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Percy Bysshe Shelley

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"Tous ceux qui me connaissent ou entendent parler de moi ­ hormis, je crois, cinq personnes tout au plus ­ me regardent comme un rare prodige de crime et de pollution", écrit Shelley à son ami Peacock en 1819. Il est bien vrai que les contemporains du poète sont presque unanimes à l'accabler de leur réprobation, l'indignité de ses moeurs témoignant à leurs yeux de celle de ses doctrines. Pourtant cette vie n'est rien de plus que celle d'un adolescent qui s'est trop hâté d'être un adulte : à partir de cette erreur initiale s'accélèrent des événements domestiques dont chacun serait une entrave nouvelle et plus étroite, n'était l'extraordinaire fureur de liberté qui sauve le poète de lui-même et des siens. Percy Bysshe Shelley naquit à Horsham le 4 août 1792, d'une famille aristocratique du Sussex, fort ancienne puisqu'elle remontait à la Conquête, et qui, sans s'être illustrée au premier rang, n'en comptait pas moins quelques fantômes distingués à divers moments de l'histoire anglaise. Son père, hautement moral et solennel, voulait faire du jeune Shelley ce qu'il était lui-même : un squire du Sussex, fier de l'être, doublé ­ sans plus ­ d'un honnête érudit. Si Horsham et la vie à la campagne développèrent chez Shelley un sentiment profond et quotidien de la nature, digne d'un gentleman-farmer anglais, Eton d'abord, Oxford surtout, le jetèrent dans un état de révolte qui devait l'amener à rompre très vite avec son premier univers social. Robert Southey disait d'Oxford que c'était "une école de théologie", et rien d'autre. On imagine aisément le bruit qu'y fit le pamphlet intitulé De la nécessité de l'Athéisme qu'y publie Shelley en mars 1811, et qu'il prend soin d'envoyer à toutes les autorités d'Oxford et de Cambridge ainsi qu'à tous les évoques du royaume. A peine mis en vente, les exemplaires du pamphlet sont brûlés par ordre dans l'arrière-boutique de l'éditeur, et Shelley se voit expulsé d'Oxford au milieu de sa première année d'études.

« Percy Bysshe Shelley "Tous ceux qui me connaissent ou entendent parler de moi hormis, je crois, cinq personnes tout au plus me regardent comme un rare prodige de crime et de pollution", écrit Shelley à son ami Peacock en 1819.

Il est bien vrai que les contemporains du poète sont presque unanimes à l'accabler de leur réprobation, l'indignité de ses moeurs témoignant à leurs yeux de celle de ses doctrines.

Pourtant cette vie n'est rien de plus que celle d'un adolescent qui s'est trop hâté d'être un adulte : à partir de cette erreur initiale s'accélèrent des événements domestiques dont chacun serait une entrave nouvelle et plus étroite, n'était l'extraordinaire fureur de liberté qui sauve le poète de lui-même et des siens. Percy Bysshe Shelley naquit à Horsham le 4 août 1792, d'une famille aristocratique du Sussex, fort ancienne puisqu'elle remontait à la C onquête, et qui, sans s'être illustrée au premier rang, n'en comptait pas moins quelques fantômes distingués à divers moments de l'histoire anglaise.

Son père, hautement moral et solennel, voulait faire du jeune Shelley ce qu'il était lui-même : un squire du Sussex, fier de l'être, doublé sans plus d'un honnête érudit.

Si Horsham et la vie à la campagne développèrent chez Shelley un sentiment profond et quotidien de la nature, digne d'un gentleman-farmer anglais, Eton d'abord, Oxford surtout, le jetèrent dans un état de révolte qui devait l'amener à rompre très vite avec son premier univers social.

Robert Southey disait d'Oxford que c'était "une école de théologie", et rien d'autre.

On imagine aisément le bruit qu'y fit le pamphlet intitulé De la nécessité de l'Athéisme qu'y publie Shelley en mars 1811, et qu'il prend soin d'envoyer à toutes les autorités d'Oxford et de Cambridge ainsi qu'à tous les évoques du royaume.

A peine mis en vente, les exemplaires du pamphlet sont brûlés par ordre dans l'arrière-boutique de l'éditeur, et Shelley se voit expulsé d'Oxford au milieu de sa première année d'études. A Londres, où il vient de s'établir, il tombe amoureux d'Harriet Westbrook : elle a seize ans, lui dix-neuf.

Il l'enlève et fuit avec elle jusqu'à Édimbourg, où ils s'unissent à l'écossaise, par un mariage de validité douteuse.

Quant au père de Shelley, que l'incartade d'Oxford avait fort indisposé, le mariage de son fils achève d'allumer son ire : non seulement il lui coupe les vivres, mais il ne veut plus entendre parler de lui.

Indignation partagée par tous les bien-pensants de la famille : A Shelley an atheist ! Qu'attendre désormais d'un tel monstre, dont ce mariage ne donne que l'avant-goût ? Justifiant leur attente horrifiée, il se jette dans la satire sociale.

Il se lie d'amitié avec des idéologues comme William Godwin, et décide de se rendre à Dublin pour y hâter l'émancipation de l'Irlande.

Sur le peuple irlandais opprimé, il fait pleuvoir une adresse tirée à quatre cents exemplaires.

Expulsé, le jeune ménage erre de-ci de-là, dans le pays de Galles d'abord, le Devon ensuite : il est rare dans la vie de Shelley qu'il passe plus de trois mois dans le même lieu.

En 1813, de nouveau Londres et la chasse aux logements : un enfant, Ianthe, vient de naître, et Queen Mab sort des presses, Queen Mab qui prêche la destruction du Commerce, de la Loi, du Gouvernement et de la Religion, et dont un commentateur dit à l'époque : "C omparés à ce texte, don Juan est un poème moral, et Caïn une homélie." Le 18 juin 1814, le poète rencontre Mary Godwin, fille de William.

Fin juillet, l'amoureux s'embarque avec elle et sa soeur Jane C lairmont, plus tard maîtresse de lord Byron.

Les voilà en France : et Harriet ? Il lui écrit c'est un trait de psychologie naïve comme il en montre parfois de venir les rejoindre en Suisse.

Il ne la reverra plus : le voici lié à Mary et à son inséparable soeur (connue dans les lettres sous le prénom de Claire).

La mort de son grand-père l'enrichit d'un revenu plus qu'honnête dont Godwin, le théoricien de la mise en commun, saura tirer le meilleur profit. Le premier enfant du poète et de Mary, né avant terme, ne vivra guère plus d'une semaine.

Shelley s'inquiète de sa propre santé : il se croit atteint de consomption, et souffre sans doute d'une extrême tension nerveuse.

Son piètre état l'oblige à renoncer au régime végétarien qu'il préconisait pour rendre l'homme à son bonheur naturel.

Cependant, c'est au cours de cette année 1815 qu'il mûrit l'un de ses chefs-d'oeuvre : Alastor.

Le sous-titre du poème : L'Esprit de solitude, en dégage le thème central, l'isolement du poète et le mystère de la mort que cet isolement aggrave.

Toute son adolescence manquée, incapable de s'adapter à un monde rude, se plaint dans ce long poème mélancolique. Au printemps de 1816, et suivant de peu Byron, Shelley quitte l'Angleterre pour la Suisse, avec Mary et Claire, devenue la maîtresse de Byron.

Il s'installe près de Genève à Mont Alègre, tandis que Byron vit à la villa Diodati, que la largeur d'une vigne en sépare.

Leur amitié date de ces quelques mois bénis, où Shelley vit dans l'ombre de ses deux grands hommes, Byron, et Rousseau que tout évoque autour de lui.

Il rentre à Londres le 29 août : quelques semaines plus tard, il apprend, sans l'apparence d'un remords, le suicide de sa femme.

C'est l'époque où il rencontre Keats, âgé de vingt-deux ans, en butte à la malignité de la critique, et dont il saura saluer le génie malgré le peu de sympathie que son cadet lui témoigne : l'une des plus belles oeuvres de Shelley n'est-elle pas cet Adonais qu'il écrira en 1821 à la mémoire de Keats mort ? C'est aussi l'époque où Hazlitt fait de Shelley le portrait suivant : "Sa personne était l'ombre de son génie.

Sa forme, gracieuse et élancée, s'inclinait comme une fleur dans la brise.

Mais il était écrasé par le poids de pensée qu'il aspirait à porter, et desséché par les éclairs d'une philosophie impitoyable." En 1818, nouveau séjour en Italie, où Shelley va se fixer.

Son intimité avec Byron s'accentue : de sa part, elle confine à l'adoration.

Rien n'est si beau dans l'oeuvre de Shelley que la journée avec Byron, dans son Julian and Maddalo.

En 1819, Shelley s'essaie au théâtre avec The Cenci, cinq actes dans le goût élisabéthain, sur l'un des drames les plus noirs de la renaissance italienne.

Le résultat est discutable, sauf par endroits, quand Shelley cesse d'imiter Ford, Webster, Shakespeare, et dix autres.

Il est mieux inspiré dans son chef-d'oeuvre : Prometheus unbound, drame philosophique qui fait penser à Empédocle de Hölderlin.

Prométhée, le champion de l'humanité, délivré de ses liens par l'épreuve même de la nécessité la plus dure, s'unit à A sie, l'esprit de l'amour, et la terre devient l'empire de la paix universelle. En avril 1822, Shelley et sa petite tribu (à laquelle s'agrègent parfois, pour un temps plus ou moins long, des admiratrices passionnées) s'installent sur le golfe de la Spezzia : c'est le moment le plus paisible, le plus détendu, de sa vie constamment agitée.

Le 8 juillet de la même année, alors qu'il fait une promenade en voilier avec deux de ses amis, leur bateau, pris dans le brouillard, est probablement heurté de flanc par une felouque.

Quelques jours plus tard, la mer rendit les trois corps.

Ils furent incinérés en présence de Byron et Leigh Hunt, sur un bûcher funéraire à l'embouchure du Serchio : les offrandes au poète mort comportaient de l'encens, du sel, de l'huile, du vin, et un exemplaire du dernier livre de Keats, que Shelley avait tant admiré. Ainsi, dans une étrange apothéose, furent dispersés les cendres d'un poète cher entre tous aux coeurs anglais.

Car l'existence qu'il mena est le type d'une certaine bohème britannique, une fois les amarres rompues et la bienheureuse anarchie enfin conquise.

A narchie qui n'est ici qu'apparente : l'un des intimes de Shelley disait de lui que "ses facultés intellectuelles régnaient complètement sur sa nature matérielle".

Il y avait en Shelley du métaphysicien autant que du poète : se contrariant parfois, ils s'unissent aux meilleurs endroits de son oeuvre pour faire éclater de suprêmes beautés.

L'A riel qu'a dépeint Maurois, le pantomime Ariel que Peter Quennell aperçoit dans le portrait qu'Amelia Curran nous a laissé du poète, ne doivent pas nous faire oublier le philosophe de l'humaine réalité qui annonce par tant de traits vigoureux et lucides notre moderne réflexion sur l'homme.. »

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