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On est parfois tenté de reléguer la tragédie au magasin d'antiquités. Les conflits qu'elle représente nous sont-ils si étrangers ? N'est-elle pour nous que de l'art en perruques ? Et vous paraît-elle dénuée de sens aujourd'hui ?

Extrait du document

La tragédie, ce genre en apparence aussi anachronique que la cantate du Grand Prix de Rome, conquiert pourtant encore aujourd'hui une audience extrêmement vaste : on ne cesse de jouer RACINE et CORNEILLE à la Comédie-Française; on redécouvre les grandes tragédies antiques d'EschyLE à SÉNÈQUE; Jean-Paul SARTRE adapte les Troyennes d'EuRIPIDE; Thierry MAULNIER écrit des tragédies raciniennes; bien plus, après les tentatives de GIRAUDOUX, COCTEAU, ANOUILH, est née, avec IONESCO et BECKETT, une véritable tragédie « moderne ». Comment cette persistance et cette continuité sont-elles possibles? La question invite à s'interroger sur le tragique, sur l'essence même de la tragédie, sur sa signification humaine, sur l'importance qu'il confère au genre littéraire chargé de l'exprimer.

« On est parfois tenté de reléguer la tragédie au magasin d'antiquités.

Les conflits qu'elle représente nous sont-ils si étrangers? N'est-elle pour nous que de l'art en perruques? Et vous paraît-elle dénuée de sens aujourd'hui? Introduction La tragédie, ce genre en apparence aussi anachronique que la cantate du Grand Prix de Rome, conquiert pourtant encore aujourd'hui une audience extrêmement vaste : on ne cesse de jouer RACINE et CORNEILLE à la ComédieFrançaise; on redécouvre les grandes tragédies antiques d'EschyLE à SÉNÈQUE; Jean-Paul SARTRE adapte les Troyennes d'EuRIPIDE; Thierry MAULNIER écrit des tragédies raciniennes; bien plus, après les tentatives de GIRAUDOUX, COCTEAU, ANOUILH, est née, avec IONESCO et BECKETT, une véritable tragédie « moderne ». Comment cette persistance et cette continuité sont-elles possibles? La question invite à s'interroger sur le tragique, sur l'essence même de la tragédie, sur sa signification humaine, sur l'importance qu'il confère au genre littéraire chargé de l'exprimer. Développement rédigé I.

Les conflits tragiques dans la tragédie Incantation de la souffrance, la tragédie illustre un conflit qui peut prendre des aspects divers. 1.

Conflit de deux volontés morales.

Dans une analyse qui est restée classique, HEGEL a reconnu dans la tragédie le conflit de deux volontés morales exclusives qui refusent de se reconnaître et de s'accepter. Antigone et Créon sont, dans la tragédie de SOPHOCLE, ces deux bastions inaccessibles chargés de défendre l'un la loi des dieux, l'autre la loi des hommes.

Pour peu qu'il croie à la valeur des deux codes, le héros se trouve déchiré, tel Rodrigue, dans le Cid, pris entre deux valeurs également aimées et également honorées, l'honneur du sang et l'honneur de l'amour : Je dois à ma maîtresse aussi bien qu'à mon père A mon plus doux espoir l'un me rend infidèle Et l'autre indigne d'elle. Il est alors percé jusques au fond du coeur, d'abord hésitant, incapable de prendre une décision, acculé à un choix douloureux et pourtant nécessaire. 2.

Conflit de l'homme et du destin.

Si Antigone périt par la loi des hommes, Phèdre est victime de la loi des dieux.

ANOUILH le montre dans le prologue de son Antigone : les jeux sont déjà faits et le maître du jeu prend le nom mythique de « destin ».

Le héros pressent que le monstre l'absorbera et pourtant il continue à lutter, à opposer au puissant destin ses faibles, ses dérisoires desseins humains.

Un combat s'engage entre un vainqueur et un vaincu.

On peut bien invoquer, avec OEnone, les dieux tout-puissants, il est trop tard, il n'y a plus d'espoir : la haine de Vénus, la fatale colère vont poursuivre leur cours inexorable. 3.

Conflit de l'homme et de lui-même.

Mais le héros peut bien se représenter la force inexorable qui l'entraîne comme une puissance d'essence divine ou comme le poids du sang ancestral : Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorable, Je péris la dernière et la plus misérable, en réalité, il n'a point de pire ennemi que lui-même.

Le destin, écrit HEGEL, c'est la conscience de soi-même comme d'un ennemi.

Phèdre connaît sa faute, mais, comme l'Égisthe de GIRAUDOUX ou comme les personnages de Huis clos, elle essaie de l'éliminer, d'oublier ce qu'elle est devenue.

Mais le passé est irrémédiable, et il s'affirme comme le plus inexorable des destins.

Qu'ai-je fait, s'écrie Phèdre : son acte ne peut être effacé.

Le héros revient sans cesse à soi, comme s'il était enfermé en lui-même. Transition : De tels conflits ne peuvent manquer de s'imposer à tout homme réellement vivant.

Ainsi s'explique la communion qui va s'établir entre les personnages de la scène et les personnes de la salle. II.

L'émotion tragique 1.

Tragédie et admiration.

Les tragédies illustrant le conflit de deux volontés morales jouent sur le ressort de l'admiration.

Le héros de théâtre est bien ici un héros véritable : Antigone, allant vaillamment vers son tombeau, étonne les choreutes, qui représentent sur scène l'humanité moyenne à laquelle nous appartenons.

CORNEILLE, la plupart du temps, exploite consciemment la veine de l'héroïsme.

Rodrigue ou Horace accomplissent d'extraordinaires exploits guerriers.

Polyeucte, soldat de Dieu, marche sans faiblir au supplice.

Quand à Auguste, il trouve en lui-même la force de dominer sa colère et un ressentiment qui serait vulgaire, remportant la plus belle victoire qui se puisse imaginer : la clémence. 2.. »

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