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Peut-on rire de tout ?

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Ce n'est pas par hasard si une certaine tradition chrétienne (médiévale) a pu diaboliser toute forme de rire (voir Le nom de la rose, d'Umberto Eco). Mais la liberté d'expression étant un acquis de la modernité, cet anathème ne peut que s'effondrer. L'on pourrait donc rire même du sacré, sur le mode de l'humour, et non de la moquerie. Alors que penser du film de Larry Flint qui érotisait l'image du Christ en croix? Cependant l'expression culturelle du rire est, en effet, assurée par l'art : dans la comédie, la satire... C'est donc l'art qui cultive le rire, qui contient la culture du rire, le savoir-rire. L'humour et le non-sens semblent même privilégiés dans l'art contemporain. En littérature, Beckett (En attendant Godot) et Ionesco (La Cantatrice chauve), maîtres de l'absurde. En peinture, Magritte (le fils de l'homme) pour le surréalisme. Et enfin en musique, Satie (Air à faire fuir).

« Discussion : La liberté d'expression semble être un des fondements de notre monde moderne.

Dans l'Ancien Régime, la censure au sens strict était de principe : étaient expurgés ainsi, non seulement les propos considérés comme injurieux ou diffamatoires, mais mêmes les plaisanteries contenues dans des pamphlets ou satires. Désormais comme le rire semble bien l'expression la plus heureuse de la liberté d'expression, n'est-on pas à une époque où l'on pourrait précisément rire de tout ? Toutefois un autre fondement de la modernité vient mettre en doute cette conjecture : la raison.

En effet, la raison fonde un monde sérieux dont il ne semble pas raisonnable de rire.

Ainsi "peut-on rire de tout" peut s'entendre en termes de permission et de capacité : soit, il ne serait pas permis de rire de tout, parce que l'homme n'est pas capable de rire raisonnablement de tout ; soit il serait permis de rire de tout, parce que l'homme serait capable de rire proprement de tout. Suggestion de plan : I.

Première partie : le point de vue de la raison. On peut différencier deux types de comique.

Tout d'abord l'ironie, la satire.

Son sens originel vient de l'ironie socratique, feindre l'ignorance pour faire "accoucher la vérité" par l'aide d'un interlocuteur.

Ensuite, il y a le sens savant ; l'ironie comme antiphrase dira le contraire de ce que l'on pense pour mieux l'affirmer.

Et enfin, le sens courant qui désigne une moquerie, une raillerie, qui déclenche un rire se caractérisant par une certaine agressivité qui peut tourner à la cruauté. Le second type de comique est plus simplement l'humour.

On rencontre dès l'Antiquité des formes du comique qui ne sont ni moqueuses, ni cruelles, ni agressives.

Par exemple chez Aristophane, il s'agirait presque d'un comique de l'absurde : "Comment, depuis le temps que les crabes sont dans l'eau, ne savent-ils pas encore nager?" Et également chez les philosophes cyniques, comme Diogène ou encore Menippe.

Dans la modernité, ce type de rire a été développé par l'esprit anglais sous le nom "d'humour" (provenance anglaise).

A l'époque contemporaine, cet humour s'est développé dans le monde occidentalisé, souvent dans le but de dédramatisation.

Il consiste essentiellement à déceler des incompatibilités (non-sens, absurdités) dans ce qui paraît normal (sérieux, raisonnable) en vertu de l'habitude.

Ainsi l'ironie prend au sérieux le ridicule, il y a raisonnablement des choses ridicules ; alors que l'humour rend ridicule le sérieux, et donc la raison elle-même (cause de l'absurdité). Si l'on prend l'exemple de l'ironie, on s'aperçoit très clairement de sa grandeur mais aussi très vite de ses limites. L'ironie socratique a un intérêt pédagogique, l'ironie de Molière inaugure la critique des moeurs et du Pouvoir, et enfin celle de Voltaire est l'esprit critique par excellence.

Cependant son caractère agressif (voire cruel) peut tourner à l'injure.

Ce sont là les limites raisonnables du rire.

C'est dans ce sens que notre législateur "encadre" le rire, non seulement pour les atteintes à la dignité humaine, mais surtout pour l'injure publique proférée à l'encontre de particuliers ou de groupes, et concernant leur ethnie, race, nation, ou religion.

Cela soulève un autre problème : le respect des religions.

Il convient de distinguer le respect traditionnel ou religieux des religions et le respect moderne et humaniste des religions.

Dans cet esprit, on peut comprendre que certains comiques invoquent la liberté d'expression pour caricaturer l'intégrisme religieux.

Interdire toute caricature du Prophète de l'Islam serait respecter de façon religieuse ou musulmane l'Islam.

Or, le respect moderne ou humaniste exigerait encore que ces caricatures soient injurieuses. Toutefois, l'on peut se demander si ces prétendues limites (juridiques ou non) du rire ne poursuivent pas la démarche même du rire, ne se moque-t-on pas du moqueur en appliquant la sentence : "rira bien qui rira le dernier" ? II.

Deuxième partie : le point de vue de la liberté.. »

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