Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Poèmes saturniens) - Nevermore
Extrait du document
«
INTRODUCTION :
I.
— Ce sonnet est à la fois un épanchement, un récit et une évocation.
Verlaine y évoque un souvenir au deuxième
degré qui hante sa pensée et souligne le caractère inéluctablement révolu du passé; d'où le titre Nevermore (en
français : Jamais plus) emprunté au célèbre refrain du Corbeau d'Edgar Poë, traduit par Baudelaire.
II.
— Le poème est une confidence sur un ton d'abord mélancolique comparable à celui d'une complainte (1 à 4) — puis
désinvolte et lancinant par l'évocation d'une voix qui résonne encore dans sa mémoire.
Le 1" tercet est d'une tonalité
délicate et galante, le second d'une fraîcheur légère et attendrie.
Deux centres d'intérêt :
A) La coloration du thème du souvenir :
Le 1er quatrain évoque un paysage intérieur qui surgit dans la mémoire du poète : paysage « d'automne » (mot mis en
relief par le contre-rejet), détails descriptifs discrets (grive — rayon — bois), atmosphère mélancolique.
Le 2e quatrain évoque un couple d'une façon plus précise, mais Verlaine n'a retenu que les détails qui expriment son
regret : la solitude à deux, la rêverie qui s'exprime d'une manière originale « la pensée au vent », un regard, l'inflexion
de la voix (l'adjectif « vivant » renouvelle la locution banale « une voix d'or »).
Le 1er tercet s'enchaîne par enjambement du quatrain qui le précède et s'organise autour de deux thèmes : la voix,
dont il entend encore en lui résonner les accents (9), et son attitude silencieuse, aimable et galante (10-11).
Le 2e tercet s'organise autour d'un souvenir plus lointain (répétition de « premier », « premières ») dans un climat de
nostalgie que résume le premier mot exclamatif (Ah ! les premières fleurs...) du vers 12.
Ainsi nous assistons à la résurgence en deux étapes, dans la mémoire et l'imagination du poète, de deux moments :
une promenade sentimentale, puis un souvenir plus lointain et plus émouvant encore : celui du premier amour.
B) La musicalité :
Après le vers 1, coupé, marquant le prélude de l'évocation, le rythme s'allonge et se prolonge en deux phrases dont
chacune comporte un enjambement 1/2 — 3/4.
L'effet produit est un effet de lenteur : Verlaine éprouve du plaisir à
revivre par la mémoire ce moment heureux.
Le rythme du second quatrain (3 + 3 + 3 + 3; 3 + 9; 2 + 10; 6 + 6) correspond à différents moments : une promenade
lente et régulière — l'envol de la rêverie, — l'interruption — la question posée, — le rythme 6 + 6 du vers 9 suggère un
balancement, le rythme 8 + 4 du vers 11 souligne l'adverbe — le vers 13, sans coupe, se module sur le prolongement
d'une douce rêverie.
Les rimes féminines du 1er quatrain, aux sonorités voilées, correspondants aux évocations ouatées d'un paysage aux
teintes atténuées.
Les rimes masculines du 2e quatrain correspondent au jaillissement d'une double présence aux lignes discrètes, mais
précises.
Dans les deux tercets, les sonorités se font à la fois plus claires, plus aiguës, plus sonores et résonnent comme un
regret qui rafraîchit mais pince le cœur avec une intensité nostalgique.
CONCLUSION:
Verlaine n'a que 22 ans, mais il a déjà le sentiment d'une déchéance, la nostalgie d'un passé et d'une innocence
révolue.
D'où le titre de Saturnien (Mélancolique) donné à ce recueil de 1666.
De tous les poèmes consacrés au
souvenir, c'est peut-être le plus intime, le plus original et le plus musical..
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