Michel ALTAROCHE (1811-1884) (Recueil : Chansons politiques) - La fête à l'Hôtel de Ville
Extrait du document
Michel ALTAROCHE (1811-1884) (Recueil : Chansons politiques) - La fête à l'Hôtel de Ville 19 juin 1837 Accourez vite à nos splendides fêtes ! Ici banquets, là concert, ailleurs bal. Les diamants rayonnent sur les têtes, Le vin rougit les coupes de cristal. Ce luxe altier qui partout se déroule, Le peuple va le payer en gros sous. Municipaux, au loin chassez la foule. Amusons-nous ! Quel beau festin ! mets précieux et rares, Dont à prix d'or on eut chaque morceau, Vins marchandés aux crus les plus avares Et que le temps a scellés de son sceau... Quel est ce bruit ?... - Rien, c'est un prolétaire Qui meurt de faim à quelques pas de vous. - Un homme mort ?... C'est fâcheux ! Qu'on l'enterre. Enivrons-nous ! Voici des fruits qu'à l'automne Vole à grand frais l'été pour ces repas : Là, c'est l'Aï dont la mousse écumeuse Suit le bouchon qui saute avec fracas... Qu'est-ce ?... un pétard que la rage éternelle Des factieux ? - Non, non, rassurez-vous ! Un commerçant se brûle la cervelle... Enivrons-nous ! Duprez commence... Ô suaves merveilles ! Gais conviés, désertez vos couverts. C'est maintenant le bouquet des oreilles ; On va chanter pour mille écus de vers. Quel air plaintif vient jusqu'en cette enceinte ?... Garde, alerte ! En prison traînez tous Ce mendiant qui chante une complainte... Enivrons-nous ! Femmes, au bal ! La danse vous appelle ; Des violons entendez les accords. Mais une voix d'en haut nous interpelle . Tremblez ! tremblez ! vous dansez sur les morts Ce sol maudit que votre valse frôle, Le fossoyeur le foulait avant nous... " Tant mieux ! la terre est sous nos pieds plus molle. Trémoussez-vous ! Chassons bien loin cette lugubre image Qui du plaisir vient arrêter l'essor. Déjà pâlit sous un autre nuage Notre horizon de parures et d'or. C'est Waterloo... Pardieu, que nous importe ! Quand l'étranger eut tiré les verroux, On nous a vu entrer par cette porte... Trémoussez-vous ! Çà, notre fête est brillante peut-être ? Elle a coûté neuf cent vingt mille francs. Qu'en reste-t-il ? Rien... sur une fenêtre, Au point du jour, des lampions mourants. Quand le soleil éclairera l'espace, Cent mobiliers seront vendus dessous. Vite, aux recors, calèches, faites place... Éloignons-nous !
Liens utiles
- Victor HUGO (1802-1885) (Recueil : Les chansons des rues et des bois) - Jour de fête
- Victor HUGO (1802-1885) (Recueil : Les chansons des rues et des bois) - Jour de fête aux environs de Paris
- Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Chansons pour elle) - Que ton âme soit blanche ou noire
- Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Chansons pour elle) - Je suis plus pauvre que jamais
- Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Chansons pour elle) - Tu crois au marc de café