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MOLIÈRE (1622-1673) - Jean-Baptiste POQUELIN, dit.

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S'il fallait, cédant à la manie classificatoire, élire l'auteur du siècle, on ne pourrait que désigner Molière, ratifiant le choix perspicace qu'on prête à Boileau. Au siècle du théâtre, il est tout le théâtre, acteur, directeur de troupe, auteur. Sa profession, comme ses idées d'épicurien sceptique, en creusant la distance entre lui et la société, lui donne sur le monde le libre regard critique du spectateur. Son oeil n'a plus qu'à alimenter son théâtre, il réfléchit tout ce qu'il voit et le projette sur la scène. « Toutes nos vacations sont farcesques » disait Montaigne. Molière le prend au pied de la lettre, mais il est plus facile de le dire que de le montrer. Molière dérive d'abord en un long apprentissage hors des sentiers battus. Transfuge d'une bourgeoisie riche et obscure, il se mêle aux histrions, qui vivent entre le mépris et l'adulation. Cet éclatant coup de dés, où il décide de gagner sa vie en la jouant, dans tous les sens du terme, marque ses débuts dans la mise en scène. Il commence par perdre. Chassé de Paris par l'échec, il effectue sans s'y engloutir mais en s'y éprouvant, une longue traversée du désert provincial (1645-1658). Le sort lui accorda enfin quinze années, de 1658 à 1673, pour tout dire en une trentaine de pièces quinze années de harcèlement entre les vindictes des puissants et les exigences du royal client, à qui il faut fournir toujours plus de divertissements, en échange de la liberté qu'a le fou du roi de tout dire. Car Molière vit, dans la fébrilité, les années folles de la royauté : protégé d'abord par le frère du roi, il participe à Vaux aux fêtes données par Fouquet en l'honneur de Louis XIV. Lorsque le roi recueille les dépouilles des « acquisitions insolentes » du surintendant, il prend Molière sous sa protection. Celui-ci crée, de 1665 à 1671, quatorze spectacles pour le roi, à Versailles, à Saint-Germain, au Louvre, aux Tuileries, à Chambord. La plupart sont des comédies-ballets dont Lulli fait la musique. L'intrigant musicien réussit, en 1672, à supplanter Molière dans la faveur royale et fait éliminer la comédie au profit de l'opéra. Parallèlement, dans la salle du Palais-Royal, Molière crée ses grandes comédies. L'ensemble de son oeuvre fournit les thèmes remarquables d'une « anthropologie structurale » de la « comédie humaine ». Sous le rire on entend tous les grincements de la machine sociale.

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