Rémy BELLEAU (1528-1577) (Recueil : Les Pierres Précieuses) - La pierre aqueuse
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Rémy BELLEAU (1528-1577) (Recueil : Les Pierres Précieuses) - La pierre aqueuse C'était une belle brune Filant au clair de la lune, Qui laissa choir son fuseau Sur le bord d'une fontaine, Mais courant après sa laine Plongea la tête dans l'eau, Et se noya la pauvrette Car à sa voix trop faiblette Nul son désastre sentit, Puis assez loin ses compagnes Parmi les vertes campagnes Gardaient leur troupeau petit. Ah ! trop cruelle aventure ! Ah ! mort trop fière et trop dure ! Et trop cruel le flambeau Sacré pour son hyménée, Qui l'attendant, l'a menée Au lieu du lit, au tombeau. Et vous, nymphes fontainières Trop ingrates et trop fières, Qui ne vîntes au secours De cette jeune bergère, Qui faisant la ménagère Noya le fil de ses jours. Mais en souvenance bonne De la bergère mignonne, Emus de pitié, les dieux En ces pierres blanchissantes De larmes toujours coulantes Changent l'émail de ses yeux. Non plus yeux, mais deux fontaines, Dont la source et dont les veines Sourdent du profond du coeur ; Non plus coeur, mais une roche Qui lamente le reproche D'Amour et de sa rigueur. Pierre toujours larmoyante, A petit flots ondoyante, Sûrs témoins de ses douleurs ; Comme le marbre en Sipyle Qui se fond et se distille Goutte à goutte en chaudes pleurs. Ô chose trop admirable, Chose vraiment non croyable, Voir rouler dessus les bords Une eau vive qui ruisselle, Et qui de course éternelle, Va baignant ce petit corps ! Et pour le cours de cette onde La pierre n'est moins féconde Ni moins grosse, et vieillissant Sa pesanteur ne s'altère : Ains toujours demeure entière Comme elle était en naissant. Mais est-ce que de nature Pour sa rare contexture Elle attire l'air voisin, Ou dans soi qu'elle recèle Cette humeur qu'elle amoncelle Pour en faire un magasin ? Elle est de rondeur parfaite, D'une couleur blanche et nette Agréable et belle à voir, Pleine d'humeur qui ballotte Au dedans, ainsi que flotte La glaire en l'oeuf au mouvoir. Va, pleureuse, et te souvienne Du sang de la plaie mienne Qui coule et coule sans fin, Et des plaintes épandues Que je pousse dans les nues Pour adoucir mon destin.
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