Devoir de Français

Théodore de BANVILLE (1823-1891) (Recueil : Odes funambulesques) - La sainte Bohème

Extrait du document

Théodore de BANVILLE (1823-1891) (Recueil : Odes funambulesques) - La sainte Bohème Par le chemin des vers luisants, De gais amis à l'âme fière Passent aux bords de la rivière Avec des filles de seize ans. Beaux de tournure et de visage, Ils ravissent le paysage De leurs vêtements irisés Comme de vertes demoiselles, Et ce refrain, qui bat des ailes, Se mêle au vol de leurs baisers : Avec nous l'on chante et l'on aime, Nous sommes frères des oiseaux. Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux, Et vive la sainte Bohème ! Fronts hâlés par l'été vermeil, Salut, bohèmes en délire ! Fils du ciseau, fils de la lyre, Prunelles pleines de soleil ! L'aîné de notre race antique C'est toi, vagabond de l'Attique, Fou qui vécus sans feu ni lieu, Ivre de vin et de génie, Le front tout barbouillé de lie Et parfumé du sang d'un dieu ! Avec nous l'on chante et l'on aime, Nous sommes frères des oiseaux. Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux, Et vive la sainte Bohème ! Pour orner les fouillis charmants De vos tresses aventureuses, Dites, les pâles amoureuses, Faut-il des lys de diamants ? Si nous manquons de pierreries Pour parer de flammes fleuries Ces flots couleur d'or et de miel, Nous irons, voyageurs étranges, Jusque sous les talons des anges Décrocher les astres du ciel ! Avec nous l'on chante et l'on aime, Nous sommes frères des oiseaux. Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux, Et vive la sainte Bohème ! Buvons au problème inconnu Et buvons à la beauté blonde, Et, comme les jardins du monde, Donnons tout au premier venu ! Un jour nous verrons les esclaves Sourire à leurs vieilles entraves, Et, les bras enfin déliés, L'univers couronné de roses, Dans la sérénité des choses Boire aux dieux réconciliés ! Avec nous l'on chante et l'on aime, Nous sommes frères des oiseaux. Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux, Et vive la sainte Bohème ! Nous qui n'avons pas peur de Dieu Comme l'égoïste en démence, Au-dessus de la ville immense Regardons gaîment le ciel bleu ! Nous mourrons ! mais, ô souveraine ! Ô mère ! ô Nature sereine ! Que glorifiaient tous nos sens, Tu prendras nos cendres inertes Pour en faire des forêts vertes Et des bouquets resplendissants ! Avec nous l'on chante et l'on aime, Nous sommes frères des oiseaux. Croissez, grands lys, chantez, ruisseaux, Et vive la sainte Bohème !

Liens utiles