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Stéphanie Corinna BILLE, Caillou

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Stéphanie Corinna BILLE, Caillou C'était un caillou pesant d'aspect si vulgaire que personne ne faisait attention à lui. Mais un jour, un jeune garçon qui travaillait dans son voisinage le prit fans sa paume et le regarda. « Enfin ! pensa le caillou, on me remarque. » Le garçon dit : « il n'est que vilain et ne sert à rien » De colère le caillou se fit pesant, si pesant qu'il perça la main du garçon et roula sur le sol. Celui-ci hurla, croyant avoir affaire à une bête venimeuse. Des hommes accoururent avec des pioches et des pelles. Le caillou perça les pelles et tordit les pioches. Le roi le fit mettre en prison. Le caillou perça les murs et vint tomber sur le rail gauche du chemin de fer du roi L a locomotive stoppa juste à temps, le roi en descendit, et à l'aide de sa canne de golf qui ne le quittait jamais, il envoya le caillou dans le lac. Au fond du lac, le caillou s'ennuya. Son ennui le rendit encore plus pesant et il s'enfonça dans les entrailles de la terre. Il traversa d'autres lacs, des grottes, des volcans, entraînant à sa suite toute eau du premier lac qui se vida. Bientôt le caillou atteignit l'autre côté du globe. Il se trouva tout seul, en terre sèche, au milieu d'un champ et attendit. Un sauvage l'avait vu bouger (les antipodes sont toujours habités par des sauvages), il appela d'autres sauvages et tous se mirent l'adorer. Un temple fut érigé autour du caillou. Il eut son encens, ses musiques, ses fleurs, ses hymnes et ses repas. « Enfin, je suis quelqu'un ! » Mais il s'aperçut que ce n'était pas lui que les hommes adoraient. Leur besoin naturel de ferveur ses serait tout aussi bien adressé à pou d'aspect monstrueux qu'à lui-même. « Je suis ce qu'on appelle un prétexte » se dit-il. Sa déception le rendit si pesant qu'il refit en sens inverse le chemin qu'il avait pris pour venir. Il arriva au lac desséché sur lequel on avait, durant son absence, construit une grande ville. Malgré la splendeur des édifices et les raffinements du progrès, le caillou n'entendit que gémir autour de lui. Des gémissements en sourdine, car si l'on gémissait trop haut, on se faisait fusiller. « Nous sommes gouvernés par un tyran », lui chuchota un homme en veine de confidences, persuadé qu'un caillou ne le trahirait pas. Le caillou vint se poser sans en avoir l'air dans la main de l'homme et lui suggéra de le jeter sur le tyran qui se trouvait à son balcon pour recevoir les acclamations de la foule. Le caillou fut si joyeux qu'il aurait percé d'un seul coup le cœur du tyran si seulement celui-ci en avait eu un. Hélas, à l'endroit du cœur, il n'y avait qu'un petit vide. Le caillou y resta bloqué. Il eut beau se rendre le plus pesant possible, la peau du tyran était si coriace qu'il fut contraint d'y demeurer.

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