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Tristan Corbière, « Le crapaud », Les Amours jaunes, 1873.

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Tristan Corbière, « Le crapaud », Les Amours jaunes, 1873. Un chant dans une nuit sans air... La lune plaque en métal clair Les découpures du vert sombre. ... Un chant ; comme un écho, tout vif Enterré là, sous le massif... - Ça se tait : Viens, c'est là, dans l'ombre... - Un crapaud ! - Pourquoi cette peur, Près de moi, ton soldat fidèle ! Vois-le, poète tondu, sans aile, Rossignol de la boue... - Horreur ! - Il chante. - Horreur !! - Horreur pourquoi ? Vois-tu pas son oeil de lumière... Non il s'en va, froid, sous sa pierre. .................................................................. Bonsoir - ce crapaud-là c'est moi. Ce soir, 20 juillet

« Introduction Souvent les poètes se comparent à un oiseau qui chante (« L'Albatros » de Baudelaire, le cygne dans « Le vierge, le vivace, le bel aujourd'hui...

» de Mallarmé, etc.). Dans Les Amours jaunes, Tristan Corbière renouvelle cette vieille métaphore en s'assimilant à un crapaud. A l'évocation de l'animal réel se superpose l'image du poète ; la métaphore crée un symbole qui exprime la conception désespérée que Tristan Corbière a de sa condition d'homme et d'artiste. I.

L'évocation du crapaud A.

Le cadre et le moment 1.

Un coin de campagne Le texte suggère en quelques mots que la scène se situe à la campagne. Exemple : mention de la végétation avec le « vert sombre » des feuillages (v.3), le « massif » (v.5). Exemple : la « boue » (v.10) et la « pierre » (v.13). Exemple : les animaux comme le « crapaud » (v.7), le « rossignol » (v.10). 2.

La nuit - L'absence de vent (« la nuit sans air ») la rend sans doute étouffante.

Mais la lune éclaire la scène. -Cette immobilité fige la lumière, qui se partage en plaques blanches («métal clair», v.2) alternant avec l'ombre («vert sombre », v.2 ; « dans l'ombre », v.6).

L'éclat de l'astre sur la verdure est rendu par une allitération en [k] (v.2-3) : « La lune plaque en métal clair Les découpures du vert sombre ». D'autre part le mot « découpures » rappelle le caractère coupant du métal.

Cette image vient évoquer à la fois les formes prises par la lumière et sa teinte, sa brillance. -La nuit est aussi présente par le « bonsoir» final (v.14) et la date (« Ce soir, 20 juillet », v.l5).

On apprend par la même occasion que c'est une nuit d'été, ce qui pouvait être deviné par la qualité de la lumière (pas de nuage) et la présence du crapaud (qui ne chante guère par grand froid). 1.

Un animal invisible : - Petit et craintif, le crapaud n'apparaît pas réellement, il n'est pas visible car il se cache, comme souvent dans la réalité, sous les feuillages (« sous le massif », v.5), « sous sa pierre » (v.l3) ou sous la terre (« enterré », v.5).

On ne voit même pas l'éclat de ses yeux sous la lune (« son œil de lumière », v.12). -«La boue» (v.10) est mentionnée car cette bête aime les endroits humides. 2.

La seule trace de sa présence est son « chant » (v.1 et 4), que l'on n'entend d'ailleurs que par intermittences (« Ça se tait », v.6). Une assonance discrète en [wa] retranscrit sans doute tout au long du texte le son très particulier du cri du crapaud : « pourquoi » (v.7 et 11), « Vois » (v.

9), « moi » (v.8 et 14), « froid » (v.13).

Il s'agit d'une harmonie imitative. Ce chant, rapproché de celui du « rossignol » (v.10) est un bien grand mot pour le coassement du crapaud. Transition : Le choix de ce terme n'est pas innocent, car le chant est souvent utilisé pour désigner la poésie.

Or le crapaud, ici, est également une figure du poète. II.

L'image du poète A.

La personnification du crapaud et son opposition avec l'oiseau 1.

L'identité du crapaud et du poète : -Le dernier vers le dit clairement : « ce crapaud-là c'est moi », et l'on devine que c'est le poète qui parle. - D'autres éléments avaient préparé cette révélation.

Ainsi l'animal est un « poète tondu, sans aile » (v.9), un « rossignol de la boue » (v.10). 2.

- Le poète est souvent assimilé, dans la littérature, à un oiseau dont le chant est merveilleux.

Cela vient de sa légèreté, de son caractère précieux, immatériel, de sa faculté de s'élever au-dessus des autres hommes et de la terre par la qualité de son art.

Le rossignol, qui passe universellement pour avoir le plus beau chant, est une figure privilégiée du poète.

Dès avant notre ère, le philosophe grec Platon en faisait l'emblème de Thamyras, barde de la Thrace antique. -En choisissant le crapaud comme figure du poète, plutôt que le rossignol, Tristan Corbière rompt avec ce lieu commun.

Mais il fait référence puisqu'il dit que le crapaud, contrairement à l'oiseau, est « tondu, sans aile » (v.9), et qu'il est un « rossignol de la boue » (v.10).

On comprend par ce biais que le crapaud remplace le rossignol comme symbole. B.

Le dialogue Le dialogue est un autre moyen de personnifier le crapaud.

L'assimilation entre la bête et le poète se fait progressivement par ce biais.. »

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