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Petrus BOREL (1809-1859) (Recueil : Rhapsodies) - Prologue

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Petrus BOREL (1809-1859) (Recueil : Rhapsodies) - Prologue À LÉON CLOPET, architecte. "Voici, je m'en vais faire une chose nouvelle qui viendra en avant ; et les bêtes des champs, les dragons et les chats-huants me glorifieront." La Bible. Quand ton Petrus ou ton Pierre N'avait pas même une pierre Pour se poser, l'oeil tari, Un clou sur un mur avare Pour suspendre sa guitare, - Tu me donnas un abri. Tu me dis : - Viens, mon rhapsode, Viens chez moi finir ton ode ; Car ton ciel n'est pas d'azur, Ainsi que le ciel d'Homère, Ou du provençal trouvère ; L'air est froid, le sol est dur. Paris n'a point de bocage, Viens donc, je t'ouvre ma cage, Où, pauvre, gaiement je vis ; Viens, l'amitié nous rassemble, Nous partagerons, ensemble, Quelques grains de chenevis. - Tout bas, mon âme honteuse Bénissait ta voix flatteuse Qui caressait son malheur ; Car toi seul, au sort austère Qui m'accablait solitaire, Léon, tu donnas un pleur. Quoi ! ma franchise te blesse ? Voudrais-tu que, par faiblesse, On voilât sa pauvreté ? Non, non, nouveau Malfilâtre, Je veux, au siècle parâtre, Étaler ma nudité ! Je le veux, afin qu'on sache Que je ne suis point un lâche, Car j'ai deux parts de douleur À ce banquet de la terre ; Car, bien jeune, la misère N'a pu briser ma verdeur. Je le veux, afin qu'on sache Que je n'ai que ma moustache, Ma chanson et puis mon coeur, Qui se rit de la détresse ; Et que mon âme maîtresse Contre tout surgit vainqueur. Je le veux, afin qu'on sache, Que, sans toge et sans rondache, Ni chancelier, ni baron, Je ne suis point gentilhomme, Ni commis à maigre somme Parodiant lord Byron. À la cour, dans ses orgies, Je n'ai point fait d'élégies, Point d'hymne à la déité ; Sur le flanc d'une duchesse, Barbotant dans la richesse De lai sur ma pauvreté.

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