SAINTE-BEUVE
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SAINTE-BEUVE (18o4-1869)
Sainte-Beuve se mêle d'abord au mouvement romantique; il tente sa chance comme poète lyrique et comme romancier, mais ne
parvient pas à s'imposer au premier rang.
Il renonce alors aux oeuvres d'imagination pour exercer le métier de critique.
Amateur
d'âmes et d'idées, il conquiert une place, grâce au prestige de son art, parmi les grands créateurs de sa génération, dont il
jalousa longtemps la gloire.
LE POÈTE.
Charles-Augustin Sainte-Beuve, né à Boulogne, mais parisien d'adoption, entre en 1826 dans l'équipe du Globe et gagne
bientôt l'amitié de Victor Hugo, qui l'accueille au Cénacle.
En 1828, il publie un Tableau historique et critique de la poésie
française et du théâtre français au XVIe siècle : c'est une réhabilitation éclatante d'écrivains méconnus, et particulièrement
de Ronsard, dont il présente en même temps un choix de poèmes.
Lui aussi voudrait s'illustrer dans la création poétique;
mais, d'emblée, il prend conscience que, faute de souffle et d'imagination, le haut lyrisme lui est interdit.
Il adopte un
genre à sa mesure et donne le modèle d'une poésie familière, souvent terre à terre, mais riche en notations intimes et en
confidences voilées.
Vie, Poésies et Pensées de Joseph Delorme (1829).
Ce premier recueil contient une suite d'élégies, précédées par une vie
romancée de l'auteur, qui s'analyse à travers son héros, et accompagnées de réflexions diverses.
Joseph Delorme est un jeune
homme timide, taciturne et tourmenté par un complexe d'infériorité : il voudrait aimer et se croit incapable de plaire; il
voudrait écrire et se juge impuissant à créer; il voudrait être heureux et se voit « lancé dans une carrière qui l'éloigne du
but même de ses voeux ».
Autour de lui, d'autres hommes marchent à la conquête de la gloire et du bonheur; mais il ne
peut les suivre.
Dans ses vers, il se compare à un arbre infécond qui se consume ou à un pasteur immobile auprès d'un
fleuve écumant, « et qui passe sa vie à voir passer les eaux ».
Simple spectateur des grands drames que jouent
quelques-uns de ses contemporains, il souffre de leurs triomphes, qui font ressortir sa propre disgrâce.
LE ROMANCIER.
Après la publication de Joseph Delorme, Sainte-Beuve traverse une période plus heureuse : ceux-là mêmes qu'il envie le
plus, Lamartine et Victor Hugo, lui font confiance et le saluent comme un de leurs pairs.
Réconforté par l'amitié et par la
poésie, il s'oriente vers un idéalisme mystique, et un second recueil de poésies, Les Consolations (183o), porte la marque
de sa ferveur nouvelle.
Mais ce bonheur dure peu.
Sainte-Beuve ne parvient pas à convertir ses aspirations vagues en
une foi définitivement consolante.
En outre, ses essais poétiques n'ont pas trouvé grand écho dans le public.
Enfin, une
liaison avec Mme Victor Hugo introduit dans sa vie le malaise et le trouble.
Il éprouve le sentiment d'un immense échec, dont
il recherche les causes en s'analysant avec une impitoyable lucidité.
Volupté (1834) est la transposition romanesque de cette
enquête intérieure.
Le roman de l'échec : Volupté.
Amaury, au cours d'une adolescence studieuse et inquiète, lutte, non sans désordres intérieurs, contre son penchant
secret à la volupté.
Il se fiance avec Amélie de Liniers, puis s'éprend de Mme de Couaën, qui vit avec son mari dans un
château breton.
M.
de Couaën est arrêté pour des raisons politiques; et Amaury accompagne à Paris sa femme et ses
enfants, qui vont rendre visite avec lui au prisonnier.
Le jeune homme se passionne un moment pour les idées de
Lamarck, puis entre dans une conspiration royaliste, mais aucun idéal ne peut le retenir.
ll renonce même à la chaste idylle
avec Mme de Couaën et se lie avec la coquette et mondaine Mme R.
LE CRITIQUE.
Conquis par sa nouvelle passion, Amaury, auprès de Mme R., cherche à satisfaire ses tendances profondes; mais il se
lasse d'elle.
Il retrouve Mme de Couaën, qui considère la perte d'un fils comme le châtiment mystique de sa faiblesse,
revoit aussi Amélie, s'avise brusquement que son inconstance voluptueuse a causé le malheur de trois femmes et se sent
au fond d'un abîme moral.
Mais l'excès de son néant le ramène à Dieu.
Persuadé qu'il ne peut agir utilement dans la
société, il entre au séminaire, devient prêtre, administre Mme de Couaën mourante, va méditer à Rome, rompt
définitivement avec son passé et, comme René, part pour le Nouveau Monde.
Volupté déconcerte les contemporains; et ce nouvel échec aggrave la crise intérieure que traverse l'écrivain.
Sainte-Beuve,
désormais, se détourne de la création proprement dite; s'il écrit encore des poèmes, il n'en attend aucune gloire.
Il sait que
sa véritable vocation est la critique.
Outre deux études capitales sur Port-Royal (1840-1859) et sur Chateaubriand et son
groupe littéraire (1861), mises au point d'après des cours qu'il a professés à Lausanne, à Berne ou à Liège, il publie en
volumes plusieurs séries de « portraits » (Portraits littéraires, 1836-1839; Portraits de femmes, 1844; Portraits
contemporains, 1846); puis, sous les titres Causeries du lundi' (185I-1862) et Nouveaux Lundis (i863-1870), ses feuilletons
hebdomadaires du Constitutionnel, du Moniteur ou du Temps.
Il laisse aussi des cahiers intimes (Mes Poisons, publiés en
1926) et une monumentale correspondance, qu'a publiée Jean Bonnerot.
Port-Royal.
Sainte-Beuve étudie d'abord les origines et la renaissance de la communauté, fondée près de Chevreuse en 1204 et
restaurée en 1608 par la mère Angélique, puis transférée à Paris.
Revenant à Chevreuse, il décrit la retraite qu'y firent les
Solitaires à partir de 1636.
Il raconte enfin les controverses et les persécuitions qui, après la publication de l'Augustinus,
entraînèrent la désaffection définitive, puis la destruction de l'abbaye.
En chemin, il peint les figures des principaux
jansénistes et il ouvre de vastes perspectives sur l'histoire littéraire et spirituelle du XVIIe siècle..
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