L'ART EST UNE INTERPRÉTATION C'est ainsi que s'exerce le choix de l'artiste.

Il ressent en face de son modèle une impression dominante autour de laquelle s'organise sa vision ; et tout naturellement il retient, pour exprimer cette impression, les éléments qui s'accordent avec elle.

Son oeuvre est donc nécessairement le fruit d'une interprétation. Pour s'en convaincre il suffirait sans doute de regarder attentivement les bustes du sculpteur Houdon.

Sous les traits d'un visage il retrouve intuitivement la personnalité profonde d'un individu et il l'exprime avec une vigueur saisissante.

Il représente Jean-Jacques Rousseau la tête inclinée, le regard méditatif comme il convient à un philosophe.

Le front sillonné de rides, les sourcils contractés, le visage amer et crispé révèlent la misanthropie de l'homme qui se sent toujours en butte aux persécutions.

En Mirabeau il nous montre à la fois l'aristocrate, à l'air dominateur, au front hautain, et l'orateur populaire dont la bouche s'entrouvre pour lancer quelque réplique et dont le regard semble planer sur l'assemblée qui l'écoute. Mais l'interprétation de l'artiste peut s'exprimer d'une manière encore plus frappante.

Au lieu de traduire dans toute sa complexité la personnalité de son modèle, il s'attache à en tracer seulement un aspect, riche d'ailleurs de vérité et d'intérêt, pour lequel il se sent de particulières affinités.

Il est frappant à ce sujet de confronter, comme l'a fait excellemment René Huyghe, les divers portraits que trois grands peintres ont donnés de Mallarmé.

Manet a représenté en lui le causeur brillant qui chaque mardi réunissait ses disciples dans son domicile de la rue de Rome.

Avec Renoir, c'est le petit bourgeois et le fonctionnaire qui apparaissent.

Gauguin de son côté évoque le poète et le voyant, perdu dans un rêve intérieur.

Ainsi chacun d'entre eux a donné une image à la fois vraie et fragmentaire de l'écrivain, en accord avec la qualité originale de sa propre inspiration : la personnalité de l'artiste se profile derrière celle de son modèle. III.

L'ART EST UNE CONFESSION C'est là sans doute en définitive que réside l'intérêt le plus précieux d'une oeuvre d'art.

A travers l'interprétation qu'il offre de la réalité l'artiste livre beaucoup de lui-même.

Les toiles de Rubens, avec la richesse de leurs couleurs, la plénitude de leurs formes, exaltent son amour de la vie.

Celles de Rembrandt expriment, dans une atmosphère de pénombre traversée d'une lumière diffuse, le recueillement de l'âme et l'appel de l'invisible.

Bien plus, les modifications qu'un peintre apporte à sa facture au cours de sa carrière ne révèlent pas seulement l'évolution d'un talent, elles rendent un compte fidèle des étapes de sa vie intérieure. Vermeer, qui se complaisait durant sa jeunesse à peindre en couleurs vives des personnages truculents, s'oriente progressivement vers une manière plus épurée où la simplicité des lignes, l'harmonie discrète des nuances offrent le témoignage d'un dépouillement et d'une sérénité qui s'alimentent aux sources les plus pures de la spiritualité.

L'oeuvre d'art enfin révèle les hantises les plus douloureuses et les plus secrètes de l'artiste.

La prédilection de Toulouse-Lautrec pour les chevaux à la croupe musculeuse, pour les attelages lancés au galop, la frénésie de ses danseurs et de ses danseuses s'expliquent et s'éclairent lorsqu'on prend conscience que ce peintre de l'élan et du mouvement était un infirme.

Ses toiles sont le reflet de son drame intérieur ; elles sont aussi pour lui comme un moyen de libération.

Il magnifie en ses personnages cette vigueur, ce dynamisme, cette merveilleuse aisance du geste que la nature lui a refusés.

De son côté Van Gogh dans ses dernières oeuvres, si proches de sa fin tragique, exprime comme malgré lui son imagination délirante.

D'un simple champ d'orge il tire la vision d'un monde en chaos : les sillons de la terre se gonflent, se soulèvent comme autant de vagues emportées en tous sens tandis qu'un immense soleil emplit de son tournoiement frénétique toute l'étendue de l'horizon.

La confession atteint ici les sommets du pathétique. CONCLUSION Tel est donc le secret d'une oeuvre d'art.

Même lorsqu'elle paraît à première vue reproduire avec fidélité son modèle, elle n'en offre jamais une copie servile.

Elle exprime l'originalité d'une vision, elle porte la marque d'une sensibilité.

C'est à cela, en fin de compte, que l'on reconnaît les véritables artistes.

Comme le disait Delacroix, « ils ont peint leur âme en peignant les choses.

La nouveauté est dans l'esprit qui crée et non pas dans la nature qui est peinte ».. »

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